J-03-27
DROIT COMMERCIAL GÉNÉRAL – OBLIGATIONS NÉES À L’OCCASION DE LEUR COMMERCE ENTRE COMMERÇANTS OU ENTRE COMMERÇANTS ET NON COMMERÇANTS – DÉLAI DE PRESCRIPTION –ARTICLE 18 AUDCG.
Le délai de prescription des obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants est de cinq ans.
Cour d’Appel d’Abidjan. Arrêt N° 683 du 31 mai 2002. ZAROUR Gassane (Me AYEPO Vincent) c/ EHUA Julien (Me DAGO Djiriga).
Cour d’Appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
Chambre civile et commerciale
Audience du vendredi 31 mai 2002
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après;
Par acte du 14 mars 2000, Monsieur ZAROUR Gassane a relevé appel du jugement civil contradictoire n° 400 rendu le 16 mai 2001 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui, en la cause, a statué ainsi qu’il suit :
« - Rejette l’exception de prescription soulevée par ZAROUR Gassane;
– Reçoit M. EHUA ASSOUAN Julien en son action;
– L’y dit partiellement fondé;
– Condamne Me ZAROUR Gassane à payer à EHUA ASSOUAN Julien la somme de 13.950.000 F »;
Au soutien de son appel, M. ZAROUR Gassane expose que par acte sous seing privé en date du 28 septembre 1983, M. EHUA ASSOUAN lui a loué son autorisation d’ouverture de boulangerie, à raison d’un loyer de 200.000 F, puis de 300.000 F;
Il indique avoir investi des dizaines de millions pour équiper et faire fonctionner la boulangerie, et que par arrêté n° 46/NIC/CAB du 29 mars 1995, le Ministère du Commerce a annulé l’autorisation de M. EHUA et l’a autorisé à exploiter la boulangerie en son nom;
Il ajoute qu’il a notifié à M. EHUA la résiliation du contrat de location le 23 février 1995, et a continué à exploiter paisiblement sa boulangerie, jusqu’au 7 mars 2000, lorsque M. EHUA lui a fait servir une sommation de payer la somme de 13.950.000 F, représentant des loyers impayés;
L’appelant soutient qu’il n’est redevable d’aucun arriéré de loyers;
Il reproche au Tribunal d’avoir rejeté l’exception de prescription soulevée par lui, et il explique à cet effet, que l’article 18 de l’Acte Uniforme du Traité OHADA relatif au droit commercial général énonce que les obligations entre commerçants et non commerçants, nées à l’occasion de leur commerce, se prescrivent par cinq ans, si elles ne sont soumises à des prescriptions plus courtes;
Il estime qu’en l’espèce, la prescription quinquennale a commencé à courir dès le jour où le créancier a eu le droit d’agir, de sorte que l’action en réclamation des loyers est prescrite, s’agissant des loyers de 1983 à 1994;
Il demande en conséquence à la Cour de constater cette prescription;
Subsidiairement, il affirme avoir payé les loyers et produit des reçus pour le prouver;
Monsieur EHUA ASSOUAN Julien fait valoir pour sa part, que les reçus produits par M. ZAROUR Gassane sont tous des faux confectionnés pour les besoins de la cause;
Il fait observer que ces reçus n’ont jamais été produits ni devant l’Officier Ministériel qui a servi la sommation, ni devant le Tribunal;
Il sollicite une mise en état à l’effet d’éclairer la Cour;
En tout état de cause, il a indiqué que M. ZAROUR ne payait que des acomptes allant de 50.000 F à 175.000 F;
Relativement à l’exception de prescription, il soutient que si prescription il y a, celle-ci a valablement été interrompue par la sommation du 28/12/1999;
En réplique, ZAROUR Gassane fait plaider que l’intimé dispose de la procédure en faux incident civil, prévue par l’article 92 du code de procédure civile, et pourtant, celui-ci refuse d’initier cette procédure, se contentant d’affirmer que les reçus produits sont des faux;
Il estime avoir apporté la preuve de sa libération et sollicite l’infirmation pure et simple du jugement entrepris;
DES MOTIFS
Il résulte des productions, que M. EHUA ASSOUAN Julien réclame des loyers censés être dus de 1983 à 1995;
L’article 18 de l’Acte Uniforme du Traité OHADA relatif au droit commercial général édicte une prescription de cinq ans s’agissant des obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants;
Il en résulte que M. EHUA disposait d’un délai de 5 ans à compter de l’exigibilité de chaque loyer, pour réclamer le paiement;
Ainsi, les loyers de septembre 1983 à novembre 1994 sont frappés par la prescription, étant entendu que la sommation du 28 décembre 1999 est le premier acte de réclamation de M. EHUA;
Il suit que les loyers de décembre 1994 à février 1995 ne sont pas concernés par la prescription quinquennale;
Cependant, il résulte des pièces produites, notamment les reçus produits, que ces loyers ont été payés;
En conséquence, c’est à tort que le premier Juge a statué comme il l’a fait;
Il convient d’infirmer le jugement attaqué, de statuer à nouveau et dire qu’il y a prescription pour les loyers de septembre 1983 à novembre 1994;
Pour les loyers de décembre 1994 à février 1995, la preuve du paiement étant rapportée, il y a lieu de débouter M. EHUA de sa demande;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit ZAROUR Gassane en son appel;
AU FOND
– L’y dit bien fondé;
– Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau;
– Constate qu’il y a prescription relativement aux loyers de septembre 1983 à novembre 1994;
– Déclare en conséquence irrecevable l’action de M. EHUA concernant lesdits loyers;
– Le déclare en revanche recevable mais mal fondé en sa demande de paiement des loyers de décembre 1994 à février 1995;
– Le condamne aux dépens;
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (1ère Chambre Civile), a été signé par le Président et le Greffier.