J-03-275
RECOUVREMENT SIMPLIFIE DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – REQUETE – DEFAUT D’INDICATION DES FRAIS ET INTERETS – IRRECEVABILITE (NON).
Le défaut de mention des frais et des intérêts de la créance dans la requête aux fins d’injonction de payer n’entraîne pas l’irrecevabilité de cette requête, ces mentions n’étant pas exigées par l’acte uniforme.
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°496 du 25 Avril 2003, SAEC C/ BICICI).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé de la procédure, des faits, prétentions des parties et des motifs ci-après;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que par exploit du 18 Juin 2002,la Société Abidjanaise d'Expansion Chimique dite S.A.E.C. a relevé appel du jugement N°111 rendu le 30 MAI 2002 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui l'a déboutée de son opposition formée contre l'ordonnance d'injonction de payer N°12.913 du 11 Décembre 2001 et a validé l'hypothèque conservatoire prise par la BICICI sur son titre foncier N°971 de la circonscription de Bingerville;
Considérant que la banque internationale pour le commerce et l'industrie en Côte d'Ivoire dite BICICI était en relation d'affaires avec la Société Abidjanaise d'Expansion Chimique dite S.A.E.C.; qu'au 1er Octobre 2001, les comptes bancaires de celle-ci ouverts dans les livres de la BICICI présentaient un solde débiteur de 152.556.872 f; qu'après mise en demeure restée sans résultat la BICICI a obtenu de la juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, les ordonnances d'hypothèque conservatoire N°5414 du 03 Décembre 2001 et d'injonction de payer N°12913 du 11 Décembre 2001 portant condamnation de la S.A.E.C. au paiement de la somme principale de 152.556.872 F;
Considérant que la S.A.E.C. a formé opposition contre l'ordonnance d'injonction de payer susvisée; qu'elle a soulevé l'exception de litispendance en sollicitant la jonction des procédures, de validation d’hypothèque conservatoire et celle d'injonction de payer; que de même, elle a plaidé l'irrecevabilité de la requête aux fins d'injonction de payer au motif qu'en violation de l'article 4 alinéa 2 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, les intérêts et les frais de la créance n'étaient pas déterminés dans leur montant, qu'elle a sollicité l'infirmation de l'ordonnance entreprise;
Considérant que pour sa part, la BICICI a fait remarquer que les procédures d'injonction de payer et de validation d'hypothèque n'ont pas le même objet, que c'est à tort que la S.A.E.C.a évoqué la litispendance au lieu de solliciter la jonction des procédures pour cause de connexité; que s'agissant des intérêts de droits, ils ont été calculés postérieurement à la requête de sorte que l'irrecevabilité alléguée ne peut prospérer; qu'elle a conclu à la confirmation de l'ordonnance attaquée et à la validation de l'hypothèque conservatoire prise sur le titre foncier N°971 de la circonscription foncière de Bingerville;
Considérant que pour débouter la S.A.E.C.,Tribunal de Première Instance d'Abidjan a indiqué que l'article 4 alinéa 2 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ne fait pas obligation au créancier de mentionner les intérêts et les frais de sa créance;
Considérant que la S.A.E.C. fait grief au premier juge d'avoir ainsi statué alors que le montant de la créance tel que libellé dans la requête, est contraire aux stipulations de l'article 4 alinéa 2 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; que ce ,texte exige à peine d'irrecevabilité," l'indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci "; que la requête aux fins d'injonction de payer de l'espèce aurait dû être déclarée irrecevable en ce qu'elle sollicite la condamnation au paiement d'intérêts et de frais non déterminés; que l'indication desdits frais et intérêts dans l'acte de signification ne saurait pallier les insuffisances de la requête; que par ailleurs, la BICICI fait remonter la computation des intérêts au 20 Décembre 2001 sans fournir d'explication; qu’il en découle que le quantum de la créance réclamée ne revêt pas le caractère de certitude exigé par la loi; que conformément à l'article 142 alinéa 1er de l'acte uniforme portant organisation des sûretés, le premier juge aurait dû ordonner la mainlevée de l'hypothèque conservatoire prise par la BICICI; qu'elle sollicite en conséquence l'infirmation du jugement contesté;
Considérant qu'en réplique, la BICICI relève que c'est pour tenir compte de l'existence des intérêts de droit postérieurement à la requête que le Président du Tribunal a utilisé l'expression " les intérêts et frais afférents à la présente procédure " puisqu'au moment de la requête, les frais et intérêts n'étaient pas encore calculés; que la requête critiquée est parfaitement régulière à la lecture attentive de l'article 4 alinéa 2 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; que c'est à bon droit que le Tribunal de Première instance d'Abidjan a condamné la S.A.E.C. au paiement de sa dette et a ordonné l'inscription définitive de l'hypothèque conservatoire prise sur le titre foncier N°971 de Bingerville; qu'elle sollicite la confirmation du jugement attaqué;
Considérant que par conclusions écrites du 19 Mars 2003,1e Ministère public a estimé que la BICICI avait le .devoir de préciser le montant des intérêts et frais qu'elle réclamait, à la S.A.E.C. à titre accessoire; qu'en omettant de le faire, la BICICI a violé les prescriptions de l'article 4 alinéa 2 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; qu'il a conclu en conséquence, à l'infirmation du jugement entrepris;
SUR CE
Considérant que les parties ont conclu; qu'il y a lieu de statuer, par décision contradictoire;
EN LA FORME
Sur la recevabilité de l'appel
Considérant que le jugement attaqué a été rendu le .30 MAI 2002; que l'appel relevé .par la S.A.E.C. le 18 Juin 2002, soit dans les 30 jours de cette décision, est recevable pour être conforme aux prescriptions de l'article 15 de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Sur l'irrecevabilité de la requête tirée du défaut de précision des intérêts et des frais
Considérant que l'article 4 alinéa 2 de l'acte uniforme, portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution dispose que : "la requête contient à peine d'irrecevabilité, l'indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci"; qu'il résulte de l'analyse, que ces dispositions ne font aucune référence expresse aux intérêts et aux frais de la procédure; que c’est donc à tort, que la S.A.E.C. fait grief à la BICICI de n'avoir pas précisé dans sa requête les frais et les intérêts de sa créance alors que le texte susvisé ne comporte pas une telle obligation à la charge du créancier; qu'il s'ensuit que 1'irrecevabilité invoquée par la S.A.E.C. ne saurait prospérer;
AU FOND
Sur la contestation du point de départ des intérêts de droit
Considérant qu'il résulte de l'article 1153-1 du code civil que les intérêts de droit courent à compter du prononcé du jugement de première instance, sauf décision contraire du juge ou disposition contraire de la loi, qu'en l'espèce, en fixant le point de départ des intérêts de sa créance au 20 Décembre 2001 alors que l'ordonnance de condamnation matérialisant ladite créance date du 11 Décembre 2001, la BICICI n'a fait qu'accorder des avantages à la S.A.E.C.; qu'il en découle que la contestation élevée par celle-ci relativement au point de départ des intérêts n'est pas fondée; qu'il y a lieu de la rejeter;
Sur la certitude de la créance et la validation de l'hypothèque conservatoire
Considérant que la créance de la BICICI à l'égard de la S.A.E.C. résulte du compte débiteur de celle-ci qui s'élève à 132.266.125 f et du paiement par subrogation fait par la BICICI à concurrence de 20.290.747 F soit au total 152.556.872 f; que c'est à bon droit que le premier juge a condamné la S.A.E.C. au paiement de cette somme et validé l'hypothèque conservatoire inscrite par la BICICI sur le titre foncier N°971 de Bingerville appartenant à la S.A.E.C.; qu'il y a lieu d'en juger ainsi et de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions;
Des dépens
Considérant que la S.A.E.C. succombe; qu'il y a lieu de la condamner aux dépens de l'instance;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit la Société Abidjanaise d'Expansion Chimique dite S.A.E.C. en son appel relevé du jugement N°111 rendu le 30 mai 2002 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
L'y dit mai fondée;
L'en déboute;
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions;
La condamne aux dépens.