J-03-285
VOIES D’EXECUTION – SAISIE-ATTRIBUTION OPEREE SUR LES BIENS D’UN TIERS – NULLITE (OUI) – VENTE.
La saisie attribution opérée sur les biens appartenant à un tiers est nulle et main levée doit en être ordonnée.
Article 153 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N° du 05 Juillet 2002, Mme GRUNITZKY Geneviève ex-épouse EKRA C/ M. MOHAMED TAIEB KETTANI).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, fins, conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Par acte du 30 mai 2002, madame Grunitzky Geneviève a relevé appel de l'ordonnance de référé N°2230 rendue le 14 MAI 2002 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal d'Abidjan qui en la cause, a statué ainsi qu'il suit :
"Recevons dame Grunitzky Geneviève en son action;
– L'y disons cependant mal fondée;
– L'en déboutons;"
Au soutien de son appel, madame Grunitzky expose que par jugement civil contradictoire N°841-1/B du 31 Décembre 1996 le Tribunal de Première Instance d'Abidjan a prononcé son divorce d'avec M. EKRA Mathieu et que suite à la liquidation la communauté des biens immobiliers lui ont été cédés, notamment les douze villas de la "cité paisible", les lots N°254 et 256 situés à Abidjan Zone 4 C, objets du titre foncier N°23.1 du livre foncier de Bingerville;
Elle ajoute que la mutation de ces biens à son nom a été effectuée et que cependant contre toute attente, KETTANI MOHAMED TAIEB créancier de son ex-époux a procédé le 6 Février 2002 à une saisie-attribution des loyers des villas de la "cité paisible", et ce, sur la base d'une sentence arbitrale exequaturée et un jugement d'inscription hypothé­caire en date du 28 mai 2001;
Elle fait ensuite valoir que c'est à tort que le juge des référés a rejeté sa demande de mainlevée de cette saisie-attribution; Elle soutient à cet effet que ladite saisie a été pratiquée en violation des dispositions des articles 157 et 160 de l'acte uniforme sur les voies d'exécution;
Elle explique que les textes énoncent clairement que l'acte de saisie doit désigner le débiteur et dénonciation de la saisie doit lui être faite;
En l'espèce, indique-t-elle l'acte de saisie indique comme débiteur M. Mathieu EKRA et aucune dénonciation ne lui a été faite; Elle estime que le premier juge aurait dû sanctionner ces irrégularités en déclarant nulle cette saisie;
Poursuivant madame Grunitzky fait observer que le jugement de divorce du 31 Décembre 1996 a été transcrit en marge de son acte d'état Civil; Elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée;
L'intimé pour sa part fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante sont inopérants parce que la dette poursuivie est commune aux ex-époux EKRA et que le partage de biens intervenu entre ceux-ci lui est inopposable d'autant que la preuve de la transcription du jugement de divorce n'est pas rapportée; il soutien ensuite que la saisie-attribution du 6 Février 2002 a été régulièrement dénoncée à M. EKRA, Chef de la communauté, par exploit du 14 Février 2002;
Dans ses écritures en réplique, prises le 26 Juin 2002, M. KETTANI fait plaider que la transcription du jugement de divorce sur le seul acte de l'épouse ne suffit pas et que cette transcription, doit se faire également en marge de l'acte de mariage et de l'acte de naissance de l'époux; il conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise;
DES MOTIFS
Il résulte des productions que Monsieur Mohamed TAIEB KETTANI a fait pratiquer saisie-attribution de loyers de maisons appartenant à madame Grunitzky Geneviève en exécution d'une sentence arbitrale du 28 Février 1996;
Il justifie une telle saisie par le fait que la dette poursuivie était commune aux ex-époux;
Dès lors l'acte de saisie aurait dû mentionner le nom de madame Grunitzky comme débitrice et dénonciation aurait dû lui être faite conformément aux dispositions des articles 157 et 160 de l'acte uniforme relatif aux voies d'exécution;
Ces dispositions énoncent clairement que l'omission des nom et prénoms, domicile du débiteur est sanctionnée par la nullité de l'acte tandis que la non dénonciation dans le délai de 8 jours entraîne la caducité de la saisie; Par ailleurs, il apparaît que le jugement de divorce N°841 du 31 Décembre 1996 a été transcrit en marge de l'acte de naissance de madame Grunitzky depuis le 8 Janvier 2001;
Or, l'article 15 de la loi N°64-376 du 7 Octobre 1964 modifiée par la loi N°83-801 du 2 AOUT 1983 dispose que le jugement ou l'arrêt devenu définitif remontera quand à ses effets entre époux en ce qui concerne les biens, au jour de la demande, mais il ne produira effet à l'égard des tiers que du jour de la mention de la transcription; il s'ensuit qu'à compter de la transcription, le partage des biens est opposable aux tiers de sorte que c'est à tort que Mohamed KETTANI a procédé à la saisie-attribution sur des biens appartenant désormais en propre à madame Grunitzky;
Il en résulte que la saisie litigieuse porte sur des biens appartenant à une personne n'étant pas débi­trice de M. KETTANI alors que l'article 153 de l'acte uniforme précité indique que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exi­gible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers, les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent;
II convient en conséquence de déclarer nulle la saisie-attribution du 6 Février 2002 et d'en ordonner la mainlevée;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit Madame Grunitzky Geneviève en son appel;
AU FOND
– L'y dit bien fondée;
– Infirme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau;
– Déclare nulle la saisie-attribution du 6 Février 2002;
– Ordonne la mainlevée de ladite saisie;
– Condamne Mohamed TAIEB KETTANI aux dépens.