J-03-292
ARBITRAGE – RECOURS EN ANNULATION – IRREGULARITE DE PROCEDURE NON INVOQUEE AU COURS DE LA PROCEDURE ARBITRALE – RECOURS NON FONDE.
Le demandeur en annulation d’une sentence arbitrale ne peut fonder son recours sur une irrégularité de procédure d’arbitrage qu’il n’a pas invoquée lors de l’arbitrage.
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°1060 du 25 Juillet 2003, M. VUARCHEX Jacques Pascal C/ La Scierie Nouvelle de Gadouan).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions après en avoir délibéré conformément à la loi;
Par exploit en date du 19 MAI 2003, Monsieur VUARCHEX Jacques Pascal, ayant pour conseil, Maître Yves N'DIA KOFFI Avocat à la Cour, a assigné la société SCIERIE NOUVELLE DE GADOUAN dite SNG par devant la Cour d'Appel de ce siège, en annulation de la sentence arbitrale rendue le 07 MAI 2003 par le Tribunal Arbitral de la Cour d'Arbitrage de Côte d'Ivoire;
Considérant qu'aux termes de son recours VUARCHES en premier lieu, plaide la recevabilité de son recours pour être intervenu dans les forme et délais de la loi;
Considérant que poursuivant il fait grief au juge arbitral d'avoir rendu sa sentence sans convention d'arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée;
Qu'à cet effet, il fait valoir que la saisine de la Cour est intervenue le 21 Juillet 2002 sur demande de la société SNG, la première réunion s'est tenue le 24 Octobre 2002 et que la sentence arbitrale est intervenue seulement le 07 MAI 2003 soit plus de 06(six) mois après sa saisine;
Qu'il appert dès lors que pareille sentence arbitrale encourt l'annulation, comme étant rendue sur convention d'arbitrage expirée;
Considérant qu'en outre, il soutient que la sentence arbitrale a été rendue sans que l'arbitre ne se conforme à la mission qui lui a été confiée;
Que pour ce faire, il explique que le juge arbitre s'est déclaré compétent pour procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée par la juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan alors qu'il est de jurisprudence constante et bien établie que chaque juridiction est responsable de l'exécution des décisions par elle rendue;
Que cela est si vrai que du propre aveu du juge arbitre et ce à la page 9 de la sentence il écrit dans des termes non équivoques;
Qu'au demeurant, le Tribunal arbitral ne peut jouer le rôle de juridiction d'appel du juge des référés, l'appel dirigé contre l'ordonnance de référé devant la Cour d'Appel d'Abidjan ayant été déclaré mal fondé, ladite ordonnance est aujourd'hui définitive;
Que visiblement le juge arbitre reconnaît avoir outrepassé le champ de ses compétences puisqu'il reconnaît expressément sur ce point précis qu'il ne peut se substituer aux tribunaux de l'ordre judiciaire;
Qu'aussi plaide-t-il l'annulation de la sentence;
Considérant qu'enfin il plaide l'annulation de la sentence en raison de l'absence de toute motivation;
Qu'à cet effet il explique :
Que la motivation d'une sentence arbitrale n'est pas une faculté laissée à l’arbitre mais une obligation impérieuse puisque celle-ci découle de la loi;
Que la sentence arbitrale soumise à la censure de la Cour de ce siège met en exergue l'absence de motivation sur de nombreux points, le juge arbitral se bornant à affirmer péremptoirement que la non-délivrance d'une autorisation d'exploitation de même que les pannes de l'engin ne sauraient constituer une cause exonératoire revêtant le caractère de la force majeure;
Considérant que pour sa part ,la société SNG, défenderesse par le canal de son conseil, Maître Jules AVLESSI, Avocat à la Cour, liminairement plaide l'irrecevabilité du recours pour cause de renonciation par les parties à tous recours contre la sentence arbitrale rendue le 07 MAI 2003;
Considérant que subsidiairement au fond, la Sté SNG plaide le rejet du recours en annulation, motif pris de ce qu'aucun cas d'ouverture ne se vérifie;
Considérant que les parties comparaissent et concluent par conseils, il y a lieu de statuer contradictoirement à leur égard;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant qu'il est constant que la seule loi applicable quant au recours contre la sentence arbitrale est le Traité OHADA relatif à l'arbitrage, qui en détermine le cadre général;
Que l'article 25 dudit traité, s'il exclut l'opposition, l'appel et le pourvoi, prévoit néanmoins le recours en annulation;
Qu'en outre, la renonciation à l'exercice de toute voie de recours, étant une simple obligation de faire mise à la charge de chaque partie, son non respect n'affecte en rien la recevabilité du recours en annulation mis en oeuvre par VUARCHEX, mais ouvre droit à dommages-intérêts;
Qu'il s'ensuit que le présent recours en annulation est recevable;
AU FOND
Considérant que pour conclure à l'annulation de la sentence arbitrale contestée, VUARCHEX invoque d'une part la nullité de la convention d'arbitrage en raison de son expiration, d'autre part le non respect de sa mission par arbitre et enfin l'absence de motivation de la sentence arbitrale;
Qu'il convient d'examiner chacun de ces moyens;
Sur le moyen tiré de l’expiration de la convention d’arbitrage
Considérant qu'il est constant comme résultant des productions, que la sentence arbitrale a été rendue par la CACI suivant le règlement d'arbitrage ainsi qu'il résulte du procès-verbal de la réunion du 24/10/2002 du Tribunal Arbitral avec les parties;
Que dès lors c'est au regard de ce règlement que doit être appréciée la validité de la convention d'arbitrage acceptée et signée par les parties; Or nul part dans ce règlement, l'expiration du délai d'arbitrage n'est sanctionnée par la nullité de la convention d'arbitrage;
Qu'en outre l'article 29 du règlement de la CACI relatif au délai dans lequel la sentence est rendue, prévoit la possibilité de prolonger ce délai, ce qui donc exclut toute nullité comme l'invoque le demandeur en annulation;
Que par ailleurs la lecture simple de la sentence attaquée révèle le respect scrupuleux des dispositions combinées des articles 24 et 16 du règlement de la CACI;
Considérant que le moyen de nullité tiré de l'expiration des délais n'est pas justifié de sorte qu'il convient de le rejeter;
Sur le moyen tiré du non respect par l’arbitre de sa mission
Considérant que par ce moyen, le demandeur en annulation reproche au juge l'arbitral d'avoir retenu sa compétence pour procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée par la juridiction des référés du Tribunal d'Abidjan;
Considérant qu'il convient de faire observer qu'aux termes de l'article 14 du traité OHADA relatif à l’arbitrage, si une partie introduit un recours en annulation fondé sur une irrégularité de la procédure, alors qu'elle n'a pas invoqué ladite irrégularité au cours de la procédure arbitrale, elle est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir;
Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que c'est le demandeur en annulation, lui-même qui a sollicité de l'arbitre la liquidation de l'astreinte;
Qu'il est également constant qu'en réplique à cette demande, la société SNG a apposé l'incompétence de 1'arbitre;
Que la compétence de l'arbitre a été affirmée et soutenue par le demandeur en annulation, de sorte qu'à présent, il n'est pas fondé à s'en prévaloir;
Considérant qu'en tout état de cause, il ne peut être reproché à l'arbitre de ne pas avoir respecté sa mission, car la mission de l'arbitre résulte des demandes formulées par les parties dans leurs mémoires;
Que les productions établissent suffisamment que c'est à la demande de M.VUARCHEX que l'astreinte a été liquidée par l'arbitre aux fins de compensation avec les loyers réclamés par la SNG de sorte qu'en le faisant, l'arbitre n'a nullement excédé sa mission mais a agi dans le strict respect de celle-ci;
Qu'il s'ensuit que ce second moyen n'est pas fondé et doit être rejeté comme tel;
Sur le moyen tiré de l’absence de motivation
Considérant qu'aux termes de ce moyen, le demandeur en annulation soutient que la sentence arbitrale contestée ne serait pas motivée sur de nombreux points;
Que cependant, à l'analyse ce moyen apparaît spécieux et manque totalement de fondement dans la mesure où la lecture de la sentence en cause révèle que celle-ci est amplement motivée sur tous les points soumis à l'appréciation de l'arbitre;
Que ce troisième moyen non fondé doit être également rejeté;
Considérant qu'au total, le recours en annulation ne repose sur aucun moyen sérieux susceptible de remettre en cause la régularité et le bien fondé de la sentence attaquée, de sorte qu'il convient de rejeter le recours comme mal fondé et par suite de déclarer la sentence arbitrale valide et exécutoire conformément aux dispositions de l'article 33 du traité OHADA relatif à l'arbitrage;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort;
Déclare VUARCHEX Jacques Pascal recevable mais mal fondé en son recours en annulation formé contre la sentence arbitrale de la CACI;
L'en déboute;
Vu les dispositions relatif à l'arbitrage de l'article 33 du traité OHADA relatif à l’arbitrage;
Déclare ladite sentence valide et exécutoire;
Condamne VUARCHEX Jacques Pascal aux dépens;