J-03-253
VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION – OMISSION PAR LE TIERS SAISI DE SIGNALER UNE PRECEDENTE SAISIE LORS DE LA DECLARATION OBLIGATOIRE – FAUTE DU TIERS SAISI – CONDAMNATION DU TIERS SAISI AUX CAUSES DE LA SAISIE.
Commet une faute civile la Banque, tiers saisi qui a failli à son obligation de faire une déclaration affirmative complète lors de son interpellation par l’huissier en omettant volontairement de signaler une précédente saisie sur le compte du saisi. La sanction de cette faute est prévue à l’article 159 al. 2 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, qui dit que « toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné des causes de la saisie, sans préjudice de condamnation à des dommages intérêts ».
(Cour d’appel de Niamey, Chambre civile, arrêt n° 62 du 8 mai 2002, Ecobank Niger c/ SNAR LEYMA et dame Hadiza Hassan).
LA COUR
EN LA FORME
Par exploit d’huissier en date du 19 mars 2002, ECOBANK-NIGER, assistée de Me Seyni Yayé, Avocat à la Cour, a interjeté appel de l’ordonnance N° 57 du 15 mars 2002 rendue par Monsieur le Président du Tribunal Régional de Niamey, juge des référés;
Attendu que cet appel, intervenu dans les forme et délai de la loi, est recevable;
AU FOND
Attendu que le 02 juin 2001, la Cour d’Appel de Niamey, par arrêt N° 43, condamnait la SNAR LEYMA à payer à Dame Hadiza Hassan, la somme de 14.592.500 F; en exécution de cet arrêt, cette dernière pratiquait saisie attribution sur le compte de SNAR LEYMA, logé dans les livres de l’ECOBANK; lors de l’opération de saisie, ECOBANK déclarait à l’huissier, que le compte de SNAR LEYMA disposait d’un crédit de 10.179.200 F. Le 28 décembre 2001, la SNAR LEYMA recevait dénonciation de cette saisie et n’a soulevé aucune contestation. Le 08 février 2002, ECOBANK, tiers saisi, recevait signification du certificat de non contestation; sommée de verser la somme qu’elle déclarait détenir pour SNAR LEYMA, ECOBANK refuse de s’exécuter, au motif qu’il y avait déjà une précédente saisie qui frappait le compte en question;
Par exploit en date du 20 février 2002 de Me Moussa Souna, Huissier de justice à Niamey, Dame Garba née Hadiza Hassan, assistée de Me Oumarou Sanda, Avocat stagiaire à l’étude de Me Kouavi Bernard, a assigné devant le juge des référés, la Société de banque ECOBANK-NIGER, aux fins de s’entendre au principal, condamner cette banque à lui payer la somme de 14.592.000 F au titre des causes de la saisie, sous astreinte de 3 millions de francs par jour de retard; subsidiairement, la condamner à lui payer la somme de 10.179.207 F dont elle se reconnaît détentrice pour le compte de la LEYMA, sous astreinte de 3 millions de francs par jour de retard, avec exécution provisoire de la décision à intervenir;
Attendu que par exploit en date du 04 mars 2002, ECOBANK a appelé en cause la SNAR LEYMA, pour défendre ses intérêts, en prenant telles conclusions qu’elle avisera;
Attendu qu’après jonction des 2 procédures, le juge des référés, par ordonnance N° 57 du 15 mars 2002, se déclarait compétent, recevait Dame Hadiza Hassan en sa requête, condamnait ECOBANK à lui payer la somme de 10.179.207 F saisie sur le compte de LEYMA logée chez ECOBANK;
– Déboutait ECOBANK et SNAR LEYMA de leurs demandes;
– Les condamnait aux dépens;
C’est contre cette décision qu’ECOBANK a interjeté appel;
A l’appui de son appel, ECOBANK soutient que le juge des référés est incompétent pour la condamner à payer à Dame Hadiza Hassane, les 10.179.207 F qu’elle détient pour le compte de la LEYMA, car ayant formé un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’Appel de Niamey, fondement de la saisie sur elle pratiquée; elle prétend que face au pourvoi contre cet arrêt, le juge des référés risque de préjudicier au principal, si jamais il la condamnait à payer la cause de cette saisie; ECOBANK ajoute que cette saisie pratiquée est illégale, à raison de l’existence d’une précédente saisie sur le même compte LEYMA; elle demande en conséquence, l’infirmation de l’ordonnance attaquée, en invoquant l’incompétence du juge des référés;
La SNAR LEYMA; appelée en cause par ECOBANK, soutient elle aussi les mêmes arguments développes par ECOBANK, et demande à la Cour d’infirmer le jugement attaqué, en se déclarant incompétente;
Quant à Dame Hadiza Hassane, elle soutient par la voie de son Conseil Me Kadry Siddo, que sa requête en référé n’est pas fondée sur l’article 806 du code de procédure civile, mais l’article 156 al. 2 du code OHADA (sic !), qui oblige le tiers saisi à payer, en cas de déclarations incomplètes, fausses ou inexactes, de celui-ci :
Elle ajoute que ECOBANK, en se taisant sur l’existence d’une précédente saisie grevant le compte de la LEYMA, au moment où l’huissier s’est adressé à lui pour sa déclaration affirmative, a commis une faute sanctionnable par des dommages intérêts, sur la base du même article ci-dessus;
Dame Hadiza conclut que ECOBANK doit en conséquence payer à la place de LEYMA, jusqu’à concurrence de la somme qu’elle a déclaré détenir pour son client;
SUR L’OMISSION DE STATUER :
Attendu que Dame Hadiza Hassane a, dans sa requête, demandé subsidiairement la condamnation de ECOBANK à lui payer la somme de 10.179.207 F, objet de la saisie, et cela sous astreinte de 3 millions de F par jour de retard;
Attendu que si le premier juge a, dans les motifs de sa décision, promis d’assortir son ordonnance d’une astreinte de 500.000 F par jour de retard, il a cependant oublié de faire ressortir cette astreinte dans le dispositif; que cet oubli constitue une omission de statuer qui entraîne de facto l’annulation de sa décision;
Qu’il y a par conséquent lieu d’annuler l’ordonnance attaquée;
SUR LA COMPÉTENCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS :
Attendu que la décision soumise à la censure de la Cour est relative à une mesure d’exécution forcée; que le juge des référés est par conséquent compétent, conformément à l’article 49 du Code OHADA sur les procédures de voie d’exécution;
SUR LE BIEN-FONDÉ DE LA REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR DAME HADIZA HASSANE :
Attendu que Dame Hadiza fonde son action sur la faute civile commise par ECOBANK, qui a failli à son obligation de faire une déclaration affirmative complète lors de son interpellation par l’huissier; qu’en omettant volontairement de signaler cette précédente saisie sur le compte de la SNAR LEYMA, ECOBANK a commis une faute dont la sanction est prévue à l’article 159 al. 2 du code OHADA, qui dit que « toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné des causes de la saisie, sans préjudice de condamnation à des dommages intérêts »;
Qu’il y a lieu, au vu de tout ce qui précède, condamner ECOBANK à payer à Dame Hadiza Hassane, la somme de 10.179.207 F, représentant le montant qu’elle a déclaré détenir dans les comptes de la LEYMA logés chez elle;
Attendu que la requérante a demandé à ce que cette condamnation soit assortie d’une astreinte de 3 millions par jour de retard;
Attendu que cette astreinte se justifie, mais que la Cour la trouve exagérée dans son quantum; qu’elle dispose des éléments souverains d’appréciation pour la ramener à 500.000 F par jour de retard;
Attendu que les arguments d’ECOBANK et de la LEYMA ne résistent à aucune critique des moyens sus relatés; qu’il y a lieu de les débouter de toutes les demandes.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
– Reçoit l’appel d’ECOBANK régulier en la forme;
AU FOND :
– Annule l’ordonnance attaquée pour violation de la loi (omission de statuer sur un chef de demande);
– Evoque et statue à nouveau;
– Se déclare compétent;
– Condamne ECOBANK à payer à Dame Hadiza Hassane, la somme de 10.179.207 F, représentant le montant qu’elle a déclaré détenir dans les comptes de la SNAR LEYMA, logés chez elle, sous astreinte de 500.000 F par jour de retard;
– Déboute ECOBANK et SNAR LEYMA de leurs demandes;
– Les condamne aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Niamey, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, professeur agrégé, Consultant
Les juges du fond ont une fâcheuse tendance à appliquer systématiquement l’article
159 AUPSRVE à l’encontre des tiers saisi. Il convient de rappeler que ce texte ne fait que consacrer un cas particulier de la responsabilité civile qui, pour sa mise en œuvre, exige : une faute du tiers saisi, un dommage pour le créancier saisissant (insolvabilité du saisi) et un lien de causalité entre ce dommage et la faute du saisi, ce que s’est abstenue de rechercher la Cour d’appel.