J-03-256
CONCESSION DE FOURNITURE D’ELECTRICITE – NON FOURNITURE D’ELECTRICITE A SES CLIENTS PAR LE CONCESSIONNAIRE – RESPONSABILITE CONTRACTUELLE – NON RESPECT DE SES ENGAGEMENTS FINANCIERS PAR L’ETAT DU NIGER INVOQUEE PAR LE CONCESSIONNAIRE COMME CAUSE D’EXONERATION – IRRECEVABILITE.
Le concessionnaire de fourniture d’électricité ne peut, pour s’exonérer de l’inexécution de ses obligations vis à vis de ses abonnés, invoquer comme cas de force majeure ou cause d’exonération de sa responsabilité contractuelle, le non respect par l’Etat du Niger de ses engagements financiers à son égard, les abonnés étant des tiers par rapport au contrat de concession.
(Cour d’appel de Niamey, Chambre civile, arrêt n° 132 du 8 novembre 2002, Nigelec c/ SNC et Etat du Niger).
LA COUR
SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL
Attendu que suivant exploit en date du 28/10/2002 de Maître CISSE Oumarou, Huissier de justice à Niamey, la Société Nigérienne d’Electricité (NIGELEC), représentée par son Administrateur Délégué, assisté de la SCPA YANKORI – DJEMAKOYE – YANKORI, Avocats associés à Niamey, a relevé appel de l’ordonnance N° 246 en date du 23/10/2002 rendue par le Président du Tribunal Régional de Niamey, Juge des référés;
Attendu que cet appel intervenu dans les forme et délai prévus par la loi doit être déclaré recevable;
AU FOND
Suivant exploit en date du 22/10/2002 de Maître Issaka DAN KOMA, Huissier de justice à Niamey, la Société Nigérienne de Cimenterie (SNC), représentée par son Directeur Général, assistée de la SCPA MANDÉLA, Avocats associés à Niamey, a assigné la NIGELEC devant le juge des référés, à l’effet de voir ordonner à celle-ci, de lui fournir 900 Kw/h d’électricité par jour, sous astreinte de 400.000.000 F par jour de retard;
Suivant exploit en date du 23/10/2002 de Maître CISSÉ Oumarou, Huissier de justice à Niamey, la NIGELEC a appelé en cause l’Etat du Niger;
Suivant ordonnance en date du 23/10/2002, le juge des référés a reçu la SNC en sa demande, a ordonné à la NIGELEC de lui fournir 900 Kw/h d’électricité par jour, conformément au contrat les liant, sous astreinte de 60.000.000 F par jour de retard, a mis l’Etat du Niger hors de cause, a rejeté toutes les demandes de la NIGELEC, et a condamné celle-ci aux dépens;
Attendu que la NIGELEC, par la voix de ses Conseils, demande à la Cour d’infirmer l’ordonnance attaquée, de dire et juger que l’Etat du Niger, de par sa défaillance à honorer ses engagements vis-à-vis de NIGELEC, est en cause dans l’instance dont s’agit; de débouter la SNC de sa demande, aucune faute dans l’inexécution de ses obligations vis-à-vis d’elle ne pouvant lui être imputable;
Qu’à l’appui de cette demande, elle soutient qu’en fait de suspension du courant électrique, elle a seulement procédé à un délestage, rationnement qu’elle explique par l’inertie de l’Etat du Niger, redevable envers son fournisseur de carburant MOBIL OIL, de la somme de 576.000.000 F, au titre de la subvention qu’il devrait verser à cette société; que cette défaillance de l’Etat du Niger constitue pour elle un cas de force majeure; qu’il l’exonère de toute responsabilité à l’égard de la SNC;
Attendu que la SNC, par la voix de ses Conseils, demande à la Cour de confirmer la décision attaquée;
Qu’elle explique que toute suspension ou même réduction de la quantité d’électricité à lui fournir par NIGELEC contrevient à la convention liant les parties; qu’en outre, l’Etat du Niger étant tiers à leur contrat, son refus de verser sa subvention ne peut être assimilé à un cas de force majeure, ce d’autant plus que NIGELEC n’a jamais dit à SNC qu’elle ne peut lui fournir de l’électricité, à cause de la défaillance de l’Etat quant au versement de sa subvention;
Attendu que pour sa part, l’Etat du Niger, représenté par Maître LEBIHAN Marc, Avocat à la Cour, son Conseil constitué, sollicite comme en première instance, sa mise hors de cause; qu’il explique que la NIGELEC a librement conclu son contrat de fourniture d’électricité avec la SNC, et qu’étant tiers audit contrat, l’exception d’inexécution dont se prévaut la NIGELEC en raison des difficultés qu’elle rencontre pour s’approvisionner en FOD ne lui est pas opposable;
Attendu qu’il résulte des faits de la cause, que la SNC est liée à la NIGELEC par un contrat de fourniture d’électricité de 900 Kw/h par jour; que sous prétexte de difficultés liées à la fourniture de FOD, la NIGELEC réduisait la fourniture d’électricité à la SNC, paralysant ainsi ses activités; que pour faire face à ce déficit allégué, la SNC avançait à la NIGELEC, à charge de remboursement, 55.000 litres de gasoil; qu’en dépit de cela, la NIGELEC revenait à la charge suivant courrier en date du 15/10/2002, pour demander à la SNC de supporter 6.000 litres de FOD comme participation, si elle veut être fournie en électricité : que face au refus de la SNC de se plier à une telle exigence, la NIGELEC procédait le 18/10/2002, à la suspension de l’énergie électrique à cette société;
Attendu que la NIGELEC soutient qu’il n’y a pas suspension de courant électrique, mais plutôt délestage du fait de difficultés qu’elle rencontre pour s’approvisionner en FOD;
Mais attendu qu’il résulte du procès-verbal de constat en date du 18/10/2002 dressé par Maître Boubacar DAN BORNO, Huissier de justice à Konni, que la suspension d’électricité était effective à la SNC, l’usine ayant été déconnectée à partir de 17 h 34 minutes, à la date sus indiquée;
Attendu que le contrat de fourniture d’électricité liant les parties n’a pas été dénoncé et ne fait pas obligation à la SNC de fournir une quelconque contrepartie, pour recevoir la quantité d’énergie prévue au contrat et nécessaire à son fonctionnement; que la NIGELEC est donc mal fondée à demander à la SNC de contribuer à hauteur de 6.000 litres de gasoil, si elle veut être fournie en électricité;
Attendu par ailleurs que la NIGELEC soutient qu’elle ne peut respecter ses engagements contractuels envers la SNC, du fait de la défaillance de l’Etat, qui ne verse pas sa subvention, amenant ainsi son fournisseur MOBIL à ne pas lui livrer du FOD; qu’elle conclut ainsi que cette situation constitue pour elle un cas de force majeure, dans les termes de l’article 21 du décret N° 88-427 du 22/12/1988 portant code de l’électricité;
Mais attendu que l’Etat du Niger est tiers par rapport au contrat liant la NIGELEC à la SNC, et cette dernière qui paie régulièrement ses factures n’est en rien concernée par les problèmes existant entre l’Etat du Niger, MOBIL et NIGELEC; qu’il ne résulte non plus d’aucune pièce du dossier, que la NIGELEC ait averti la SNC que le non respect de son engagement contractuel est consécutif à la défaillance de l’Etat du Niger relativement au règlement de sa subvention; que c’est donc à bon droit que le premier juge a mis l’état du Niger hors de cause;
Attendu que l’article 21 du décret susvisé dispose : « sauf cas de force majeure…. la fourniture de l’électricité est assurée en permanence de jour comme de nuit, pour les réseaux de distribution alimentés à partir du transport. En accord avec les municipalités concernées et le service du contrôle d’électricité, la fourniture du courant pourra n’être assurée qu’à certaines périodes. L’entreprise n’est tenue à l’égard des usagers, à aucune indemnité du fait des interruptions justifiées »;
Attendu que la force majeure qu’invoque la NIGELEC suppose un fait extérieur imprévisible et irrésistible; que tel n’est pas le cas en l’espèce, notamment en ce qui concerne l’imprévisibilité, car la NIGELEC avait pressenti et connaissait même le problème depuis plusieurs mois;
Attentu que si la NIGELEC ne pouvait pas livrer à la SNC la quantité d’énergie prévue au contrat, elle se devait de saisir sa cocontractante, sinon pour la résiliation de la convention, à tout le moins pour sa révision, en l’adaptant à la situation du moment, en particulier en s’engageant à fournir selon ses possibilités plutôt que de vouloir lui faire supporter une partie du carburant nécessaire à son fonctionnement;
Attendu qu’en décidant comme il l’a fait, le premier juge a sainement apprécié les faits de la cause;
Attendu toutefois que le montant de l’astreinte prononcée, à savoir 60.000.000 F par jour de retard, est exagéré; qu’il y a donc lieu, après infirmation de la décision sur ce point, d’assortir la décision d’une astreinte raisonnable de 10.000.000 F par jour de retard.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort :
– reçoit l’appel de NIGELEC, régulier en la forme;
– infirme la décision attaquée sur le montant de l’astreinte;
– ordonne à la NIGELEC de fournir à la SNC, 900 Kw/h d’électricité par jour, conformément au contrat liant les parties, sous astreinte de 10 millions de francs par jour de retard;
– confirme la décision attaquée sur les autres dispositions;
– condamne la NIGELEC aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Niamey, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.