J-03-274
VOIES D’EXECUTION – SAISIE-VENTE – DISTRACTION D’OBJETS SAISIS – ACTION INITIEE PAR LE DEBITEUR – IRRECEVABILITE (OUI) – ACTION DU TIERS – OBLIGATION DE PRECISER LES BIENS SUR LESQUELS PORTE LA REVENDICATION.
L’action en distraction d’objets saisis initiée par le débiteur est irrecevable. Le tiers qui initie cette action a l’obligation d’indiquer dans sa demande les biens sur lesquels il entend faire valoir son droit de propriété. L’indication que le droit de propriété est fondé par l’achat des biens ne satisfait pas à cette prescription.
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°981 du 15 Juillet 2003, La SIB C/ M. HASSANA DRAMERA et Mme DEMBA NENE).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES ET MOTIFS CI-APRES
Suivant exploit d'huissier en date du 9 MAI 2003 portant avenir d'audience, la société Ivoirienne de Banque dite SIB, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, M. Pascal FALL, et ayant pour conseil le Cabinet A.FADIKA et Associés, Avocats à la Cour, a fait servir à M. HASSAKA DRAMERA et Mme DEMBA NENE assignation à comparaître le 20 MAI 2003 devant la Cour d'Appel d'Abidjan pour voir statuer sur l'appel qu'elle a relevé par exploit du 8 MAI 2003 avec ajournement au 15 MAI 2003, de l'ordonnance de référé N°813 rendue le 26 Février 2003 par la juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui, en la cause, a statué ainsi qu'il suit :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé d'heure à heure et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pouvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence et par provision;
Recevons Hassana Dramera et Demba Nené en leurs actions Ordonnons la nullité de la saisie pratiquée;
Ordonnons la distraction des objets saisis au profit de Dame Demba Néné;
Condamnons la SIB aux dépens;"
II ressort des énonciations de l'ordonnance querellée que par exploit d'huissier daté du 24 Janvier 2003,Mr.Hassana Dramera et Mme Demba Néné ont assigné la SIB à comparaître par devant le Juge des référés pour entendre ordonner la distraction d'objets saisis et la mainlevée de la saisie pratiquée;
A l'appui de cette action les demandeurs ont exposé que la Société Ivoirienne de Banque dite SIB a pratiqué une saisie-vente sur les biens meubles garnissant la ville sise, à Cocody Riviera Attoban, en exécution de l'arrêt civil contradictoire N°885 rendu le 12 Juillet 2002 par la Cour d'Appel d'Abidjan;
Cette saisie est irrégulière, selon les demandeurs, parce qu'elle a été pratiquée sur les biens appartenant à Demba Néné alors que la condamnation ne concerne que Hassana Dramera qui est débiteur de la SIB pour la somme principale de 19.237.956 F;
Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a indiqué que Mr. Hassana Dramera demande la nullité de la saisie pratiquée tandis que Demba Nené sollicite la distraction des objets saisis à son profit;
Pour faire droit à ces demandes, il a souligné que, conformément à l'article 141 de l'Acte Uniforme sur les procédures de recouvrement simplifiées et des voies d'exécution, Dame Demba Néné produit des éléments fondant son droit de propriété notamment des reçus d'achat concernant les objets saisis;
C'est contre cette décision que la SIB a relevé appel en soulevant, in limine litis l'irrecevabilité de l'action de Mr. Hassana Dramera et de Mme DEMBA Néné;
En effet, la SIB explique, dans un premier temps, que les demandeurs sont forclos parce que leur action devant le Premier juge a été initiée plus d'un mois après la saisie-vente pratiquée le 21 Décembre 2002,alors que le délai pour agir en contestation est d'un mois à compter de la saisie;
La saisie, poursuit-elle, ayant été dénoncée à Mr. Hassana Dramera le 26 Décembre 2002, les demandeurs ont agi hors délai et le premier Juge, selon elle, aurait dû déclarer leur action irrecevable pour forclusion;
En deuxième lieu, l'appelante rappelle que eu égard à la procédure de saisie-vente régie par des dispositions d'ordre public du traité OHADA M. Hassana Dramera et Mme DEMBA NENE sont deux personnes présentant chacune un statut particulier avec un régime juridique propre, obligeant chacune à initier sa propre procédure;
Ainsi, en initiant une action conjointe pour des régimes juridiques distincts, les demandeurs ont violé les dispositions des articles 139 et 140 de l'Acte Uniforme et leur action aurait dû être déclarée irrecevable;
Le troisième argument de la SIB est que la requête de Mme Demba NENE ne mentionne pas de façon précise des éléments sur lesquels elle fonde son droit de propriété alors que le texte sus-indiqué lui impose de citer les objets revendiqués;
Par ailleurs, soutient la SIB, M. Hassana Dramera, débiteur saisi n'a ni été entendu, ni été appelé à l'instance en cette qualité pour n'avoir pas été assigné comme défendeur à l'instance;
II y a donc, à son sens violation des dispositions de l'article 141 et la sanction est l'irrecevabilité de l'action;
Eu égard à toutes ces raisons, la SIB sollicite que l'ordonnance soit infirmée et que l'action de M. Hassana Dramera et de Mme Demba Néné soit déclarée irrecevable ou subsidiairement au fond que les demandeurs soient déboutés de leur action;
Sur le fond, l’appelante allègue que l'action est mal fondée parce que reposant sur des pièces douteuses;
A cet égard, elle prétend que les six(6) pièces présentées par Mme Demba Néné pour justifier sa propriété sur les biens saisis laissent apparaître de nombreuses anomalies faisant croire que celles-ci ont été fabriquées pour les besoins de la cause;
Elle fait noter, pour attester ses dires, que les deux factures délivrées par l'Etablissement KAM, les 8 Janvier 1995 et 7 Juillet 1999 comportent des numéros de téléphones à 8 chiffres alors que jusqu'à l'an 2000 la numérotation téléphonique était à 6 chiffres;
Ces anomalies, poursuit-elle, sont également présentes sur deux factures de la Société IVOIRE MEUBLE datées des 20 Octobre 1995 et 22 Juin 1996;
En outre, l'une des factures de la Société Ivoire MEUBLE datée du 10 Septembre 2000,alors qu'une vérification montre qu'il s'agit d'un dimanche, c'est-à-dire un jour non ouvrable;
Au surplus, Mme Demba Nené n'est qu'une ménagère, à savoir une femme au foyer, sans activités lucratives, si bien que selon la SIB, il est à se demander comment et par quels moyens financiers elle a pu s'offrir tout le mobilier chiffré selon les factures produites à la somme de 12.215.000 francs;
L'appelante fait valoir que ces anomalies permettent d'émettre des doutes sur l'authenticité et la sincérité des factures produites qui ne peuvent dans ces conditions établir la propriété de Mme Demba Néné sur les biens revendiqués;
Elle conclut que le premier Juge aurait dû s'inspirer d'une précédente décision N°2229 du 14 MAI 2002 par laquelle le Juge des référés a écarté des factures face à une situation similaire;
Les intimés, M. Hassana Dramera et Mme Demba Néné, par le biais de leur conseil Maître YASSI ZIRI, Avocat à la Cour, soutiennent que leur action est recevable;
Ils déclarent que leur action a été introduite sur la base de l'article 140 de l'Acte Uniforme portant voies d'exécution pour ce qui est de Mr Hassana Dramera et articles 141 et 142 de l'Acte Uniforme précité pour ce qui concerne Mme Demba Néné;
Ces dispositions qui portent sur les contestations relatives à la propriété en matière de saisie-vente de biens meubles, allèguent-ils, n'ont prévu aucun délai à compter duquel lesdites contestations doivent être exercées, de sorte que leur action ne peut être déclarée irrecevable pour forclusion;
De même, ils estiment que l'Acte Uniforme dont l'article 140 a fondé l'action, n'interdit pas au tiers et au débiteur d'exercer conjointement une action et ils concluent qu'il est de principe que ce qui n'est pas interdit est permis;
Ils ajoutent qu'au demeurant, M. Hassana Dramera ne peut demander la nullité de la saisie portant sur les biens, dont il n'est pas propriétaire, sur la base de l'article 140, sans apporter la preuve que lesdits biens appartiennent à Mme Demba Néné, si bien que leurs demandes ne peuvent être autonomes;
Sur le dernier moyen d'irrecevabilité, les intimés articulent que Mme Demba Néné a précisé dans sa requête les éléments sur lesquels se fonde son droit de propriété, celui-ci résultant de l’achat des biens et que c'est une mauvaise lecture des dispositions de l'article 141 de l'Acte Uniforme qui a fait dire que les biens saisis doivent être cités dans la requête;
Au surplus, 1'article 141 ne précise pas que le débiteur saisi, qui doit être entendu ou appelé, doit avoir la qualité de demandeur ou de défendeur à l'instance initiée par un tiers et qu'en tout état de cause, Mr Hassana DRAMERA a été entendu par le premier juge;
Sur le fond, les intimés énoncent que le doute ne saurait avoir pour conséquence de dénier à Mme Demba Nené son droit de propriété contre lequel il appartient à la SIB d'apporter la preuve contraire;
Le fait pour Mme Demba Néné d'être une ménagère ne peut l'empêcher d'avoir des biens, surtout qu'elle était commerçante avant de se consacrer à son foyer;
Ils précisent en outre que les biens ont été saisis au domicile de Sall Doudou où réside Mme Demba Néné;
Les intimés terminent en sollicitant la confirmation de l'ordonnance querellée;
En réplique, la SIB reprend ses arguments précédents et persiste à soutenir que l'article 14, alinéa 2 n'a pas été respectée parce que la demande en distraction n'a pas été signifiée au saisi qu'est Mr.Hassana Dramera, qui n'a d'ailleurs pas été appelé ou entendu à l'instance à cette qualité pour n'avoir pas été assigné;
DES MOTIFS
Toutes les parties ayant conclu, il y a lieu de statuer contradictoirement;
EN LA FORME
L'appel de la SIB est recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi;
AU FOND
Aux termes de l'article 141 alinéa 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution" le tiers qui se prétend propriétaire d'un bien saisi peut demander à la juridiction compétente d'en ordonner la distraction ";
En l'espèce, à l'analyse des pièces du dossier, il apparaît que la requête introduite par M. Hassana Dramera, débiteur saisi, conjointement avec Mme Demba Néné, visait à être autorisé à assigner la SIB en distraction d'objets saisis;
L'assignation qui s'en est suivie avait pour objet la distraction des objets saisis, comme cela résulte de l'exploit d'huissier daté du 24 Janvier 2003;
C'est donc à tort que le juge des référés a mué la demande de Mr. Hassana Dramera initiée sur la base de l'article 141 précité en une action en nullité;
Ainsi, en application des dispositions de l'article 141 sus-mentionné, l'action de Mr. Hassana Dramera doit être déclarée irrecevable pour défaut de qualité de tiers à la saisie;
Par ailleurs l'alinéa 2 de l'article 141 dispose qu'à peine d'irrecevabilité, la demande doit préciser les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué;
Dans le cas présent, Mme Demba Néné a fait mentionner dans la demande que son droit de propriété résulte de l'achat des biens saisis;
Or, des termes de l'article 141 alinéa 2 de l'Acte uniforme, il résulte l'obligation pour le tiers qui se prétend propriétaire de préciser dans la demande les biens sur lesquels il entend faire valoir son droit de propriété;
Dès lors, le seul fait pour le tiers de dire dans la demande que son droit de propriété est fondé par l'achat des biens, ne satisfait pas à la prescription de l'article 141 alinéa 2;
L'obligation de précision des éléments étant prévue à peine d'irrecevabilité, il s'en déduit que l'action de Mme Demba Néné est irrecevable pour non respect de l'article 141 alinéa 2;
A la lumière de tout ce qui précède, il convient de dire que c'est à tort que le premier juge a statué comme sus-indiqué;
Il y a lieu par conséquent d’infirmer l’ordonnance querellée et déclarer l’action de M. Hassana Dramera et Mme DEMBA Néné irrecevable;
Les intimés, qui succombent en la cause, doivent être condamnés aux dépens distraits au profit du Cabinet A. Fadika et associés;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare recevable l'appel de la Société Ivoirienne de Banque dite SIB relevé de 1'ordonnance de référé N°813 rendue le 26 Février 2003 par la juridiction Présidentielle d'Abidjan;
AU FOND
– L'y dit bien fondée;
– Infirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions;
Statuant à Nouveau
– Déclare Mr. HASSANA DRAMERA et Mme DEMBA NENE irrecevables en leur action;
– Condamne les intimés aux dépens, distraits au profit du cabinet A. FADIKA et Associés.
AU FOND
L'y dit mai fondée;
L'en déboute;
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions;
La condamne aux dépens.