J-03-250
BAIL COMMERCIAL – BAIL A DUREE DETERMINEE – ABSENCE DE DEMANDE DE RENOUVELLEMENT DU PRENEUR DANS LE DELAI PRESCRIT PAR L’ARTICLE 92 AUDCG – DECHEANCE DU DROIT AU RENOUVELEMENT.
ABSENCE DE NOTIFICATION PAR LE BAILLEUR AUX CREANCIER INSCRITS DE SON INTENTION DE NE PAS RENOUVELER LE BAIL 6 APPLICATION DE L’ARTICLE 101 AUDCG (NON).
EXPUSION DU PRENEUR – URGENCE – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES (OUI).
En application de l’article 92 de l’acte uniforme sur le droit commercial général, le preneur d’un bail à durée déterminée qui ne fait pas sa demande de renouvellement dans le délai imparti par ce texte est déchu de son droit au renouvellement.
Le refus du bailleur de renouveler le bail ne pouvant s’analyser en une résiliation judiciaire, celui-ci n’est pas tenu de respecter l’article 101 de l’acte uniforme précité qui lui prescrit de notifier son intention aux créanciers inscrits sur le fonds.
Il y a urgence pour un propriétaire d’immeuble de récupérer son bien lorsque le preneur est sans droit ni titre; cette urgence justifie la compétence du juge des référés.
Article 91 ET 92 AUDCG
Article 101 AUDCG
(Cour d’appel de Niamey, Chambre civile, arrêt n+ 51 du 3 avril 2002, Amadou Hamidou TCHIANA c/ Michel Elias HADDAD).
LA COUR
SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL
Suivant exploit en date du 26/03/2002 de Me Cissé Oumarou, Huissier de justice à Niamey, Monsieur Amadou Hamidou Tchiana, Directeur de Négoce International, assisté de la SCPA Yankori-Djermakoye-Yankori, Avocats associés, a relevé appel de l’ordonnance N° 070 du 26/03/2002, rendue par le Président du Tribunal Régional de Niamey, juge des référés;
Cet appel étant intervenu dans les forme et délai prescrits par la loi, doit être déclaré recevable;
AU FOND :
Suivant exploit en date du 14/03/2002 de Me Cissé Oumarou, Huissier de justice à
Niamey, le sieur Amadou Hamidou Tchiana, Directeur de Négoce International, assisté de la
SCPA Yankori-Djerrnakoye-Yankori, a assigné le sieur Michel Elias Haddad, représentant les Etablissements Haddad Michel, assisté de Me Marc Lebihan, devant le juge des référés, aux fins de :
voir constater l'expiration du bail sur « Jet 7 » à la date du 28/02/2002;
voir constater qu'en application de l'article 92 alinéa 2 de l’Acte Uniforme portant sur le droit commercial général, il est déchu du droit au renouvellement du bail;
s'entendre en conséquence, ordonner son expulsion des lieux et tous occupants de son
chef;
s'entendre dire que la décision à intervenir sera exécutoire par provision sur minute et avant enregistrement, nonobstant toutes voies de recours;
Suivant ordonnance N° 070 du 26/03/2002, le juge des référés s'est déclaré
incompétent;
Attendu que Amadou Hamidou Tchiana, assisté de la SCPA Yankori-Djermakoye-
Yankori, demande à la Cour d'infirmer l'ordonnance attaquée, de se déclarer compétente, de
constater que Michel Elias Haddad est déchu de son droit au renouvellement, de prononcer
son expulsion des lieux ou de tous occupants de son chef;
A l'appui de sa demande, il expose qu'il avait conclu avec Michel Elias Haddad, un bail
commercial à durée déterminée de trois ans, le 01/03/1996; que ce bail avait été reconduit
d'une durée égale en 1999; qu'à l'issue de ces six années d'exécution, il devait arriver à
terme le 25/02/2002; qu'il avait pris la précaution d'aviser son cocontractant le 03/01/2002 et
le 07/02/2002, de son intention de ne pas renouveler le bail à son terme, c'est-à-dire le
28/02/2002; que celui-ci refuse de vider les lieux à partir du 07/03/2002, alors que s'agissant
d'un contrat à durée déterminée, l'article 92 de l'Acte Uniforme portant sur le droit commercial général lui fait obligation de demander le renouvellement du bail par acte extra judiciaire, au plus tard trois mois avant l'expiration de ce contrat, sous peine d'être déchu de son droit au renouvellement; qu'étant occupant sans titre depuis le 07/03/2002, il doit purement et simplement déguerpir des lieux;
De son côté, Michel Elias Haddad, assisté à l'audience de Me Sébène Laurent, Avocat au Cabinet de Me Marc Lebihan, sollicite de la Cour, la confirmation de l'ordonnance attaquée;
Au soutien de sa demande, il explique que le juge des référés est incompétent pour ordonner l'expulsion, en raison des contestations sérieuses; qu'en outre, il déclare être toujours locataire des lieux loués; que n'ayant pas reçu de préavis du bailleur lui annonçant son intention de ne pas reconduire le contrat, il l'a considéré tacitement reconduit comme la première fois, et l'a fait enregistrer depuis le 14/01/2002, ce qui lui fait bénéficier donc d'un titre l'autorisant à demeurer dans les lieux pendant encore trois ans; qu'en tout cas, il a formulé sa demande de renouvellement le 28/02/2002, et n'a pas encore reçu de suite;
SUR LA COMPETENCE DU JUGE DE REFERE
Attendu d'une part, qu'il résulte de l'article 806 du code de procédure civile, que le juge
des référés est compétent dans tous les cas d'urgence; que cette notion d'urgence, qui définit
cette compétence, procède non de l'empressement du demandeur à agir en justice, mais de la
nature même du litige, et répond à la même nécessité ou de prévenir un dommage imminent
ou d'écarter par une décision immédiate, les moyens purement dilatoires du défendeur, en
dehors de toutes contestations sérieuses;
Attendu d'autre part, que la jurisprudence constante a toujours réaffirmé qu'il y a
toujours urgence lorsqu'il s'agit pour un propriétaire, de reprendre la disposition de son bien
en possession d'un tiers, considéré par lui comme un occupant sans droit ni titre; qu'il a été
jugé également qu'en matière de baux commerciaux, lorsque le bail est expiré, le juge des
référés peut, en l'absence d'une contestation sérieuse, prononcer l'expulsion du locataire (Aix
19 III 1955 JCP 55 IV et A. 24 39); :
Attendu que dans le cas d'espèce, Amadou Hamidou Tchiana ne demande rien d'autre au juge des référés, que de prendre une décision immédiate constatant à la fois la déchéance du preneur et ordonnant l'expulsion de celui-ci, dont il estime qu'il est déchu de ses droits, et qui tente par des moyens dilatoires, de se maintenir dans les lieux; attendu qu'en outre, la compétence du juge des référés ne peut être contestée, lorsque la loi et la convention lui ont expressément donné compétence, puisqu'en l'espèce, il a été simplement demandé audit juge de constater, conformément à l'article 92 de l'Acte Uniforme sur le droit commercial général et à la convention des parties, la déchéance du droit du locataire, et par voie de conséquence, ordonner l'expulsion de l’occupant des lieux;
Attendu qu'en se déclarant incompétent, le premier juge n'a pas fait une saine
application de la loi et de la convention des parties; que par conséquent, l'ordonnance attaquée doit être infirmée;
SUR LE DEFAUT DE PREAVIS DONNE PAR AMADOU HAMIDOU TCHIANA A
MICHEL ELIAS HADDAD
Attendu que si l'article 92 de l'Acte Uniforme portant sur le droit commercial général
impose au preneur qui veut renouveler son bail, de faire connaître son intention de renouveler
3 mois avant la fin du bail, aucune autre disposition dudit acte, encore moins l'article précité,
n'exigent du bailleur d'en faire autant; que le contrat des parties non plus n'impose une telle
obligation au bailleur;
Attendu d'ailleurs que contrairement à ce que soutient Michel Elias Haddad, Amadou
Hamidou Tchiana, sur qui ne pèse aucune obligation, a successivement écrit le 03/01/2002 et
07/02/2002 à son locataire, pour l'informer de son intention de ne plus renouveler le contrat
les liant, même si Michel Elias Haddad prétend n'avoir pas reçu la correspondance du
07/01/2002, alors même qu'il est versé au dossier un récépissé de la poste attestant qu'il a bel
et bien reçu la correspondance;
Attendu de tout ce qui précède, en l'absence d'obligations légales et contractuelles imposées au bailleur, Michel HADDAD ne peut se prévaloir du défaut de préavis pour refuser de libérer les lieux; il y a lieu de rejeter le moyen comme non fondé;
SUR LA VIOLATION DE L'ARTICLE 101 DE L'ACTE UNIFORME PORTANT
SUR LE DROIT COMMERCIAL GENERAL
Attendu que Michel Elias Haddad reproche à Amadou Hamidou Tchiana, d’avoir violé l'article 101 de l'Acte Uniforme;
Mais attendu que l'article 101 alinéas 4 et 5 de l'Acte Uniforme portant sur le droit
commercial général traite de notification aux autres créanciers inscrits, imposée au bailleur
qui entend poursuivre la résiliation du bail dans lequel est exploité un fonds de commerce et
au délai d'un mois qui devra séparer cette notification, et le jugement prononçant la
résiliation;
Attendu qu'il s’agit d'un cas de résiliation judiciaire du bail, alors qu'en l'espèce, il est demandé au juge de référé de constater la déchéance du preneur prévue par les articles 91, 92 du même Acte Uniforme et par le contrat des parties, et d’ordonner en conséquence, l'expulsion du preneur; que l'article 101 alinéas 4 et 5 est donc inapplicable en l'espèce, puisqu'il ne s'agit nullement de résiliation judiciaire; que ce moyen doit être rejeté également;
SUR L'ENREGISTREMENT DU CONTRAT POUR 3 ANS EFFECTUE PAR MICHEL ELIAS HADDAD AINSI QUE LA DEMANDE DE RENOUVELLEMENT DU 28/02/2002
Attendu qu'avant l’enregistrement intervenu le 14/01/2002, Amadou Hamidou TCHIANA avait fait savoir, dès le 04/01/2002, de son intention de ne plus reconduire le contrat; que le fait pour Michel Elias HADDAD, de soutenir n'avoir pas accusé réception de cet avis, ne peut faire obstacle à la demande de Amadou Hamidou TCHIANA, pour la simple raison d'une part, que ce dernier n'est ni légalement, ni conventionnellement tenu, et d'autre part, il est versé un récépissé au dossier attestant que Michel Elias HADDAD a bel et bien reçu la correspondance du 04/01/2002; qu'eu égard de ce qui précède, il ne peut se plaindre de sa propre turpitude;
SUR LA DEMANDE DE RENOUVELLEMENT EN DATE DU 28/02/2002
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'il s'agit de bail commercial;
Attendu que s'agissant d'un bail commercial, l'article 92 alinéa 2 de l'Acte Uniforme
portant sur le droit commercial général stipule que « dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail, en vertu de l'article 91 ci-dessus, peut demander le renouvellement de celui-ci, par acte extra judiciaire, au plus tard trois mois avant la date d'expiration du bail »; que l'alinéa 2 poursuit que « le preneur qui n'a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit de renouvellement du bail »; qu'en outre, il résulte de la convention de bail signée par les parties, « qu'à l'issue de ces trois années, le preneur ne pourra se voir refuser, s'il en manifeste le désir au mois trois mois avant la fin du bail, le renouvellement de celui-ci, aux mêmes termes et conditions, notamment de durée;
Attendu qu'en application de l'article 92 et de la convention des parties, le délai limite de demande de renouvellement eu égard à la date d'expiration du bail (28/02/2002) était le 28/11/2001;
Attendu qu'eu égard à ce qui précède, il ne peut être sérieusement contesté que Michel Elias HADDAD n'a pas manifesté son désir de renouveler le bail dans les forme et délai prescrits par l'article 92 ci-dessus, ainsi que par la convention des parties;
Attendu enfin qu'il y a lieu de constater que la demande du 28/02/2002 est parvenue après que le bailleur, non tenu par la loi et la convention des parties, ait fait connaître son intention de ne plus reconduire le bail, suivant plusieurs courriers successifs; qu'au terme de la jurisprudence, une telle demande ne peut produire aucun effet;
Attendu qu'aux termes de l'article 102 de l'Acte Uniforme sur le droit commercial général, les dispositions de l'article 92 sont d'ordre public;
Attendu dans ces conditions, qu’il y a lieu de constater la déchéance de Michel Elias HADDAD de son droit au renouvellement de son bail;
SUR LA DEMANDE D’EXPULSION
Attendu que la déchéance de Michel Elias HADDAD quant à son droit au renouvellement du bail le liant à Amadou Hamidou TCHIANA a été constatée ci-haut; que par voie de conséquence, il occupe les lieux sans droit ni titre; d’où il convient de faire droit à la demande de Amadou Hamidou TCHIANA, en ordonnant l’expulsion de Michel Elias HADDAD des lieux, ainsi que tous occupants de son chef;
Attendu qu’il convient de condamner Michel Elias HADDAD aux dépens;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
– Reçoit l’appel de Amadou Hamidou TCHIANA régulier en la forme;
AU FOND :
– Infirme l’ordonnance attaquée;
– Se déclare compétente;
– Constate qu’en vertu des articles 91 et 92 alinéa 2 du Code OHADA, Michel Elias HADDAD est déchu du droit au renouvellement du bail liant les parties;
– Ordonne son expulsion des lieux ainsi que tous occupants de son chef;
– Condamne Michel Elias HADDAD aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Niamey, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.