J-03-264
BAIL COMMERCIAL – CONGE – INOBSERVATION DES FORMES ET DELAIS DU CONGE PRESCRITS PAR L’ACTE UNIFORME SUR LE DROIT COMMERCIAL GENERAL – APPLICATION DES CLAUSES CONTRACTUELLES – RESPECT DE LA VOLONTE DES PARTIES – CONGE DECLARE REGULIER.
BAIL COMMERCIAL – EXPULSION DU LOCATAIRE –URGENCE – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES.
Article 78 AUDCG
Article 91 AUDCG
Article 93 AUDCG
Article 95 AUDCG
Article 102 AUDCG
S’il est exact que les articles 78, 91, 93, 95 et 102 de l'Acte Uniforme sur le droit commercial général règlent les conditions de la résiliation du bail commercial par congé, il n’en reste pas moins que les parties sont libres de convenir d’autres modalités que celles prévues par la loi.
La nécessité d’expulser rapidement les occupants d’un terrain pour y édifier une mosquée est une question d’urgence qui justifie la compétence du juge des référés.
(Cour d’appel de Niamey, Chambre civile, arrêt n° 54 du 4 juin 2003, Seybou Boukari c/ El Hadji Harouna Mallam).
LA COUR
EN LA FORME
Attendu que suivant exploit en date du 28 avril 2003 de Maître Moussa Souna SOUMANA, Huissier de justice à Niamey, Monsieur Seybou BOUKARI, Assureur demeurant à Niamey, assisté de Maître MOUNKAILA Yayé, Avocat à la Cour, a relevé appel de l’ordonnance N° 87 rendue le 25 avril 2003 rendue par le Président du Tribunal Régional de Niamey, juge des référés;
Attendu que cet appel intervenu dans les forme et délai prescrits par la loi doit être déclaré recevable;
AU FOND
Attendu que suivant exploit en date du 28 mars 2003, Elhadji Harouna MALLAM, assisté de Me YAHAYA Abdou, Avocat à la Cour, a assigné Seybou BOUKARI devant le juge de référé de Niamey, auquel il demande de :
– se déclarer compétent, conformément à l'article 806 du Code de Procédure Civile;
– déclarer valable le congé donné à Seybou BOUKARI le 14 avril 2003;
– ordonner son expulsion des lieux, ainsi que tous occupants de son chef, à compter du 14 avril 2003, sous astreinte de 50.000 F par jour de retard;
– condamner Seybou BOUKARI aux dépens;
Attendu que suivant ordonnance N° 087 du 25 avril 2003, le juge des référés s'est déclaré compétent; a dit que le bail est résilié et ordonné l'expulsion de Seybou BOUKARI des lieux, ainsi que tous occupants de son chef, sous astreinte de 50.000 F par jour de retard;
Attendu que Seybou BOUKARI, par la voix de son Conseil, demande à la Cour de se déclarer incompétente, de déclarer nul le congé donné et de déclarer par voie de conséquence, illégale son expulsion, en application des articles 78, 91, 93, 95 et 102 de l'Acte Uniforme;
Attendu que de son côté, Harouna MALLAM demande à la Cour, au principal, de déclarer irrecevable la demande de Seybou BOUKARI et subsidiairement, confirmer l'ordonnance attaquée;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et des débats à l'audience, que suivant contrat en date du 12 octobre 1999, Seybou BOUKARI prenait à bail au prix de 50.000 F de loyer mensuel, la concession sise au quartier Zangorzo îlot 2066 parcelles B et C appartenant à Harouna KARIMOU; qu’au décès de ce dernier, et suivant attestation en date du 24 mars 2003, ses héritiers vendaient au prix de 30.000.000 F, ladite concession au sieur Harouna MALLAM; que le 28 mars 2003, Harouna MALLAM saisit le juge des référés pour voir ordonner l'expulsion de Seybou BOUKARI; le juge des référés fit droit à sa requête, et Seybou BOUKARI releva appel, d'où la présente instance;
SUR LA COMPETENCE
Attendu qu'aux termes de l'article 806 du Code de Procédure Civile, le juge des référés est compétent dans tous les cas d'urgence;
Attendu qu'il y a urgence chaque fois qu'un retard dans la décision qui doit être prise serait de nature à compromettre les intérêts du demandeur;
Attendu qu'en l'espèce, l'immeuble acheté abrite un bar restaurant; que l'acquéreur, en achetant au prix de 30.000.000 de francs cet immeuble, n'avait en vue que l'édification d'une mosquée; que la réalisation de tel projet ne doit souffrir d'aucun retard, tant il est vrai que même la production des documents et autorisation administrative y afférentes ont été simplifiées;
Que l'urgence recommande qu'on statue sur l'expulsion, pour éviter que ne soient compromis non seulement les intérêts de MALLAM Harouna, mais aussi ceux de Seybou BOUKARI;
Que c'est donc à bon droit que le juge s'est déclaré compétent;
SUR LA VALIDITE DU CONGE
Attendu que le paragraphe 3 du contrat de bail prévoit que le bail pourra être résilié à la demande de l'une des deux parties, qui informera l'autre par lettre recommandée et signée, avec préavis d'un mois avant l'échéance de chaque période;
Attendu qu'en application de ce texte, Harouna MALLAM a, par exploit du 14/03/2003, donné congé à Seybou BOUKARI de libérer les lieux le 14 avril 2003;
Attendu que pour contester le congé, Seybou BOUKARI prétend qu'étant bail commercial, il ne peut prendre fin par la vente des locaux; lequel congé ne peut, en application de l'article 93 de l'Acte Uniforme OHADA, être d'une durée inférieure à 6 mois;
Mais attendu que le congé est un acte unilatéral qui met fin au bail sans qu'il soit besoin de le valider; qu'il n'est soumis en principe à aucune formalité, dès lors qu'il exprime la volonté de la part de celui qui le donne de mettre fin au bail;
Attendu que le délai de 6 mois n'est exigé qu'autant qu'au moment de la rédaction du contrat, toutes les parties connaissaient les dispositions de la loi en la matière et s' y sont référées;
Attendu qu'il est évident qu'en l'espèce, les deux parties ont volontairement et mutuellement accepté que le délai de congé soit d'un mois; que depuis 1999, date de l'établissement du contrat, la disposition n'a pas été dénoncée; qu'aux termes de l'article 1134 du Code Civil, les conventions légalement faites tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites; que pour toutes ces raisons, il y a lieu de valider le congé et de confirmer la décision attaquée sur ce point;
SUR L'EXPULSION
Attendu dès lors que le délai accordé à Seybou BOUKARI est expiré; son maintien sur les lieux, sans droit ni titre, trouble la jouissance de Harouna MALLAM sur le terrain acquis; qu'il y a alors urgence à faire expulser Seybou BOUKARI; que par conséquent, c'est a bon droit que le premier juge a ordonné son expulsion et la décision attaquée doit être confirmée aussi sur ce point;
Attendu que de tout ce qui précède, il y a lieu de confirmer purement et simplement l'ordonnance attaquée;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
– Reçoit l’appel de Seybou BOUKARI régulier en la forme;
AU FOND :
– Confirme purement et simplement l’ordonnance attaquée;
– Condamne Seybou BOUKARI aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Niamey, les jour, mois et an que susdits.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
On ne peut qu’être surpris de lire dans une décision d’une juridiction aussi haute que la liberté contractuelle prime sur des dispositions d’ordre public. Or, tel est le cas des articles 91, 93, 95 AUDCG invoqués par le preneur (cf article 102 AUDCG) et, comme tels, ils sont d’application immédiate. La Cour aurait dû prendre la peine de les examiner pour apprécier la pertinence des moyens de défense du preneur.