J-03-273
VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION – SAISIE OPEREE SUR DES DENIERS N’APPARTENANT PAS AU DEBITEUR – NULLITE (OUI) – POSSIBILITE POUR LE TIERS D’AGIR EN NULLITE (OUI).
La saisie – attribution opérée sur des deniers n’appartenant pas au débiteur est nulle. Cette nullité peut être invoquée par le tiers auquel cette saisie cause un préjudice.
Article 153 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt n°979 du 15 Juillet 2003, SGBCI C/ SCI-CCI et 24 autres).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Par exploit du 18 Février 2003 avec ajournement du 04 Mars 2003, la Société Générale des Banques en Côte-d'Ivoire dite SGBCI, ayant pour conseils Maîtres DOGUE, ABBE et ASSOCIES, a relevé appel de l'ordonnance de référé N°315 rendue le 23 Janvier 2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, non encore signifiée, dont le dispositif est le suivant;
"Statuant publiquement, par défaut à 1'encontre de Messieurs KANGA MALAN, GUEYE N'GAYA, BARA N'DIAYE, LAWSON JYOE et contradictoirement à l'égard des autres en matière de référé d'heure à heure et en premier ressort;
– Au principal renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence et par provision;
– Déclarons les saisies attributions de loyers nulles;
– En ordonnons la main levée sous astreinte comminatoire de 1.000.000 de F/CFA par jour de retard à compter du prononcé de la décision;
Mettons hors de cause la City Bank;
Mettons les dépens à la charge des défendeurs";
Considérant qu'aux termes de son appel, la SGBCI expose que par exploit de Maître Emilie DJOUKA OUATTARA, huissier de Justice à Abidjan, sai­sie- attribution de créances a été signifiée aux intimés sur les loyers qu'ils détiennent, ou détiendront pour le compte de :
1. du Groupe H.E.S. SARL dont le siège Social est à Abidjan-Plateau, représentée par Monsieur KHALIL HESNE;
2. La Société Civile Immobilière "DOUNIA", SCI dont le siège est à Abidjan-Plateau, également représentée par KHALIL HESNE;
Que, la SCI CCT a assigné la SGBCI à comparaître devant le juge des référés d'Abidjan plateau pour obtenir qu'il soit prononcé la main-levée de cette saisie-attribution;
Que la SCI CCT soutenait devant le juge des référés que tous les loyers saisis lui appartiennent et qu'elle était le seul propriétaire de l'im­meuble dont les loyers ont été saisis;
Qu’à cet égard, la SGBCI fait valoir que les loyers saisis n'appar­tiennent pas à la SCI CCT qui n'a aucune qualité ni intérêt à demander main­levée d'une saisie qui ne la concerne pas, puisque aussi bien, l'Acte Uniforme prévoit que seul le débiteur saisi peut demander mainlevée de la saisie;
Qu'en outre, le juge des référés a assorti sa décision de main­levée d'une condamnation sous astreinte de 1.000.000 F/CFA par jour de retard à compter du prononcé, ce qui est inacceptable;
Qu'en effet précise l'appelante, le juge des référés ne pouvait assortir d'astreinte une décision qui d'après la loi (article 172 de l'Acte Uniforme sur les voies d'exécution) est susceptible d'appel;
Qu'elle conclut donc à l'infirmation de la décision querellée;
Considérant que la SCI-CCT, la SCI DOUNIA et la Société H.E.S con­cluant par Maître ORE SYLVAIN expliquent que la Société Civile Immobilière "DOUNIA" dite SCI DOUNIA est en relation d'affaires avec la SGBCI;
Que dans le cadre de cette relation la SCI DOUNIA a tiré une lettre de change d'un montant de 17.000.000 F/CFA au profit de la SGBCI sur le Groupe H.E.S qui a donné son aval;
Que présentée à l'encaissement à sa date d'échéance, la lettre de change est revenue impayée;
Qu'après avoir rempli toutes les formalités exigées par la loi n°97-518 du 04 Septembre 1997 relative aux instruments de paiement, la SGBCI s'est fait délivrer par le Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, un titre exécutoire pour paiement de chèque conformément à l'arti­cle 81 de la loi précitée;
Que muni de ce titre exécutoire, la SGBCI a pratiqué une saisie-attribution de loyers sur des loyers appartenant à la SCI-CCT qui n'est aucunement débitrice de la banque;
Que pour voir donc la mainlevée de :cette saisie manifestement nulle, la SCI-CCT ainsi que la Société H.E.S. et la SCI DOUNIA ont saisi le juge des référés qui a rendu la décision dont appel;
Considérant que les faits ainsi, rappelés, les intimées indiquent que la SGBCI affirme que ses débitrices étaient la Société H.E.S. et la SCI DOUNIA et que la SCI-CCT n'avait rien à voir avec elle pourtant poursuivent les intimées, la saisie- attribution portait sur des loyers appartenant à la SCI-CCT;
Que les différents tiers saisis sont des locataires de l'immeuble "Treich-Center" appartenant à la SCI-CCT;
Que ce sont donc des locataires de la SCI-CCT et les loyers payés par ceux-ci appartiennent à cette dernière;
Que dès lors la SCI-CCT avait intérêt pour agir, l'intérêt et la qualité découlant de ce qu'elle est propriétaire des loyers saisis et que la saisie attaquée lui causait un préjudice;
Que quand bien même que l'acte de saisie ne mentionne pas le nom de la SCI-CCT, il n'en demeure pas moins que par mégarde les loyers saisis sont sa propriété et non celle des débitrices;
Que contrairement aux allégations de la SGBCI, l'Acte uniforme OHADA sur les voies d'exécution ne prévoit nulle part que seul le débiteur saisi, a le droit de demander la mainlevée surtout qu'en l'espèce les débi­trices n'étaient pas saisies mais plutôt des tiers;
Qu'en tout état de cause, comme cela ressort de la requête en date du 03/01/2003 et de l'exploit d'assignation en référé d'heure à heure daté du 07/01/2003, l'action en mainlevée a été initiée non seulement par la SCI CCT mais également par la Société H.E.S et la SCI-DOUNIA;
Qu'aussi les intimées soutiennent-elles que le premier argument soulevé par la Banque s'avère inopérant et sera rejeté comme tel;
Qu'en ce qui concerne le deuxième moyen de l'appelante, les inti­mées soutiennent que les astreintes étant une mesure de contrainte en vue de briser la résistance ou l'éventuelle résistance d'un plaideur condamné, leur prononcé n'a donc rien à voir avec le caractère exécutoire ou non d'une dé­cision;
Qu'à leur sens, la SGBCI fait une mauvaise lecture de l'article 172;
Qu'ils font valoir que dans certains cas, ni l'appel ni le délai d'appel ne suspendent l'exécution de la décision rendue par le juge des con­testations;.
Que l'article 172 dispose que "le délai pour faire appel ainsi que la déclaration d'appel sont suspensifs d'exécution sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction compétente";
Qu'ainsi, lorsque le juge des contestations rend une décision qu'il assortit de l'exécution provisoire, cette décision, par l'effet de cette exécution provisoire est exécutoire nonobstant appel;
Que c'est bien le cas en l'espèce, la décision attaquée étant assortie de l'exécution provisoire;
Qu'une telle décision est exécutoire malgré l'appel;
Que le deuxième moyen est également inopérant;
Considérant que par des reliques, la SGBCI soutient que la SCI-CCT affirme de manière péremptoire que les loyers saisis lui appartiennent;
Qu'à cet égard, elle prie la Cour de se référer à l'acte de saisie;
Que dans cet acte, aucun locataire ne dit détenir des loyers pour la SCI-CCT, au contraire ces locataires ont déclaré, en tous cas pour ceux qui ont bien voulu faire leur déclaration, détenir des loyers pour la Socié­té H.E.S. et la SCI DOUNIA;
Que s'agissant de l'astreinte, l'appelante répète que le prononcé de l'astreinte et l'exécution provisoire, ne sont pas concevable devant un texte (article 172) qui prescrit que le délai d'appel et la déclaration d'appel sont suspensifs d'exécution;
Que contrairement à ce qu'affirment les intimées, ni l'exécution provisoire, ni l'astreinte n'ont fait l'objet d'aucune motivation spéciale;
Qu'elle conclut en conséquence à la confirmation de l'ordonnance querellée;
Considérant que les autres intimés n'ont ni comparu ni conclu;
Qu'à l’exception des dames PITAH Antoinette, N'GOM Eliane, les sieurs KOUAKOU KOUASSI Jacques, AKRAA JAWAD qui n'ont pas été cités à leur personne, les autres ont été cités soit à leur personne soit en leurs bureaux;
Qu'il convient de statuer par défaut à l'égard des premiers et contradictoirement à 1'égard des derniers et de l'appelante;
DES MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel
Considérant que l'appel intervenu avant signification dans les formes requises par la loi est recevable;
Sur la qualité et l'intérêt pour agir de la SCI-CCT
Considérant qu'il résulte des productions notamment de la lettre d'attribution n°962176/MLCVE/SD4 en date du 26 Février 1996, celle du 26/04/1996 et celle du 26 Juillet 1996 que la SCI-CCT est propriétaire de 117 magasins et un dépôt bâtis sur une parcelle de terrain de Treichville, couvrant une superficie de 3.700 m2;
Considérant que les loyers saisis concernant les magasins de l'im­meuble Trade-Center, propriété de la SCI-CCT ainsi qu'il en résulte de l'ex­ploit de saisie-attribution de créances des 16, 20, 23 et 24 Décembre 2002;
Que dès lors, la SCI-CCT a qualité et intérêt pour agir;
Qu'ainsi le moyen tiré du défaut de qualité et d'intérêt pour agir ne saurait prospérer;
Sur la nullité des saisies-attributions de créances
Considérant que l'article 153 de l'Acte Uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement de créances et voies d'exécution dispose que "tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations";
Qu'il résulte de ce texte, que la saisie-attribution doit porter sur les créances du débiteur;
Or considérant que comme ci-dessus démontré les loyers saisis n'ap­partiennent pas aux Sociétés débitrices à savoir SCI DOUNIA et H.E.S mais à SCI-CCT;
Qu'il s'évince de ce qui précède que la SCI-CCT est fondée à solliciter la nullité de la saisie attribution de créances qui lui cause préjudice;
Qu'à cet égard, il convient de dire qu'à la différence de la saisie vente de biens (pour laquelle le tiers ne peut exercer d'action en nullité mais en distraction d'objets), la loi ne fait pas de distinction entre débiteur et le tiers pour demander la nullité de la saisie-attribution de créances;
Qu'en tout état de cause les Sociétés débitrices qui sont SCI DOUNIA et H.E.S ont demandé aux cotés de la SCI-CCT la nullité de la saisie-attribu­tion de créances des 16 et 24 Décembre 2002;
Que c'est donc à bon droit que le premier juge a accueilli cette demande et y a fait droit;
Qu'il convient de confirmer sa décision sur ce point;
Sur le point de départ de l'astreinte
Considérant que les ordonnances de référé étant exécutoires par provision, nonobstant appel, c'est à bon droit que le premier juge a fait couvrir l'astreinte comminatoire à compter du prononcé de sa décision;
Que cela ne contredit nullement les dispositions de l'article 172 de l'Acte Uniforme portant recouvrement simplifié et voies d'exécution;
Qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance de référé n°315 du 23 Janvier 2003;
Sur les dépens
Considérant que la SGBCI qui succombe doit supporter les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par défaut à l'égard des dames PITAH Antoinette, N'GOM Eliane, des sieurs KOUAKOU KOUASSI Jacques AKRAA JAWAD et contradictoirement à l'égard de l'appelante et des autres intimés, en matière de référé et en dernier ressort;
Déclare la SGBCI recevable mais mal fondée en son appel relevé de l'ordonnance de référé n°315 rendue le 23 Janvier 2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
L'en déboute;
Confirme ladite ordonnance;
La condamne aux dépens distraits au profit de Maîtres ORE Sylvain et associés, Avocats aux offres de droit.