J-03-288
VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION – PAIEMENT PAR LE TIERS SAISI AVANT L’EXPIRATION DU DELAI DE CONTESTATION – ABSENCE DE CONSENTEMENT ECRIT DU DEBITEUR – PAIEMENT IRREGULIER.
Le paiement effectué par le tiers saisi avant l’expiration du délai de contestation en l’absence d’un écrit dans lequel le débiteur déclare ne pas contester la saisie, est irrégulier, en tant que tel il n’est pas libératoire.
Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°1039 du 30 Juillet 2002, Société ATCI C/ "Les TISSERINS TCA".
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Oui le Ministère Public;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort sur l'appel relevé le 17 Avril 2002 avec ajournement au 30 Avril 2002 par l'Agence de Télécommunications de Côte d'Ivoire dite ATCI ayant pour conseil Maître FOFANA NA MARIAM de l'ordonnance de référé d'heure à heure N°1704 rendue le 09 Avril 2002 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan - Plateau non encore signifiée dont le dispositif est le suivant :
" Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort;
– Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence et par provision;
– Recevons l'Agence de Télécommunications de Côte d'Ivoire dite ATGI en son action;
– Constatons que les sommes saisies ont été payées par la BICICI à la Compagnie d'Assurances les Tisserins TCA;
– Déclarons par conséquent l'action présente sans objet;
– Condamnons la demanderesse aux dépens;
Considérant que l'ATCI expose par son acte d'appel qu'en exécution de l'ordonnance d'injonction de payer N°179/2001 du 18 Décembre 2001, la Compagnie 'd'Assurances "les TISSERINS" a fait pratiquer saisies-attributions de créances sur ses comptes ouverts dans les livres de la BICICI, la BIAO-CI, la SIB et ECOBANK pour avoir paiement de la somme de 67.561.106 F CFA;.
Que par exploit du même jour, les saisie-attributions lui étaient dénoncées par la Compagnie d'Assurances les "TISSERINS" S.A;
Que par exploit du 22 février 2002, elle (l’appelante) a assigné en référé d'heure à heure pour l'audience du 26 Février 2002, les "TISSERINS" SA, la BICICI, la BIAO-CI, la SIB, ECOBANK et Maître ADOU Jacques à l'effet d'obtenir principalement mainlevée des saisies attributions pratiquées sur les comptes ouverts à la BIAO-CI, la SIB et à ECOBANK et subsidiairement cantonnement sur le compte BICICI;
que par l’ordonnance de référé N°991 du 26 Février 2002, faisant droit à sa demande, la Juridiction Présidentielle a ordonné la mainlevée des saisies attributions sur ses comptes autres que celui de la BICICI;
Que par exploit du 11 Mars 2002, elle a assigné en référé d'heure à heure aux fins de contestations, les Tisserins et la BICICI pour solliciter un échéancier de douze mois à raison de 4.695.987 F CFA par mois;
qu'à l'audience du 12 Mars 2002, la Compagnie les "TISSERINS" a présenté un chèque BICICI daté du 08 Mars 2002 portant paiement intégral de la somme de 67.561.106 F CFA;
Que pour éclairer sa religion, le Juge des référés a ordonné la mise en cause de la BICICI afin de justifier le paiement par elle effectué avant l'expiration du délai légal de contestations;
Que par une nouvelle assignation en référé d'heure à heure en date du 15 Mars 2002, elle (ATCI) a mis en cause la BICICI;
qu'à son audience du 19 Mars 2002, la Juridiction Présidentielle a ordonné la jonction des deux procédures à savoir celle du 11 Mars 2002 relative à la demande d'un échéancier de paiement et celle du 15 Mars 2002 relative à la mise en cause de la BICICI;
Que vidant son délibéré, le 09 Avril 2002, le Juge des référés a rendu l'ordonnance entreprise;
Considérant qu'après ce rappel des faits, l'ATCI fait grief au Premier Juge d'avoir omis de statuer sur l'irrégularité du paiement effectué par la BICICI en violation des dispositions de l'article 164 de l'Acte Uniforme relatif aux voies d'exécution;
Qu’elle demande à la Cour de constater que ce paiement est irrégulier et partant nul;
Que par ailleurs elle estime que la BICICI avait obligation de bloquer les sommes saisies jusqu'à l'expiration du délai légal de contestation soit jusqu'au 18 Mars 2002;
Qu’elle répète qu'en ne statuant pas sur cette irrégularité manifeste, le Juge des référés a omis de statuer sur l'un des chefs de sa demande;
Qu’il a ainsi statué infra petita de sorte que sa décision encourt l'infirmation pure et simple;
Qu’elle fait valoir qu'en droit quiconque paie mal paie deux fois;
Que la Cour est donc priée d'ordonner à la BICICI de recréditer son compte des sommes que la banque a irrégulièrement payées;
Qu’enfin, pour justifier le bien fondé de sa demande d'un échéancier de paiement, l'ATCI fait valoir qu’elle est une société d'Etat exécutant le service public des Télécommunications;
Qu’elle est liée à divers engagements auxquels elle doit faire face;.
Qu’à ce titre, le paiement immédiat des sommes saisies lui cause inévitablement un préjudice économique;
Considérant que la BICICI soutient par Maîtres Dogué, Abbé Yao et Associés, ses conseils qu'elle a payé en vertu de l'article 164 in fine qui dispose que "le paiement peut également avoir lieu avant l'expiration du délai de contestation si le débiteur a déclaré par écrit ne pas contester la saisie";
Qu’en effet précise-t-elle, l'ATCI ayant jugé suffisantes les sommes saisies entre les mains de la BICICI pour désintéresser les Tisserins, a sollicité et obtenu du Juge des référés, suivant ordonnance N°991 du 26 Février 2002, la mainlevée des autres saisies pratiquées sur les autres banques ainsi que le cantonnement de la saisie de son compte ouvert à la BICICI;
Que dans sa requête aux fins de cantonnement et de mainlevée l'ATCI a clairement admis qu'elle ne contestait pas la saisie en tant que telle mais elle se plaignait seulement du fait que l'immobilisation des sommes saisies entre les mains des autres banques, tierces saisies, était superflue parce que la saisie faite entre les mains de la BICICI était largement suffisante;
Que par ailleurs la BICICI indique qu'après ce paiement par elle réalisée le 08 Mars 2002, l'ATCI a réitéré sa volonté selon laquelle elle n'avait aucun grief contre la saisie qu'elle ne conteste pas car elle s'est fait autoriser suivant ordonnance N°922/2002 du 11 Mars 2002 à assigner la BICICI et les Tisserins en délai de grâce;
Que dans sa requête, l'ATCI dit qu'elle reconnaît devoir la somme frappée de saisie et propose de la payer en douze mensualités régulières de 4.695.987 FCFA;
Que mieux la mainlevée de la saisie sur le compte BICICI que l'ATCI sollicite, est conditionnée par le délai de grâce que voudrait bien lui accorder le Juge des référés;
Que le Juge des référés a répondu à l'ATCI que ce délai de grâce est sans objet parce qu'elle a déjà payé sa dette;
Qu’en conséquence la BICICI conclut à la confirmation de l'ordonnance querellée;
Considérant que l'ATCI en répliquant, demande à la BICICI où est l'écrit par lequel elle a déclaré ne pas contester la saisie;
Qu’elle soutient qu'avant et jusqu'à la date du 08 Mars 2002, date du paiement effectué par la BICICI, la seule procédure jusque là initiée par elle, était l'assignation en référé d'heure à heure du 22 Février 2002 par laquelle elle sollicitait la mainlevée des saisies pratiquées et subsidiairement le cantonnement sur le seul compte BICICI;
Que c'est dans sa requête aux fins de contestation signifiée à la BICICI le 11 Mars 2002 qu'elle faisait état pourla première fois de ce qu'elle ne contestait pas la créance mais plutôt l'exigibilité immédiate de l’intégralité de la créance;
que c'est au cours de l'audience de contestation qui a eu lieu le 12 Mars 2002 que la BICICI a déclaré avoir déjà payé la créance des Tisserins depuis le 08 Mars 2002;
Qu’elle demande sur quelle base la BICICI a effectué le paiement le 08 Mars 2002 alors que l'ordonnance de cantonnement et de mainlevée N°991 du 26 Février 2002 ne lui donnait aucun ordre de virement;
Que contrairement aux allégations de la BICICI, elle, ATCI n'a jamais admis dans sa requête aux fins de mainlevée et de cantonnement qu'elle ne contestait pas la saisie;
Considérant que la BICICI, répondant à l'ATCI répète que par l'ordonnance N°991 du 26 Février 2002, l'ATCI a sollicité et obtenu du Juge des référés la mainlevée des autres saisies pratiquées sur diverses banques et le cantonnement de la saisie sur son compte ouvert à la BICICI;
Que l'ATCI bien que visant expressément la saisie attribution de créance faite entre les mains de la BICICI n'a cependant pas mis en cause cette dernière dans la procédure qui a abouti à l'ordonnance N°991 du 26 Février 2002;
qu'elle soutient qu'il résulte des qualités de l'ordonnance N°991 du 26 Février 2002 que d'une part ATCI n'a émis le moindre grief contre la saisie qui frappe son compte dans les livres de la BICICI;
Que d'autre part, la seule chose que l'ATCI sollicite du Juge des référés, s'agissant de la saisie sur le compte BICICI, c'est le cantonnement de cette saisie;
qu'au demeurant, poursuit la BICICI, l'ATCI se satisfait tellement de ce cantonnement qu'elle a sollicité sur le compte BICICI, qu'elle n'a exercé aucun recours contre l'ordonnance N°991 du 26 Février 2002;
Que mieux encore, l'ATCI a réitéré sa volonté de ne pas remettre en cause la saisie sur le compte BICICI le 11 Mars 2002 lorsqu'elle dit ne pas contester la créance sauf qu'elle sollicite un délai de grâce;
Que la requête de l’ATCI signifiée le 11 Mars 2002 est qualifiée à tort, soutient la BICICI, de "requête aux fins de contestation" ne contenant aucune contestation;
Qu’enfin ajoute la BICICI, dans sa requête du 21 Février 2002, l'ATCI écrit : "que si la dénonciation de la saisie attribution de créance pratiquée par la requise (les Tisserins) entre les mains de la BICICI est régulière, il est autrement pour la dénonciation des saisies pratiquées entre les mains de la SIB, de la BIAO et d'ECOBANK";
Que selon la BICICI cela constitue un écrit au sens de l'article 164 précité;
Considérant que les Tisserins, autre partie intimée concluant par Maître COULIBALY NAMBEGUE, soutiennent que ATCI ne contestait pas la saisie;
Que l'ordonnance N°991 du 26 Février 2002 ayant été signifiée à la BICICI, celle-ci a procédé au paiement des sommes qu’elle détenait à concurrence de la créance des Tisserins ce, d'autant plus que l'ATCI ne contestait pas la saisie opérée;
Que l'ATCI a alors intenté une action principale en délai de grâce, procédure qui atteste bien que la saisie faite à la BICICI n'est pas contestée;
Que parallèlement à la procédure de délai de grâce, une procédure accessoire de mise en cause de la BICICI était demandée par le Juge des référés alors même que ladite banque était déjà citée dans la procédure au principale;
Que l'ATCI sollicitait au principal un délai de grâce de douze mois et par voie de conséquence la mainlevée de la saisie pratiquée entre les mains de la BICICI;
Que le Juge des référés constatant le paiement fait par la BICICI a déclaré que la demande principale en délai de grâce était sans objet ce qui par voie de conséquence rendait sans objet la demande de main levée;
que selon 1a Compagnie les TISSERINS, la décision entreprise est portée devant la Cour sur une base qui n'est nullement fondée;
qu'en effet, dit-elle, s'il est vrai que la demande de délai de grâce est une demande accessoire, il est tout aussi vrai que la demande accessoire ne peut exister sans la demande principale;
Que le Juge ayant constaté que la demande principale était sans objet, il ne pouvait donner suite à la demande accessoire qui suit le sort de la demande principale;
Considérant que le Ministère Public à qui le dossier a été communiqué déclare s'en rapporter à Justice;
SURCE
EN LA FORME
Considérant que l'appel régulièrement intervenu est recevable;
De l'annulation de l'ordonnance N°1704 du 09 avril 2002
Considérant, qu'il résulte de l'ordonnance entreprise que l'ATCl demandait deux choses à savoir d'une part obtenir un délai de grâce de douze mois et d'autre part voir recréditer son compte par la BICICI des montants par elle payés irrégulièrement ce, sous astreinte de 2.000.000 F par jour de retard;
Qu’il est constant comme résultant de l'ordonnance entreprise que si le Premier Juge a statué sur le premier chef de demande, il a cependant omis de statuer sur le second;
qu'il convient dès lors d'annuler la décision entreprise et d'évoquer;
De la demande relative au recrédit du compte de l'ATCI ouvert à la BIGICI
Considérant qu'il résulte de l'article 164 in fine que « le paiement peut également avoir lieu avant 1'expiration du délai de contestation si le débiteur a déclaré par écrit ne pas contester la saisie »;
Considérant que la BICICI prétend avoir payé le 08 Mars 2002 les sommes par elle détenues au profit de la Compagnie les Tisserins sur la base de l'article 164 précité d'autant plus que l'ATCI ne conteste pas la saisie;
Que pour ce faire, elle interprète l'attitude de l'ATCI vis-à-vis de la saisie du compte ouvert à la BICICI;
Or considérant que l'article 164 pose dans son alinéa 1er le principe du paiement par le tiers saisi qui ne saurait intervenir avant l'expiration du délai de contestation d'un mois à compter de la dénonciation;
Que l'alinéa 2 de l'article 164 apporte une exception à ce principe de sorte que le paiement ne peut intervenir avant le délai d'un mois susvisé que lorsque le débiteur y consent expressément par écrit;
Que cet écrit doit être adressé au tiers saisi qui est habilité à payer;
Considérant que la BICICI ne produit pas cet écrit exprimant le consentement du débiteur saisi (l’ATCI) quant au paiement sans délai, des sommes saisies;
Que dès lors, le paiement effectué dans ces circonstances par la BICICI est irrégulier;
Qu’il y a ainsi lieu d'ordonner la BICICI à recréditer le compte de l'ATCI domicilié dans ses livres, du montant des sommes par elle payées irrégulièrement ce, sous astreinte de 200.000 F CFA par jour de retard;
Du rejet de la demande de délai de grâce
Considérant que l'ATCI ne justifie pas les difficultés économiques et/ou financières qu'elle traverse;
Qu’en tout état de cause elle est solvable;
Que cela résulte des crédits sur les comptes saisis sur les autres banques dont la mainlevée été faite par l'ordonnance N°991 du 26 Février 2002;.
Que de surcroît les sommes irrégulièrement payées seront recréditées sur le compte de l'ATCI ouvert à la BICICI;
Qu’il échet en conséquence de rejeter purement et simplement cette demande;
Des dépens
Considérant qu'il importe de faire supporter les dépens par moitié à la BICICI et à l'ATCI;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
– Déclare ATCI recevable en son appel relevé de l'ordonnance de référé 1704 rendue le 09/04/2002 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
– L'y dit partiellement fondée;
– Annule ladite ordonnance;
Evoquant
– Dit que le paiement de la somme de 67.361.106 F CFA effectué par la BICICI au profit de la Compagnie d'Assurances les TISSERINS est nul;
– En conséquence, fait injonction à la BICICI de recréditer le compte ATCI domicilié dans ses livres de ce montant ce, sous astreinte de 200.000 F CFA par jour de retard;
– Déboute ATCI du surplus de sa demande;
– Condamne la BICICI et ATCI aux dépens à concurrence de la moitié.