J-03-268
1/ SAISIE IMMOBILIERE – COMMANDEMENT – TRANSCRIPTION A LA CONSERVATION DE LA PROPRIETE FONCIERE AVANT L’EXPIRATION DU DELAI VISE PAR L’ARTICLE 254-3° AUPSRVE – NULLITE (NON).
2/ SAISIE IMMOBILIERE – SAISINE DU JUGE DU FOND PAR LE SAISI AUX FINS DE DESIGNATION D’UN EXPERT CHARGE DE FAIRE LES COMPTES ENTRE LES PARTIES – CAUSE DE SURSIS A LA VENTE (NON).
3/ SAISIE IMMOBILIERE – ARTICLE 250 AUPSRVE – CARACTERE- DISPOSITION D’ORDRE PUBLIC – CONSEQUENCE – VIOLATION SANCTIONNEE D’OFFICE.
Doit être rejeté le moyen tiré de la nullité du commandement et fondé sur ce que ledit commandement a été transcrit avant l’expiration du délai de 20 jours prévu par l’article 254-3° AU/RVE, ce délai devant être entendu comme un délai offert au débiteur pour se libérer de sa dette et comme une obligation faite au créancier de ne déposer le commandement qu’à l’expiration des 20 jours.
La demande de sursis à la vente introduite par le saisi et fondée sur ce que le juge du fond a été saisi aux fins de désignation d’un expert chargé de faire les comptes entre saisi et saisissant doit être rejetée dés lors que le saisi, qui prétend avoir effectué des versements substantiels, n’apporte pas la preuve de ses allégations.
L’article 250 AU/RVE qui prévoit que la vente des immeubles communs poursuivie contre les époux étant d’ordre public, il appartient au tribunal de relever d’office l’irrégularité tirée de ce que la poursuite est dirigée contre un seul époux et de prononcer la sanction adéquate à savoir la nullité de la procédure et la mainlevée du commandement.
Article 246 AUPSRVE
Article 250 AUPSRVE
Article 254 AUPSRVE
Article 299 AUPSRVE
Article 311 AUPSRVE
(Tribunal régional hors classe de Dakar (Sénégal), audience éventuelle , jugement du 2 novembre 1999, SGBS (Société générale de banques au Sénégal) c/ Ady Niang).
LE TRIBUNAL
ATTENDU que suivant écritures reçues le 25 octobre 1999, Ady NIANG agissant par l’organe de ses conseils, Mes Babacar NIANG, Soukeyna LO & Borso POUYE, a déposé des dires tendant, à titre principal, à l’annulation de la procédure de vente par expropriation forcée engagée par la SGBS sur le Titre Foncier n° 8987/D.G et, à titre subsidiaire, au sursis à ladite vente jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’action en annulation du commandement valant saisie réelle initiée devant le juge du fond;
EN LA FORME
ATTENDU que les dires de Ady NIANG ayant été déposés dans les forme et délai requis par la loi, il y a lieu de les déclarer recevables;
AU FOND
SUR LA NULLITE DU COMMANDEMENT :
ATTENDU que pour parvenir à l’annulation des poursuites, le disant fait valoir qu’il a déjà saisi le juge du fond qui est seul compétent en vertu de l’article 299 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ci-devant appelé AUPSRVE d’une action en annulation du commandement;
QUE cette action serait fondée sur le fait que ledit acte est irrégulier puisque d’une part la transcription a été faite le 27 juillet 1999, soit 15 jours après sa signification au débiteur; d’autre part la transcription contient la mention erronée, que le commandant a été signifié aux époux Ady NIANG et Seynabou TALL, alors qu’il ne l’a été qu’au sieur NIANG;
ATTENDU que le disant conclut qu’en conséquence le commandement doit être déclaré nul, ainsi que la procédure subséquente;
ATTENDFU que la SGBS a répondu face à ces arguments que l’AUPSRVE confère une compétence exclusive au juge des Criées pour les demandes en annulation;
QUE sur la nullité du commandement, il soutient que l’article 254, 3°AU/PSRVE ne fait pas de la transcription du commandement dans le délai de 20 jours une formalité obligatoire dont le non-respect est sanctionné par la nullité;
ATTENDU qu’avant de statuer sur le moyen tiré de l’annulation du commandement il convient de préciser que si aux termes de l’article 299 de l’AUPSRVE, il est prévu que les contestations ou demandes incidentes doivent à peine de déchéance, être soulevées avant l’audience éventuelle, cependant l’article 311 du même texte dispose que les moyens de nullité liés tant en la forme qu’au fond à l’exception de ceux visés à l’article 299 précité doivent être soulevés par un dire annexé au cahiers des charges 5 jours au plus tard avant l’audience éventuelle;
ATTENDU qu’en l’espèce les contestations étant liées à la validité du commandement, l’on ne saurait les qualifier d’incidentes;
Qu’il y a lieu de dire qu’elles sont régies par l’article 311 précité et doivent, par conséquent, être soumises au juge des criées;
ATTENDU que la prétendue nullité du commandement pour inobservations des dispositions de l’article 125 (sic) AUPSRVE qui dispose en son 3ème que le commandement doit contenir l’avertissement que faute de payer dans les 20 jours l’acte pourra être transcrit à la conservation foncière et vaudra saisie à partir de sa publication, il y a lieu de faire observer que le délai de 20 jours doit être entendu comme un délai offert au débiteur pour se libérer de sa dette, et n on comme une interdiction faite au créancier de ne déposer le commandement qu’à l’expiration des 20 jours;
ATTTENDU que cette interprétation est d’ailleurs confortée par l’article 261AUPSRVE qui dispose qu’en cas de paiement dans le délai fixé à l’article 254, 3° AUPSRVE, l’inscription du commandement est radiée par le conservateur, par le débiteur ou par toute personne intéressée;
QU’au vu de ces éléments, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la nullité du commandement comme non fondé;
SUR LE SURSIS A LA VENTE
ATTENDU qu’après avoir rappelé qu’il avait apporté sa caution à la SABE jusqu’à hauteur de 600 millions de francs Ady NIANG fait valoir qu’une grande partie de cette somme a été remboursée, notamment par les ventes forcées de deux de ses immeubles par la Banque pour une valeur de 205 millions, par le versement de la somme de 340 124 600 FRS effectué par le notaire chargé de vendre ses immeubles en France;
QU’il soutient qu’en outre des saisies-arrêts ont été opérées sur des sommes d’argent lui appartenant;
ATTENDU que NIANG prétend que ces paiements n’ont pas été amputés par la Banque sur sa dette; qu’il estime qu’il y a des difficultés sérieuses quant à l’évaluation exacte du reliquat de la créance due à la SGBS, ce qui justifie la nécessité de désigner un expert pour faire des comptes entre les parties;
ATTENDU que le juge du fond ayant été saisi à cette fin, il sollicite qu’il soit ordonné le sursis à la vente jusqu’à ce que ce dernier se prononce;
ATTENTU que la SBGS a fait remarquer que Ady NIANG ne produit aucun justificatif à ses prétentions, qu’elle ajoute qu’en tout état de cause le décompte des sommes prétendument versées excède à peine 500 000 000 Francs, alors que le reliquat dû à la banque serait de 500 millions Frs, ce qui justifie amplement la continuation des poursuites;
ATTENDU qu’il est de droit que celui qui se prétend libéré doit prouver que son obligation est inexistante ou éteinte;
ATTENDU que le disant prétend avoir fait des versements substantiels, qu’il ne produit toutefois aucune pièce justifiant la réalité de ses allégations, qui ne sauraient par conséquent emporter la conviction du Tribunal; qu’il y a lieu de rejeter la demande de sursis fondé sur la saisine du juge de fond;
SUR LA VIOLATION DE L’ARTICLE 249 AUPSRVE :
ATTENDU que Ady NIANG soutient enfin que la violation de l’article 249 de l’AUPSRVE qui dispose que « la part indivise d’un immeuble ne peut être mise en vente avant le partage ou la liquidation que peuvent provoquer les créances d’un indivisaire »;
QU’il soutient que l’immeuble dont la vente est poursuivie appartient aux époux NIANG, alors que la Banque poursuit uniquement Ady NIANG;
QU’il sollicite qu’il soit ordonné le sursis là la vente de l’immeuble jusqu’à partage ou la liquidation du bien indivis;
ATTENDU que la banque fait remarquer qu’elle poursuit simultanément les époux NIANG qui ont été condamnés solidairement avec la SABE à lui payer, la somme de 1 033 000 000 Francs, qu’elle ajoute que s’agissant d’une solidarité passive chacun des débiteurs solidaires peut être poursuivi pour le paiement de l’intégralité de la créance; Que cela explique que les actes de la procédure soient notifiés au sieur NIANG à l’exclusion de la dame Seynabou TALL qui du reste n’a pas présenté de dires et ne saurait par conséquent se prévaloir du défaut de signification;
ATTENDU qu’il est également constant que la Banque poursuit la vente de l’immeuble appartenant aux époux NIANG, ces derniers ayant été solidairement condamnés avec la société SABE à lui payer la somme de 260 533 006 FRS, ce en vertu d’un arrêt de la Cour d’Appel du 11 juillet 1986, ladite somme ramenée à 1 033 000 Frs par l’arrêt du 28 juillet1994 rendu par la Cour d’Appel après cassation partielle;
ATTENDU qu’il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 246 de l’AUPSRVE le créancier ne peut faire vendre les immeubles appartenant à son débiteur qu’en respectant les formalités prescrites par les dispositions des articles 247 et suivants du même texte;
QUE ces dispositions étant d’ordre public, il appartient dès lors au Tribunal de relever les irrégularités liées au fond et de prononcer la sanction adéquate;,
ATTENDU qu’en l’espèce même si Seynabou TALL n’a pas déposé de dire à l’instar de son époux, que les actes de la procédure ne lui ont pas été signifiés, alors qu’il résulte de l’état des droits réels qu’elle est co-propriétaire de l’immeuble objet du T.F. n° 8.987/D.G.;
ATTENDU qu’aux termes de l’article 250 AU/PSRVE la vente des immeubles communs est poursuivie contre les époux;
QUE la SGBS n’a pas respecté ces dispositions en installant Seynabou TALL dans la procédure et en lui signifiant tous les actes; qu’il y a lieu de déclarer nulle la procédure et d’ordonner la main levée du commandement.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME :
Déclare les dires de Ady NIANG recevables;
AU FOND
Les rejette comme mal fondés;
VU les articles 246, 250 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Déclare, nulle, la procédure de vente par expropriation forcée entamée sur le T.F n° 8.987/ D.G. par la SGBS;
Ordonne la main levée du commandement valant saisie-réelle;
AINSI fait jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus;
ET ont signé le Président et le Greffier./.
Observations par Ndiaw DIOUF Agrégé des Facultés de DROIT, Directeur du CREDILA, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques UCAD Dakar
L’article 254 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui énumère les mentions devant figurer dans le commandement établi préalablement à la saisie immobilière comporte une formule qui suscite une interrogation. Ce texte prévoit, en effet, que le commandement doit contenir l’avertissement que, faute de payer dans les 20 jours le commandement pourra être transcrit et vaudra saisie à compter de sa publication. On peut se demander, à la lecture de ce texte, si le créancier poursuivant peut procéder à la transcription avant l’expiration du délai de 20 jours ou s’il doit attendre l’expiration de ce délai et constater le défaut de paiement avant d’y procéder.
Le tribunal régional de Dakar a, dans le jugement ci-dessus, apporté à cette question une réponse tout à fait satisfaisante. Il estime que la fixation de ce délai ne doit pas s’analyser en une interdiction faite au créancier de déposer le commandement avant l’expiration. Il s’agit simplement, selon lui, de donner un délai au débiteur pour se libérer de sa dette. Cette construction est, à notre avis, la seule qui soit compatible avec les dispositions de l’article 261, al. 1er AUPSRVE
En effet, ce texte indique qu’en cas de paiement dans les délais fixés par l’article 254-3°, l’inscription est radiée; or, on ne peut radier que ce qui transcrit; dés lors, on doit considérer que la transcription est possible avant l’expiration du délai.
Si la réponse donnée par le tribunal a cette question est donc tout à fait satisfaisante, on ne peut pas en dire autant de celle qui est donnée à propos de la possibilité pour le juge de sanctionner d’office l’irrégularité de la procédure. Les circonstances qui ont amené le tribunal à se prononcer sur cette question sont les suivantes : une vente était poursuivie sur un immeuble appartenant à deux époux, Ady NIANG et Seynabou TALL, en violation de l’article 250 AUPSRVE selon lequel la vente des immeubles communs est poursuivie contre les deux époux; en effet, la dame Seynabou Tall n’a pas été installée dans la procédure de telle sorte que les actes ne lui ont pas été signifiés. Il se posait la question de savoir si le tribunal pouvait prononcer la nullité de la procédure en l’absence de dire émanant de la dame Seynabou Tall et tendant à cette fin. Pour le tribunal, la réponse ne fait pas de doute. Selon lui, l’article 246 AUPSRVE oblige le créancier à respecter les formalités prescrites par les dispositions des articles 247 et suivants. Or, ces dispositions sont d’ordre public. Dés lors, il y a lieu de relever d’office les irrégularités constatées, notamment celle résultant du non-respect des formalités prescrites par l’article 250.
A notre avis, si le tribunal s’est prononcé ainsi, c’est parce qu’il n’a pas bien saisi le sens et la portée de l’article 246. Ce texte, contrairement à ce qui est dit dans le jugement, est seulement destiné à interdire les conventions ayant pour objet ou pour effet d’affranchir le créancier du respect des formes prescrites ou d’imposer au débiteur la renonciation à la protection qui lui est due. Il ne faut donc voir dans cette disposition que l’expression de la volonté du législateur communautaire de condamner la clause de voie parée qui est l’acte par lequel le débiteur consent, à l’avance, au créancier, le droit de vendre l’immeuble hypothéqué à son profit sans respecter la procédure légale de vente à la barre du tribunal. Au vu de ce qui précède, on ne peut considérer, comme l’a fait le tribunal, que le législateur communautaire a entendu, par cette disposition, donner au juge le pouvoir de sanctionner d’office les irrégularités. L’interprétation retenue par le tribunal conduirait d’ailleurs à obliger le juge à prononcer d’office la nullité de la procédure toutes les fois qu’il constate une violation des règles prévues en matière de saisie immobilière.