J-03-267
SAISIE DES REMUNERATIONS – OBLIGATIONS POUR L’EMPLOYEUR DE VERSER AU GREFFE LES SOMMES RETENUES – INEXECUTION – SANCTIONS – CONDAMNATION AU PAIEMENT DES CAUSES DE LA SAISIE.
L’employeur qui n’effectue pas de prélèvement pour ensuite adresser au greffe les sommes retenues alors qu’il a reçu notification de la saisie doit être déclaré personnellement débiteur des sommes dues.
Article 173 AUPSRVE
Article 187 AUPSRVE
Article 188 AUPSRVE
(Cour d’appel de Dakar, Chambre civile et commerciale 1, arrêt n° 124 du 16 février 2001, La compagnie Royal Air Maroc C / Moustapha THIAM).
LA COUR
VU les pièces du dossier;
OUÏ les parties en toutes leurs demandes, fins, et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
CONSIDERANT que suivant acte d’huissier du 20 avril 2000, la Compagnie ROYAL AIR MAROC a déclaré relever appel du jugement n° 498 du 7 mars 2000 du tribunal Régional de Dakar, qui dans la cause l’opposant à Moustapha THIAM, l’a déclarée débitrice pure et simple des causes de la saisie et l’a condamnée à payer la somme de 459 561 (quatre cent cinquante neuf mille cinq cent soixante et un) francs outre les intérêts de droit et celle de 200 000 (deux cent mille) francs à titre de dommages intérêts;
CONSIDERANT que par conclusions en date du 8 novembre 2000, Moustapha THIAM a déclaré faire appel incident;
FAIT
CONSIDERANT que c’est pour ne pas avoir procédé à la retenue de la rémunération due par son employée Maïma Berrada jusqu’à concurrence de la portion saisissable que la Compagnie « Royal Air Maroc » a été déclarée débitrice pure et simple des causes de la saisie opérée sur celle-ci par Moustapha THIAM fort d’une créance de 459 501 francs ainsi qu’il résulte d’un acte dit « Procès-verbal de la comparution volontaire valant acte de vérification de créance » du 23 novembre 1998 du juge des conciliations du Tribunal Régional de Dakar;
PRESENTATION ET MOYENS DES PARTIES
CONSIDERANT que dans ses conclusions du 2 janvier 2001, la compagnie Royal Air Maroc a conclu à l’infirmation du jugement querellé et a demandé que soit ordonnée la mainlevée de la saisie pratiquée entre ses mains; qu’en effet, pour elle, Moustapha THIAM ne dispose pas d’un titre exécutoire au sens de l’article 173 de l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et que l’ordonnance d’injonction de payer du 12 novembre 1997 qui justifierait sa créance ne lui a pas été communiquée de sorte qu’il est en droit de soulever l’exception de (non) communication; qu’elle a aussi fait remarquer qu’en dehors de celle de 125 000 (cent vingt cinq mille) francs, l’essentiel des sommes dues par Maïma BERRADA est relatif à un décompte d’intérêts de droit unilatéralement confectionné et non signifié et de frais d’un montant de 20 288 (vingt mille deux cent quatre vingt huit) francs non taxé;
CONSIDERANT qu’en réponse aux prétentions de la compagnie Royal Air Maroc, Moustapha THIAM, dans ses écritures du 8 novembre 2000, a demandé que le jugement querellé soit infirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 459 561 francs outre les intérêts de droit, qu’il soit infirmé pour le surplus et que la Cour, statuant à nouveau, condamne la Compagnie marocaine à lui payer la somme de 2 000 000 Frs (deux millions) pour le préjudice subi et celle de 1 000 000 (un million) de francs pour appel abusif;
CONSIDERANT que pour Moustapha THIAM, d’une part, la Compagnie Royal Air Maroc a violé le texte de l’article 188 de l’Acte Uniforme en ne retenant et en ne versant aucune somme au Greffier en Chef du Tribunal Régional de Dakar et qu’elle doit être déclarée débitrice pure et simple des causes de la saisie (article 185 et 189 de l’Acte Uniforme), d’autre part, que la Compagnie Royal Air Maroc, qui n’avait fait valoir aucun moyen en première instance, a fait un appel dilatoire du fait que le jugement n’était pas assorti de l’exécution provisoire et a continué à lui opposer une résistance abusive depuis que la notification de la saisie lui a été faite le 21 décembre 1998;
SUR CE
CONSIDERANT que la saisie de rémunération pratiquée par Moustapha THIAM a été faite conformément aux dispositions des articles 173 et suivants de l’AU/PSRVE, Naïma BERRADA partie débitrice, n’ayant pas comparu à l’audience de conciliation malgré la convocation avec accusé de réception qui lui a été envoyée; Que de même, malgré la notification de la saisie qui lui a été faite, (acte du 21 décembre 1998 avec accusé de réception du 12 janvier 1999), la Compagnie Royal Air Maroc n’a pas satisfait aux dispositions des articles 187 (indisponibilité de la quotité saisissable du salaire) et 188 (montant des sommes retenues adressé au Greffe) de l’Acte Uniforme; qu’il s’ensuit qu’elle doit être déclarée, comme l’a fait le premier juge, personnellement débitrice des sommes dues à Moustapha THIAM sans qu’il y ait lieu d’augmenter les dommages intérêts prononcés contre elle;
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
Déclare recevable l’appel de la Compagnie Royal Air Maroc;
LE déclare mal fondé;
Confirme le jugement entrepris;
Condamne la Compagnie Royal Air Maroc aux dépens.
AINSI fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 16/02/2001 séant au Palais de justice de ladite ville Bloc des Madeleines à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou DIAWARA, Président, Messieurs Mamadou DEME et Mouhamadou DIAKHATE, Conseillers et avec l’assistance de Me E.H. Ayé B. Malick DIOP, Greffier;
ET ont signé le présent Arrêt
Le Président et le Greffier./.
Observations par Ndiaw DIOUF Agrégé des Facultés de DROIT, Directeur du CREDILA, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques UCAD Dakar
L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, dans ses dispositions générales, met deux types d’obligations à la charge des tiers.
Il y a, d’une part, une obligation de ne pas faire; en effet les tiers ne peuvent pas faire obstacle aux procédures en vue de l’exécution ou de la conservation de la créance.
Il y a, d’autre part, une obligation de faire; en effet d’après l’article 38 les tiers sont tenus d’apporter leur concours aux procédures lorsqu’ils en sont légalement requis. Cette obligation de faire est précisée par les dispositions propres à chaque type de saisie. Ainsi, en matière de saisie des rémunérations, l’article 184 prévoit l’obligation pour l’employeur de déclarer la situation de droit entre lui-même et le débiteur, les éventuelles cessions ou saisies en cours ainsi que toute information permettant la retenue. L’article 187 fait obligation à l’employeur d’adresser tous les mois au greffe le montant des sommes retenues sur la rémunération. C’est cette deuxième obligation que la Cour d’Appel de Dakar rappelle, dans l’arrêt ci-dessus; elle a rappelé également la sanction encourue en cas d’inexécution : c’est, dit-elle, la condamnation de l’employeur au paiement des sommes qui sont dues par le salarié dont la rémunération est saisie.