J-03-277
VOIES D’EXECUTION – LETTRES DE CHANGE – DELAI S DE GRÂCE (NON).
Lorsque la dette dont le recouvrement est poursuivie résulte de traites revenues impayées, le débiteur ne peut obtenir de délai de grâce pour le paiement de celles-ci.
Article 39 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°36 du 10 Janvier 2003, SIGS C/ CFAO-CI).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Considérant que par exploit du 29 Mai 2002, la Société Internationale de Gestion et de Sécurité dite S.I.G.S. a relevé appel de l'ordonnance N°228l rendue le 16 Mai 2002 par le Juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui l'a débouté de sa demande de délai de grâce;
Considérant que le 25 Juin 2000, la S.I.G.S. a acheté auprès de la CICA-AUTO, Département de la CFAO-CI , trois véhicules de type Xsara pour un montant global de 38.365.500 F; qu'en paiement partiel desdits véhicules, la S.I.G.S. a émis huit lettres de change (d'un montant unitaire de 2.234.375 F) revenues impayées à l'échéance; que par ordonnance d'injonction de payer N°1244l du 04 Décembre 2001, la CICA-AUTO a obtenu la condamnation de la S.I.G.S, à lui payer la somme de 6.937.000 F avant de pratiquer une saisie-vente le 13 Mars 2002 sur les biens meubles de sa débitrice; que le 09 Avril 2002, la S.I.G.S. saisissait le Juge des référés pour solliciter un délai de grâce ainsi que la mainlevée de la saisie - vente pratiquée sur ses biens meubles;
Considérant qu'à l'appui de sa demande la S.I.G.S, a fait valoir qu'elle est personnellement créancière de plusieurs sociétés qui tardent à la désintéresser; qu'elle demande à payer la dette par mensualité de 500.000 F sans préjudice d'un remboursement, anticipé dans l'hypothèse d'un recouvrement substantiel d'une de ses créances; que la saisie - vente et l’enlèvement, de ses objets saisis sont de nature à lui causer un préjudice lourd de conséquence pour l'ensemble de son personnel de 15.00travailleurs;
Considérant que la CICA-AUTO citée à son siège social n'a pas comparu pour faire valoir ses moyens de défense;
Considérant que pour débouter la S.I.G.S. de sa demande de délai de grâce, le Juge des référés a estimé que toutes les traites émises par celle-ci sont revenues impayées et que cela dénote sa mauvaise foi;
Considérant que la S.I.G.S fait grief au Premier Juge de s'être appuyé sur les dispositions de l'article 39 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution en indiquant qu'en matière de dettes cambiaires, il ne peut être accordé de délai de grâce alors que la créance de l'espèce qui n'a pas été constatée par une décision juridictionnelle n'est pas une dette cambiaire; que seules les actions mises en oeuvre conformément aux prescriptions des articles 147 et suivants du code de commerce peuvent être qualifiées de cambiaire, que les dettes dont l'existence est matérialisée comme en l'espèce par une ordonnance d'injonction de payer ne peuvent recevoir cette qualification; qu’en outre, l'action exercée par la CFAO-CI trouve sa source dans le rapport fondamental né du fait de la vente de trois véhicules; que son engagement à elle (SIGS), matérialisé par l'émission d'effets de commerce est donc accessoire; qu'en pareille circonstance, l'a jurisprudence Française (Paris, 26 Juin 1972; JGP 1975 II 17.367) édicté le principe selon lequel, lorsque le créancier exerce l'action née du rapport fondamental, le débiteur peut demander des délais de grâce; qu'elle demande, eu égard au paiement de l'acompte de 1.500.000 F, d'infirmer le jugement attaqué et de faire droit à la demande de délai de grâce en lui accordant la possibilité de payer le reliquat de sa dette en douze mensualités de 453.125 F;
Considérant par ailleurs que la S.I.G.S. plaide l'exception de connexité au motif que l'Huissier Instrumentaire a scindé la procédure en deux alors qu'il s'agit d'une seule et même affaire qu'enfin, elle sollicite la nullité du commandement en date du 25/01/2002 et du procès-verbal de saisie - vente en date du 15/05/2002 en faisant valoir que ces actes comportent un calcul fantaisiste du droit de recette;
Considérant qu'en réplique, la CFAO-CI fait valoir que la demande tendant à déclarer nuls les exploits de commande­ment et de saisie-vente est une demande nouvelle et donc irrecevable par application de l'article 175 du code de procédure civile; que de même, l'appel de la S.I.G.S. n'est pas motivé et viole les dispositions de l'article 164 du code de procédure civile; que la motivation faite ultérieurement par le biais des conclusions ne peut couvrir l'irrégularité contenue dans l'acte d'appel; qu'en conséquence l'appel de la S.I.G.S. est irrecevable;
Considérant que subsidiairement au fond, la CFAO-CI relève que du fait de l'émission de lettres de change par la S.I.G.S., la dette de celle-ci est devenue une dette cambiaire dont la nature ne souffre d'aucune contestation; qu'il s'ensuit que son appel est mal fondé de sorte que jugement mérite la confirmation;
SUR CE
Considérant que les parties ont conclu; qu'il y a lieu de statuer par décision contradictoire;
EN LA FORME
Sur l'irrecevabilité de l'appel
Considérant que par ses conclusions en date du 09 Juillet 2002 la S.I.G.S. a suffisamment motivé son appel; qu'il en résulte que l'irrecevabilité invoquée par la CFAO-CI sur le fondement de l'article 164, du code de procédure civile ne saurait prospérer; que dès lors, l'appel relevé le 29 Mai 2002 par la S.I.G.S. et comportant ajournement au 05 Juin 2002 est recevable pour être conforme aux prescriptions de l'article 228 du code de procédure civile.
Sur l'irrecevabilité de la demande tendant à l'annulation des exploits de commandement et de saisie-vente
Considérant que "la S.I.G.S. a seulement demandé un délai de grâce en première instance; qu'ainsi, la demande tendant en cause d',appel à l'annulation de l'exploit de commandement du 25/01/2002 et du procès-verbal de saisie - vente du 15/05/2002 est une demande nouvelle qui ne peut être accueillie qu'il y a lieu d'en juger ainsi et de déclarer irrecevable la demande en annulation présentée par la S.I.G.S;
Sur l'exception de connexité
Considérant que la S.I.G.S. soulève l'exception de connexité sans toutefois justifier qui en dehors de la présente procédure, il existe une autre procédure pendante devant la Cour et que les deux affaires présentent entre elles un rapport tel qu'il paraît nécessaire, dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, de ne rendre qu'une seule décision sur les deux contestations; que dès lors, l'exception de connexité alléguée par la S.I.G.S. est mal venue et doit être rejetée;
Au Fond.
Considérant que la dette cambiaire est celle qui a trait à la lettre de change et par extension aux autres effets de commerce;
Considérant qu'en l'espèce, la dette de la S.I.G.S. résulte de traites revenues impayées; qu'ainsi, contrairement aux allégations de la S.I.G.S. sa dette est cambiaire et n'autorise pas de délai de grâce conformément aux prescriptions de l’article 39 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le Premier Juge a débouté la S.I.G.S. de sa demande de délai de grâce; qu'il y a lieu d'en juger ainsi et de confirmer l'ordonnance entreprise;
Des dépens
Considérant que la S.I.G.S.; qu'il y a lieu de la condamner aux dépens de l'instance;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Rejette l'irrecevabilité de l'appel soulevé par la CFAO-CI;
En conséquence;
Reçoit la S.I.G.S. en son appel relevé de l'ordonnance N°2201 rendue le 16 Mai 2002 par la juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
Rejette l'exception de connexité relevée par la S.I.G.S.;
Déclare Irrecevable la demande de la S.I.G.S. tendant à l'annulation de l'exploit de commandement du 25/01/2002 et du procès-verbal de saisie- vente du 15/05/2002;
AU FOND
Déclare la S.I.G.S. mal fondée;
L'en déboute;
Confirme l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions;
Condamne la S.I.G.S. aux dépens;