J-03-283
RECOUVREMENT SIMPLIFIE DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – LETTRE DE COMMANDE NON SIGNEE – CARACTERE CERTAIN DE LA CREANCE (NON).
Ne remplit pas le caractère de certitude, la créance résultant d’une lettre de commande qui ne comporte pas la signature du débiteur alors qu’en cas d’approbation, celui-ci devait mentionner sur le bon "bon pour accord", le dater et le signer.
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°101 du 31 Janvier 2003, M. ADOU ASSALE C/ Le Cabinet ROUGEOT Conseil en Management Ingénierie Financière).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble 1'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES
Par exploit d'huissier en date du 2 Août 2002 comportant ajournement au 11 Octobre 2002, M. ADOU ASSALE ayant pour conseil la SCPA ADJE-ASSI et METAN, Avocats à la Cour, a relevé appel du jugement civil contradictoire N°1263/CIV/ rendu le 24 Juillet 2002 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan lequel en la cause, a statué comme suit :
« - Déclare Mr. ADOU ASSALE irrecevable en son opposition pour cause de forclusion;
– Condamne le demandeur aux entiers dépens de l'instance »;
Des écritures, productions des parties, énonciations du jugement querellé déféré à la censure de la Cour, il résulte que par exploit en date du 27 Mai 2002, M. ADOU ASSALE a formé opposition à l'exécution de l'ordonnance N°3157/2002 en date du 8 Avril 2002 l'ayant condamné à payer la somme principale de 2.880.000 francs au Cabinet ROUGEOT, Conseils en Management Ingénierie financière;
Au soutien de son action, il excipait de l'irrecevabilité de la requête aux fins d'injonction de payer et de l'exploit de signification pour non précision de la forme sociale du cabinet ROUGEOT;
II soutenait en outre qu'à défaut d'un contrat dûment signé avec le cabinet ROUGEOT, la créance poursuivie ne repose sur aucune base contractuelle;
Le Cabinet Claude ROUGEOT pour sa part, faisait valoir que la mention de sa forme n'était pas nécessaire, qu’il n’était pas une société;
II ajoutait que suite à la mission de prospection effectuée pour le compte du sieur ADOU ASSALE pour la recherche ce capitaux effectuée, il a fait une gestion d'affaire au sens de l'article 1375 du code civil;
Que la réclamation de ses honoraires constitue une créance certaine, liquide et exigible;
Pour statuer comme il l'a fait, le Premier Juge a déclaré que l'opposition est irrecevable pour être intervenue le 27 mai 2002 soit 16 jours après la signification en date du 10 MAI 2002 en application de l'article 10 de l'acte l’Acte Uniforme OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement de créance;
Dans son acte d'appel, M. ADOU ASSALE conclut à la recevabilité de son opposition, arguant qu'en droit ivoirien, le délais de procédure sont des délais francs, c’est à dire qu’ils ne sont pas pris en compte le premier et le dernier jour de sorte qu'il avait jusqu'au 26 MAI 2002 pour faire son opposition après la signification du 10 MAI 2002 puisqu'il dispose de quinze jours; que cependant, cette date n'étant pas utile il a formé son opposition le lendemain 27 mai 2002, premier jour ouvrable;
Poursuivant, il reprend ses moyens précédemment développés tenant tant à l'irrecevabilité de la requête d’injonction de payer intervenue en violation des dispositions d'ordre public de l'article 4 du traité de l'OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement de créance qu'à l'absence d’un contrat écrit liant les parties conférant à la créance de 2.880.000 F un caractère fantaisiste. Il sollicite en conséquence l’infirmation du jugement critiqué et prie la Cour, statuant à nouveau de déclarer son opposition recevable et de rétracter l’ordonnance entreprise pour cause d'irrecevabilité de la requête en tout état de cause mal fondée;
Le. Cabinet ROUGEOT en réplique excipe de la nullité de l'acte d'appel en ce qu'il ne renferme pas le numéro du jugement attaqué;
II soutient en outre que l'opposition formée par M. ADOU ASSALE est incontestablement tardive et que le Cabinet ROUGEOT n'étant pas une société, aucune nullité ne peut résulter du défaut de mention de la forme sociale;
Enfin, il fait valoir que ADOU ASSALE qui se borne à exciper de l'absence d'un contrat écrit, ne conteste pas véritablement le principe et la liquidité de la créance. En l'espèce ajoute-t-il, il a effectué des prestations pour le compte de celui-ci tenant aussi bien à des réunions et séances de travail préparatoires avec l'intéressé qu’avec des cabinets financiers qu'à des déplacements sur le site de l’élevage à Sankadiokro devant faire l'objet d'une relance, ainsi qu'il résulte dit-il, des pièces produites;
La créance, fait-il observer, est certaine, liquide et exigible et les règles de l'injonction de payer sont applicables en cas de quasi-contrat prévu par 1’article 1475 du code civil sur lequel il fonde la réclamation de ses honoraires pour la recherche des capitaux effectuée au nom du sieur ADOU ASSALE;
II conclut donc à la confirmation du jugement attaqué et demande à la Cour en cas d’infirmation dudit jugement de déclarer recevable la requête aux fins d'injonction de payer et de faire droit à sa demande en recouvrement en prononçant l'exécution provisoire;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L'appel relevé par ADOU ASSALE est recevable pour être intervenu conformément à la loi;
Sur l’exception de nullité soulevée
L'intimé excipe de la nullité de l'acte d'appel, pour défaut de mention du numéro du jugement attaqué;
Le moyen de défense ne saurait prospérer au regard de l'article 164 du code de procédure civile précisant les mentions obligatoires devant figurer dans l'acte d'appel, notamment l'indication de la juridiction qui a statué, la date du jugement, la motivation, le nom et l'adresse de la partie ou des parties intimées et la notification à l'intimée des obligations qui lui incombent au titre de l'article 166 du même code;
Le numéro du jugement ne faisant pas partie desdites mentions, le Cabinet ROUGEOT Conseils en Management Ingénierie Financière ne peut solliciter la nullité de l'acte d'appel du fait de son omission;
Par ailleurs, le Cabinet ROUGEOT ne démontre pas l'existence d'un préjudice par lui subi;
II échet dès lors de rejeter cette exception de nullité soulevée comme étant mal fondée;
Sur la recevabilité de l’opposition
ADOU ASSALE soutient que c'est à tort que le premier Juge a déclaré son opposition irrecevable;
L'article 10 du traité OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement de créances dispose que l'opposition doit être formée dans les quinze jours qui suivent la signification de la décision portant injonction de payer, le délai est augmenté éventuellement des délais de distance ";.
L'application de ce texte ne saurait ignorer, selon lequel les délais de procédure sont des délais francs, le premier et le dernier jour n'étant pas pris en compte;
Dès lors, la signification de 1’ordonnance étant intervenue le 10 MAI 200 2, ADOU. ASSALE avait jusqu'au 26 Mai 2002 pour faire opposition;
Cette date correspondant à un dimanche n’étant pas un jour utile, c'est à juste titre que ADOU ASSALE a formalisé son opposition le lendemain 27 mai 2002, premier ouvrable, Il y a donc lieu d'infirmer le jugement querellé sur ce point et de dire que l'opposition est intervenue conformément à la loi, dans le délai prescrit;
Sur la recevabilité de la requête
L'appelant conclut à l'irrecevabilité de la requête et partant à la rétractation de l'ordonnance querellée au motif que celle-ci ne comportant aucune mention relativement à la forme du Cabinet ROUGEOT, est intervenue en violation de l'article 4 de la loi sur les procédures simplifiées de recouvrement. L'intimé pour sa part, fait valoir que le Cabinet ROUGEOT n'est pas une société et qu'il n'est pas nécessaire que sa forme soit mentionnée;
En tout état de cause, le Cabinet ROUGEOT Conseils en Management Ingénierie Financière est bien identifié, sa dénomination et son siège social ayant été précisés, il échet de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée;
Sur le bien fondé de la créance
L'appelant allègue que la créance réclamée ne repose sur aucun fondement en l'absence d'un contrat écrit, ni d’engagement verbal pris par les parties;
En effet, la lettre de commande sur laquelle se fonde le Cabinet Rougeot ne comporte pas la signature de l'appelant alors que ce dernier comme il ressort de la page de ladite lettre, devait en cas d'approbation marquer ce fait par la mention manuscrite "Bon pour accord" datée et signée;
Le défaut de mention de cette exigence devant formaliser l'acceptation de M. Adou Assalé ne confère pas à la créance réclamée un caractère de certitude;
Il s'ensuit que la procédure d'injonction de payer ne peut être applicable en l'espèce, la créance n'étant pas certaine, à fortiori liquide et exigible;
II convient dès lors de déclarer bien fondé l'appel relevé par Adou Assalé, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et partant de rétracter l’ordonnance critiquée;
II convient en outre de condamner Cabinet ROUGEOT qui succombe aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare recevable l'appel relevé le 2 août 2002 par M. Adou Assalé du jugement civil contradictoire N°1263/CIV/3 rendu le 24 Juillet 2002 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
– Rejette les exceptions de nullité et d'irrecevabilité soulevées;
AU FOND
– L'y dit bien fondé;
– Infirme ledit jugement;
– Statuant à nouveau;
– Déclare recevable l'opposition formée par M. Adou Assalé de l'ordonnance d'injonction de payer N°3157/2002 en date du 8 Avril 2002;
– Dit que la procédure d'injonction de payer n'est pas applicable en l'espèce;
– En conséquence, rétracte l'ordonnance entreprise;
– Condamne Cabinet Rougeot aux dépens.