J-03-254
VOIES D’EXECUTION – SAISIE VENTE – DIFFICULTES D’EXECUTION – JURIDICTION COMPETENTE – COMPETENCE D’ATTRIBUTION (ARTICLE
49 AUPSRVE) – COMPETENCE TERRITORIALE (ARTICLE
129 AUPSRVE).
SAISIE VENTE – NON RESPECT DU DELAI DE HUIT JOURS ENTRE LE COMMANDEMENT DE PAYER ET LA SAISIE (ARTICLE
92 AUPSRVE) – NULLITE DE LA SAISIE.
SAISIE VENTE – NON RESPECT DES CONDITIONS DE FORME POSEES PAR LES ARTICLES
100 ET
104 AUPSRVE – NULLITE DE LA SAISIE.
GARDE DES BIENS SAISIS CONFIEE A L’AGENT D’EXECUTION – VIOLATION DE L’ARTICLE
103 AUPSRVE – RESTITUTION DES BIENS SAISIS IRREGULIEREMENT SOUS ASTREINTE.
L’article 49 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution (AUPSRVE) pose ses règles de compétence d’attribution et ne sont pas applicables lorsqu’il est demandé au juge de statuer sur la compétence territoriale qui est prévue à l’article 129 du chapitre sur les saisies ventes, aux termes duquel « les contestations relatives à la saisie vente sont portées devant la juridiction du lieu de saisie »; il résulte de ce texte que le juge de référé (de Dosso) est compétent puisque les saisies ont été opérées dans son ressort. Il y a donc lieu de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par le créancier saisissant.
Aux termes de l’article 92 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, la saisie vente doit être est précédée d’un commandement de payer signifié au moins 8 jours avant la saisie du débiteur; il s’ensuit que toute saisie vente est nulle avant l’expiration de ce délai. En l’espèce, le commandement et la saisie ayant été faits le même jour, le délai de 8 jours n’est pas respecté et il y a lieu de déclarer irrégulières ladite saisie.
S’agissant des saisies pratiquées en observant le délai de 8 jours, elle n’ont pas respecté les prescriptions des articles 100 et 109 AUPSRVE, notamment les mentions prévues au 8, 9, 12, 11, 3, 4, 6, 7 de ces textes ni celles de l’article 104 du même acte faisant obligation de mentionner le délai de 15 jours pour former une contestation devant le juge d’exécution. Il échet, eu égard à tout ce qui précède, de déclarer irrégulières lesdites saisies et d’en ordonner la mainlevée.
En application de l’article 103 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, le saisi est réputé gardien des biens saisis alors qu’en l’espèce, les biens saisis ont été enlevés et confiés à l’agent d’exécution. Il y a là violation des dispositions ci-dessus visées et il y a lieu d’ordonner la restitution des biens entre les mains du saisi sous une astreinte de 50.000 F par jour de retard.
(Cour d’appel de Niamey, Chambre civile, arrêt n° 115 du 2 octobre 2002, Etablissements Hassan Barti c/ Adamou hamidou, Dame Maïmouna, Habou Halli Koko).
LA COUR
FAITS ET PROCEDURES
El Hadji Adamou Hamidou, commerçant demeurant à Gaya, est débiteur des Etablissements Barti Hassan - B.P. 2614 Niamey, pour la somme 46.330.000 FCFA, montant d’une facture des marchandises à lui livrées par les Etablissements Barti Hassan depuis le 27 février 2001 à Gaya;
Le 29 avril 2002, les Etablissements Hassan Barti obtiennent du Président du Tribunal de Dosso, une ordonnance d’injonction de payer contre El Hadji Adamou; qui n’a pas fait l’objet d’opposition; sur la base de cette ordonnance, les Etablissements Hassan Barti pratiquèrent les 6 et 19 juin 2002, des saisies ventes sur les biens appartenant à El Hadji Adamou Hamidou;
Suivant exploit en date du 30 juillet 2002, El Hadji Adamou Hamidou, assisté de Me Abba Ibrah, Avocat à la Cour, assigna par-devant le Tribunal de Dosso, les Etablissements Barti Hassan, pour s’entendre : déclarer nulles les saisies opérées, ordonner leur mainlevée sous astreinte de 500.000 F par jour de retard, dire et constater qu’aucun acte de saisie immobilière n’a été posé, par conséquent toute vente d’immeubles saisis est nulle; ordonner la remise des clés des boutiques détenues par l’agent d’exécution, sous astreinte de 1.500.000 F;
Suivant exploit en date du 30/07/2002 de Me Abdou Chaïbou, Huissier de justice à Niamey, El Hadji Habou Halli Koko et Dame Maïmouna Sambou, assistés de Me Abba, Avocat à la Cour, ont assigné devant le juge des référés de Dosso, les Etablissements Hassan Barti, pour s’entendre :
– Ordonner la distraction et la distribution sous astreinte de 500.000 F par jour de retard :
– de la Peugeot 505 N° AA 370 DKG, saisie le 06/06/2002 et appartenant à Habou Halli Koko;
– des réfrigérateur, téléviseur, vidéo et radio cassette Panasonic saisis, appartenant à Dame Maïmouna Sambou;
Suivant ordonnance N° 5/TR/DO/2003 en date du 02 août 2002, le juge de référé de Dosso a déclaré nulles les saisies opérées les 06 et 19 juin 2002, ordonné la restitution des biens saisis et déplacés, et la restitution des clés des boutiques, sous peine d’astreinte de 500.000 F par jour de retard, à compter du 03/08/002, déclaré nulle toute vente d’immeuble du saisi, et condamné les Etablissements Hassan Barti aux dépens;
Suivant ordonnance N° 6/TR/DO/2002, le même juge de référé a ordonné la distraction et la restitution des réfrigérateur, téléviseur, magnétoscope à Dame Maïmouna Sambou et du véhicule Peugeot 505 AA 370 DKG au sieur Habou Halli Koko;
– Dit qu’il n’y a lieu à fixation astreinte;
– Condamné les Etablissements Barti aux dépens;
Par exploits séparés en date du 05 août de Me Karimou Djibo, Huissier de justice demeurant à Gaya, les Etablissements Hassan Barti, représentés par leur Directeur, assisté de la SCPA Yankori Djernakoye Yankori, Avocats associés à la Cour, ont relevé appel des ordonnances N° 5 et 6 rendues respectivement le 2 et le 6 août 2002 par le juge des référés de Dosso;
Par conclusions en date du 18/09/2002, Dame Maïmouna Sambou et El Hadji Habou Halli Koko, assistés de Maître Abba Ibrah, formèrent appel incident;
Attendu que pour une bonne administration de la justice, il y a lieu d’ordonner la jonction des procédures;
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que les appels interjetés l’ont été dans les forme et délai de la loi; qu’il y a lieu de les déclarer recevables;
EN LA FORME
Par exploit d’huissier en date du 19 mars 2002, ECOBANK-NIGER, assistée de Me Seyni Yayé, Avocat à la Cour, a interjeté appel de l’ordonnance N° 57 du 15 mars 2002 rendue par Monsieur le Président du Tribunal Régional de Niamey, juge des référés;
Attendu que cet appel, intervenu dans les forme et délai de la loi, est recevable;
AU FOND
Attendu que les Etablissements Barti, par la voie de leur Conseil SCPA YDY, demandent à la Cour d’infirmer la décision attaquée, d’évoquer et de statuer à nouveau; de constater qu’ils ont donné mainlevée des saisies pratiquées et de leur en donner acte; de déclarer valide le pouvoir spécial de vente de gré à gré; de débouter El Hadji Adamou Hamidou de toutes ses demandes, fins et conclusions, et de le condamner aux dépens;
Attendu que les Etablissements Hassan Barti expliquent au soutien de leur appel, qu’il y a incompétence du juge de Dosso; ensuite, qu’ils ont donné mainlevée des saisies parce que le délai n’a pas été respecté; que s’agissant de la validité du pouvoir de vente de gré à gré, c’est un mois après l’ordonnance d’injonction de payer que El Hadji Adamou s’est présenté à Niamey, et déclarant reconnaître sa dette, avant de signer le pouvoir de vente de gré à gré; que ce pouvoir est valable en ce qu’il est intervenu après la reconnaissance de dette;
Attendu que de son côté, le Conseil des intimés demande à la Cour de le recevoir en son appel, d’ordonner la distraction des biens illégalement saisis leur appartenant, sous peine de 500.000 F par jour de retard à compter du 03/08/2002; ordonner la distraction du poste radio National Panasonic appartenant à Dame Sambou Maïmouna, omise par la 1ère décision; confirmer la décision attaquée sur toutes les autres dispositions; condamner les Etablissements Hassan Barti aux dépens;
Qu’il explique au soutien de son appel, que le premier juge a omis de se prononcer sur la distraction du poste radio Panasonic appartenant à Dame Maïmouna Sambou;
SUR L’APPEL CONTRE L’ORDONNANCE DU 02 AOÛT 2002
SUR L’EXCEPTION D’INCOMPÉTENCE :
Attendu que l’article 49 du Code OHADA (sic) pose les règles de compétence d’attribution; alors qu’il est demandé au juge de statuer sur la compétence territoriale;
Attendu qu’en se déclarant compétent sur la base de l’article 49, le 1er juge a fait une fausse application de la loi; qu’il y a lieu d’infirmer sa décision;
Attendu que la question de la compétence territoriale est prévue à l’article 129 du chapitre sur les saisies ventes, aux termes duquel « les contestations relatives à la saisie vente sont portées devant la juridiction du lieu de saisie »; qu’il résulte de ce texte que le juge de référé de Dosso est bien compétent, parce que les saisies ont été opérées dans son ressort; qu’il y a donc lieu de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par les Etablissements Hassan Barti;
SUR L’IRRÉGULARITÉ DES SAISIES :
Attendu qu’aux termes de l’article 92 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, la saisie est précédée d’un commandement de payer signifié au moins 8 jours avant la saisie du débiteur;
Attendu qu’il résulte de ce texte, que le délai de 8 jours entre le commandement et la saisie est obligatoire; qu’il s’ensuit que toute saisie vente est nulle avant l’expiration de ce délai;
Attendu qu’en l’espèce, le commandement date du 06 juin et la saisie a été faite le même jour; que le délai de 8 jours n’est donc pas respecté; qu’il y a lieu de déclarer irrégulières lesdites saisies;
Attendu que s’agissant du 19 juin, si elles ont été faites en respectant le délai de 8 jours, elle n’ont pas respecté les prescriptions des articles 100 et 109 du même Code (sic), notamment les mentions prévues au 8, 9, 12, 11, 3, 4, 6, 7 de ces textes; qu’en plus, l’article 104 fait obligation de faire mentionner un délai de 15 jours pour contester devant le juge d’exécution, en cas de trouvaille d’argent comptant dans l’investissement;
Attendu que cette mention n’apparaît pas à la lecture du procès- verbal; qu’il y a donc violation de cet article; qu’il échet, eu égard à tout ce qui précède, de déclarer irrégulière lesdites saisies et d’en ordonner la mainlevée;
SUR LA RESTITUTION DES BIENS DU SAISI :
Attendu qu’en application de l’article 103 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, le saisi est réputé gardien des biens saisis; qu’il conserve même l’usage, sauf pour les choses consomptibles, pour lesquelles il doit respecter la contre valeur;
Attendu qu’en l’espèce, tel n’a pas été le cas, les biens saisis ont été enlevés et confiés à l’agent d’exécution; qu’il y a là violation des dispositions ci-dessus visées; qu’il y a lieu d’ordonner la restitution des biens entre les mains du saisi;
Attendu qu’il y a urgence à exécuter cette restitution; qu’il y a lieu de l’assortir d’une astreinte de 50.000 F par jour de retard;
SUR LE DONNER ACTE DE MAINLEVÉE :
Attendu que les Etablissements Hassan Barti soutiennent avoir donné mainlevée des saisies et demandent qu’il leur en soit donné acte;
Attendu que cette demande a été introduite en cause d’appel; qu’il y a lieu de la rejeter comme étant nouvelle;
SUR LES SAISIES IMMOBILIÈRES :
Attendu que les saisies immobilières sont des voies d’exécution forcées prévues et réglementées par les articles 673 et suivants du Code de Procédure Civile, et 246 et suivants du Code OHADA (sic), qui prévoient que toute saisie doit être précédée d’un commandement aux fins de saisies, lequel est publié, et qui vaut saisie en cas de non paiement;
Attendu qu’il ne résulte pas des pièces du dossier et des débats à l’audience, qu’une telle procédure ait été engagée; qu’il y a lieu de dire qu’il n’y a pas eu saisie immobilière;
SUR LA VALIDITÉ DU POUVOIR DE VENTE DE GRÉ À GRÉ :
Attendu que le juge des référés statue en matière d’urgence sans préjudicier au principal;
Attendu qu’en l’espèce, l’examen de la validité du pouvoir de vente de gré à gré est une question qui touche au fond; qu’il y a lieu de se déclarer incompétent quant à l’application de la validité de ce pouvoir :
SUR L’ORDONNANCE DU 5 AOÛT 2002 :
Attendu qu’en droit, tout arrêt ou jugement doit être motivé, à peine de nullité, et l’omission de statuer sur un chef est assimilée à un défaut de motif;
Attendu qu’en l’espèce, il a été demandé au premier juge d’ordonner la distraction de plusieurs objets;
Attendu qu’il s’est prononcé sur certains, mais s’est tu sur d’autres et, notamment, sur le poste radio;
Attendu qu’ainsi, il y a omission de statuer, que l’ordonnance attaquée encourt annulation de ce chef;
Attendu qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer à nouveau;
Attendu que le juge compétent en matière de distraction est comme pour tous les incidents de la saisie vente, le juge de l’exécution du lieu de la saisie;
Attendu que le juge de Dosso, juge de référé exécution est donc bien compétent pour connaître de la demande en distraction; qu’il y a lieu de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par les Etablissements Hassan Barti :
SUR LA DISTRACTION ELLE-MÊME :
Attendu que la preuve de la propriété des revendiquants a été rapportée par la production des pièces justificatives (reçus d’achat); que l’allégation selon laquelle ils sont douteux ne suffit pas à les rendre faux, leur fausseté devant se prouver par un jugement; qu’il y a lieu d’ordonner leur distraction;
Attendu qu’il n’y a pas lieu à astreinte;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, par décision en dernier ressort en matière de référé :
– Reçoit les appels principaux des Etablissements Hassan Barti et incidents du conseil de Adamou Hamidou, de Habou Halli Koko et Dame Maïmouna Sambou, réguliers en la forme;
AU FOND :
Sur l’ordonnance N° 5 du 02 août 2002 :
– Infirme l’ordonnance susvisée;
– Se déclare compétent;
– Déclare irrégulières les saisies pratiquées les 6 et 19 juin 2002;
– Ordonne leur Mainlevée et la restitution des biens entre les mains du saisi sous astreinte de 50 000 F par jour de retard;
– Déclare irrecevable la demande de donner acte des Etablissements Hassan Barti comme étant nouvelle;
– Dit qu’il n’ y a pas eu saisie immobilière;
– Se déclare incompétent pour apprécier la validité du pouvoir de vente de gré à gré; et la demande en annulation de la vente des immeubles du saisi;
SUR L’ORDONNANCE N° 6 DU 2 AOÛT 2002 :
– Annule l’ordonnance susvisée pour violation de la loi (omission de statuer);
– Evoque et statue à nouveau;
– Se déclare compétent;
– Ordonne la distraction du poste radio, du téléviseur, du magnétoscope, du réfrigérateur, au profit de Dame Maïmouna Sambou, et celle de la 505 Peugeot N°AA 370 DKG à El Hadji Habou Halli Koko;
– Dit qu’il n’y a pas lieu à astreinte;
– Condamne les Etablissements Barti aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Niamey, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.