J-03-266
1/ DISTRIBUTION – PRODUCTION DES CREANCES – DELAI NON RESPECTE – SANCTION – DECHEANCE DE PLEIN DROIT.
2/ PROCEDURE DE DISTRIBUTION – PROCEDURE CONTENTIEUSE – DECLENCHEMENT – TENTATIVE DE CONCILIATION PREALABLE – OBLIGATION (NON).
3/ PROCEDURE DE DISTRIBUTION – CREANCE GARANTIE PAR UNE HYPOTHEQUE CONVENTIONNELLE NON CONTESTEE – PAIEMENT DU TITULAIRE DE LA CREANCE APRES PRELEVEMENT DES FRAIS DE GREFFE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 148 AUPSRVE (NON).
Article 148 AUS
Article 325 AUPSRVE
Article 326 AUPSRVE
Article 330 AUPSRVE
Article 335 AUPSRVE
1/ Le non-respect du délai de 20 jours fixé aux articles 330 et 335 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution emporte, de plein droit, déchéance contre les créanciers non produisants, qu’ils aient ou non produit ultérieurement.
2/ Les articles 325 et 326 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, qui organisent la procédure de distribution du produit de la vente, n’obligent pas les créanciers à tenter la conciliation avant de saisir le président en vue de l’établissement de l’ordre judiciaire, la seule exigence prévue étant de respecter préalablement au déclenchement de la procédure contentieuse, le délai d’un mois qui a comme point de départ le versement du prix de vente.
3/ Lorsque la créance qui est produite et qui est garantie par une hypothèque conventionnelle n’est pas sérieusement contestée, il y a lieu d’ordonner le versement du prix d’adjudication à celui qui l’invoque après prélèvement des frais de greffe.
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR (SENEGAL), ORDONNANCE n° 319 DE DISTRIBUTION DU PRIX D’ADJUDICATION DU 15 MARS 2001 , Société Générale de Banques au Sénégal (SGBS) c/ S.N.R. et Lobath FALL).
LE JUGE DE LA DISTRIBUTION
ATTENDU que par exploit en date du 28 mars 2000 de Maître Malick Sèye FALL, Huissier de Justice à Dakar, la SGBS a servi assignation pour l’audience du 18 mai 2000, à Monsieur Lobath FALL, à la société Nationale de Recouvrement dite S.N.R. et à Monsieur Ibrahima Baïdy DIALLO Baïdy SOW, aux fins d’obtenir la distribution du prix d’adjudication de l’immeuble, objet du titre foncier n° 9795/DG, vendu à l’audience des criées de la juridiction de Céans, le 8 février 2000, au prix de 23 500 000 Frs CFA;
EN LA FORME
1° - SUR LA DECHEANCE DE LA S.N.R.
ATTENDU que la SGBS a plaidé dans ses écritures en date du 29 mai 2000 la déchéance de la SNR pour non respect du délai de production fixé à l’article 330 de l’AU/PSRVE;
ATTENDU que la SNR a soutenu dans ses écritures en date du 17 janvier 2001 qu’elle a régulièrement produit par lettre en date du 19 avril 2000 reçue au greffe le 20 avril 2000 en se fondant sur le caractère… franc du délai qui est ainsi prolongé par les jours non ouvrables;
QU’EN outre, l’article 330 ne frappe de déchéance que les créanciers non produisants;
ATTENDU que contrairement à ce qui a été plaidé, il y a lieu de préciser qu’un délai est franc lorsque le jour de la notification de l’acte et le jour de l’échéance ne sont point comptés dans le délai fixé et que, lorsque le dernier jour d’un délai est un jour non ouvrable, ce délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable qui suit;
QUE dès lors, la SNR qui, après l’assignation en date du 28 mars 2000, n’a produit que le 20 avril 2000 n’a pas respecté le délai franc de 20 jours fixé aux articles 330 et 335 de l’AU/PSRVE (Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution);
QU’EN outre, le non-respect de ce délai emporte de plein droit, déchéance contre les créanciers non produisant, qu’ils aient ou non produit ultérieurement;
QU’IL échet, en conséquence, sur le fondement des textes susvisés, de déclarer la SNR déchue de son droit;
2°- SUR LA RECEVABILITE DE L’ACTION INTRODUITE PAR LA SGBS
ATTENDU que la SNR prétend que l’action de la SGBS est irrecevable pour non respect de la recherche préalable d’une répartition consensuelle du prix d’adjudication prévue aux articles 325 et 326;
QU’EN outre, l’empressement de la SGBS à initier la procédure judiciaire de distribution procède d’une intention de nuire dans la mesure où le juge de distribution s’est déjà prononcé sur la question par ordonnance en date du 15 juillet 1988, confirmée par arrêt du 26 janvier 1995, à la suite de la vente du même immeuble par jugement qui a fait par la suite l’objet d’une cassation;
ATTENDU que les articles 325 et 326 de l’AU/PSRVE, qui prévoient la procédure amiable de répartition du prix de la vente n’obligent pas les créanciers à tenter la conciliation avant de saisir le président, en vue de l’établissement de l’ordre judiciaire;
QUE la seule exigence prévue est de respecter le délai d’un mois qui suit le versement du prix de vente avant de déclencher la procédure contentieuse, délai qui a été observé en l’espèce au vu des pièces du dossier;
QU’EN outre, en saisissant le juge compétent aux fins d’obtenir la répartition judiciaire du prix de vente, la SGBS n’a fait qu’utiliser une voie de recours que lui reconnaît la loi, voie de recours qui ne saurait s’analyser comme une intention de nuire, même si des décisions déjà rendues en la matière ne lui étaient pas favorables; l’issue de la présente procédure justifierait d’ailleurs, à elle seule, le rejet dudit argument;
QU’IL y a lieu de rejeter le moyen soulevé et de déclarer l’action de la SGBS recevable pour avoir été formée dans les conditions fixées aux articles 325 et suivants de l’Acte Uniforme susvisé;
AU FOND
ATTENDU que l’immeuble, objet du titre foncier n° 9795/DG, appartenant à Lobath FALL a été saisi par la SGBS et adjugé à celle-ci, à l’audience susvisée au prix de 23 500 000 (vingt trois millions cinq cent mille);
ATTENDU que la SGBS a produit à la date du 10 avril 2000, en faisant état d’une créance d’un montant de 122 196 161 francs outre les intérêts et frais;
QU’A l’appui de ses prétentions, elle a versé au dossier le relevé de compte et l’acte notarié d’ouverture de crédit portant affectation hypothécaire du T.F vendu à hauteur de 70 000 000 de francs;
ATTENDU que Maître Guédel NDIAYE et Associés a produit, pour le compte de Ibrahima Baïdy DIALLO à la date du 10 avril 2000 pour une créance de 8 000 000 de francs CFA et a versé au dossier diverses pièces pour justifier sa créance garantie par l’inscription provisoire d’une hypothèque sur l’immeuble vendu;
ATTENDU que Lobath FALL, débiteur saisi, bien que régulièrement assigné, n’a ni comparu ni été représenté;
ATTENDU que les créances invoquées ne sont pas contestées; que la créance de la SGBS est garantie par une hypothèque conventionnelle, régulièrement inscrite le 6 novembre 1988, à hauteur de 70 000 000 de francs CFA;
QUE le prix d’adjudication étant de 23 500 000 francs, il y a lieu d’ordonner son versement à la SGBS après prélèvement des frais de greffe, conformément aux dispositions de l’article 148 de l’Acte Uniforme sur les Sûretés;
ATTENDU que compte tenu de l’ancienneté du litige, de l’urgence qui caractérise le contentieux de la distribution, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire sollicitée;
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement, par défaut à l’égard de Lobath FALL et contradictoirement à l’encontre des autres parties, en matière de distribution des prix et en premier ressort;
EN LA FORME
PRONONCONS la déchéance de la Société Nationale de Recouvrement dite SNR pour non respect du délai de production prévu à l’article 330 de l’Acte Uniforme sur les Voies d’Exécution;
Rejetons les arguments soulevés par la SNR;
Déclarons recevable l’action introduite par la Société Générale de Banques au Sénégal dite SGBS;
AU FOND
Ordonnons la distribution du prix d’adjudication de l’immeuble, objet du titre foncier numéro 9795/DG, saisi sur le patrimoine de Lobath FALL et vendu là l’audience des Criées du 8 février 2000, au prix de 23 500 000 francs CFA, ainsi qu’il suit et par ordre de préférence :
1°) Frais de Greffe : 1%..................... 235 000 FRS
2°) S.G.B.S. créancière hypothécaire……………. 23 265 000 FRS CFA;
Ordonnons l’exécution provisoire;
AINSI fait, jugé et prononcé les jour, mois et an susdits;
ET nous avons signé avec le Greffier./.
Observations par Ndiaw DIOUF Agrégé des Facultés de DROIT, Directeur du CREDILA, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques UCAD Dakar
L’ordonnance rendue par le juge de la distribution près le tribunal régional hors classe de Dakar le 15 mars 2001 présente l’intérêt de mettre en œuvre,dans une même procédure, les deux types de délais de procédure : les délais d’action et les délais d’attente.
Les premiers ont pour objet d’assurer un déroulement rapide de la procédure; ils obligent le plaideur à accomplir l’acte avant l’échéance. C’est pourquoi on les appelle aussi délais accélérateurs. Le non-respect de ces délais entraîne la déchéance. C’est ce qu’a rappelé le juge à propos de la production des créances dans le cadre de la distribution du prix de vente d’un immeuble. Après l’adjudication d’un immeuble, le créancier saisissant a , par exploit du 28 mars 2000 , servi assignation au débiteur saisi et aux créanciers inscrits pour une audience du 18 mai 2000 aux fins d’obtenir la distribution. L’un des créanciers n’ayant produit que le 20 avril 2000, le juge a constaté la déchéance. On peut relever au passage que le juge, sans y être obligé , a donné une définition du délai franc qui , hélas, s’est révélée inexacte. Selon le juge, « il y a lieu de préciser que un délai est franc lorsque le jour de la notification de l’acte et le jour de l’échéance ne sont point comptés dans le délai fixé et que lorsque le dernier jour d’un délai est un jour ouvrable, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable qui suit » . Cette définition procède d’une erreur. Il aurait pu simplement dire que le délai est franc lorsque la formalité peut être accomplie le lendemain du jour de l’expiration.
Les autres délais (délais d’attente) ralentissent le cours de la procédure; ils freinent l’ardeur du plaideur. C’est pourquoi on les appelle aussi délais freins. Le délai prévu par l’article 326 AUPSRVE est de ceux là; c’est du moins ce que décide le juge de la distribution dans l’ordonnance précitée . Il résulte en effet de cette décision que l’article 326 AUPSRVE oblige le créancier à attendre l’expiration du délai prévu avant de déclencher la procédure contentieuse.