J-03-262
VOIES D’EXECUTION – PAIEMENT – DELAI DE GRACE – PRISE EN COMPTE DE LA BONNE OU MAUVAISE FOI DU DEBITEUR.
En application de l’article 39 AUPSRVE, le juge doit tenir compte des situations respectives des parties pour accorder des délais de grâce. Doit être déboutée de sa demande de délais, la débitrice qui, malgré ses promesses et engagement, n’honore pas une dette ancienne alors que le créancier, acteur économique, a un besoin impératif de récupérer sa créance.
(Cour d’appel de Niamey, chambre civile, arrêt n° 36 du 30 avril 2003, Idrissa Yobi c/ dame Zara Magawata).
LA COUR
SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL
Attendu que suivant exploit en date du 11/03/2003 de Maître Moussa Souna SOUMANA, Huissier de justice à Niamey, Idrissa YOBI, demeurant à Niamey, a relevé appel de l’ordonnance N° 52 du 28/02/2003 rendue par la vice-Présidente du Tribunal Régional de Niamey, juge des référés;
Attendu que cet appel intervenu dans les forme et délai prévus par la loi doit être déclaré recevable;
AU FOND
Suivant exploit d'huissier en date du 24/02/2003, dame Zara MAGAWATA, demeurant à Niamey, assistée de Maître Karimou HAMANI, Avocat à la Cour, a assigné Idrissa YOBI devant le juge des référés, à l'effet de s'entendre dire qu'il sera sursis au paiement de sa créance, conformément à l'article 39 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution (AUPSRVE), ce en vue d'éviter qu'il procède à la vente de son immeuble sis Route de Filingué, Parcelle I, îlot 2062;
Suivant ordonnance en date du 28/02/2003 rendue par défaut contre Idrissa YOBI, le juge des référés a reçu dame Zara MAGAWATA en sa demande, a ordonné le sursis au paiement de la créance, conformément à l'article 39 AUPSRVE et, en conséquence, accordé un délai de grâce d'un an à dame Zara MAGAWATA, à partir du paiement effectué le 24/02/2003, a fait interdiction à Idrissa YOBI de procéder à la vente de l'immeuble de la requérante, a ordonné l'exécution provisoire de la décision et a condamné Idrissa YOBI aux dépens;
Attendu que Idrissa YOBI demande à la Cour d'infirmer l'ordonnance attaquée et de rejeter la demande de Zara MAGAWATA tendant à l'octroi d'un délai de grâce;
Qu'à l'appui de cette demande, il soutient que courant année 2002, il avait vendu à Mohamed Amadou, fils de Zara MAGAWATA, des marchandises au prix de 9.000.000 F; que l'acquéreur payait la somme de 3.000.000 F, promettant de régler le reliquat soit 6.000.000 F dans 15 jours; qu'après avoir vendu les marchandises, Mohamed Amadou prit la fuite; qu'interpellé par la suite par la Police judiciaire, il fut relâché sous la promesse de payer dans un délai d'un mois, mais en vain; qu'interpellé de nouveau par la police, sa mère (Zara MAGAWATA) lui remettait l'acte de cession de leur maison, avec pouvoir de vendre de gré à gré dressé par un notaire le 24/09/2002, en cas de non paiement dans un délai de 2 mois; que depuis, elle n'a effectué que deux versements d'un montant de 1.400.000 F à la date du 14/03/2003; que ce comportement est révélateur de sa mauvaise foi;
Attendu que de son côté, Zara MAGAWATA par la voix de son Conseil Maître Karimou HAMANI, Avocat à la Cour, sollicite la confirmation de l'ordonnance attaquée;
Que tout en reconnaissant le montant de la créance, elle invoque les dispositions de l'article 39 AUPSRVE susvisé;
Attendu que pour accorder le délai de grâce d'un an à dame Zara MAGAWATA, le premier juge déclare qu'elle est de bonne foi, pour avoir fait un versement de 1.400.000 F courant mois de février 2003;
Attendu que l'article 39 AUPSRVE précité dispose que : « le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette même divisible; toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, la juridiction compétente peut, sauf pour les dettes d'aliments et les dettes cambiaires, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite d'une année »; que ce texte fait ainsi obligation au juge principalement, de prendre en compte à la fois la situation du débiteur et les besoins du créancier dans le prononcé de la mesure de grâce; qu'en l'espèce, dama Zara MAGAWATA, qui n'a pas respecté le délai de règlement de deux mois, puis suite au pouvoir spécial de vente de gré à gré dressé devant notaire le 24/09/2002, et donné au créancier, ne justifie d'aucune situation difficile l'ayant mise dans l'impossibilité d'honorer son engagement, et partant, permettant à la juridiction de porter une quelconque appréciation; qu'en outre, depuis le règlement partiel intervenu courant mois de février 2003 suite au commandement de payer du 07/02/2003, sous peine de vente forcée de l'immeuble donné en garantie, dame Zara MAGAWATA n'a procédé à aucun autre paiement qui aurait prouvé sa bonne foi; que par contre, Idrissa YOBI, opérateur économique de son état, dont les activités se sont ralenties voire arrêtées, particulièrement du fait du non paiement de la créance en cause, justifie le besoin dans lequel il se trouve et mérite ainsi protection;
Attendu que de tout ce qui précède, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance attaquée et de débouter Zara MAGAWATA de sa demande;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
– Reçoit l’appel de Idrissa YOBI régulier en la forme;
– Infirme l’ordonnance attaquée;
– Déboute Dame Zara MAGAWATA de toutes ses demandes;
– Condamne Dame Zara MAGAWATA aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Niamey, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.