J-03-293
RECOUVREMENT SIMPLIFIE DES CREANCES – DEFAUT D’INDICATION DES INTERETS DE LA CREANCE ET DES FRAIS DE GREFFE – FRAIS NON EXPOSES – INTERETS NON ENCORE FIXES – NULLITE DE L’EXPLOIT DE SIGNIFICATION (NON).
Ne peut être annulé, l’exploit de signification d’une ordonnance d’injonction de payer pour défaut d’indication des intérêts de la créance et des frais de greffe dès lors que le créancier ne peut justifier de frais exposés au greffe et que les intérêts de la créance réclamée n’étaient pas encore fixés.
Article 8 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°772 du 13 juin 2003, M. AMAN AYAYE Jean Baptiste C/ M. ASSY OSSEY Cyriaque).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que par exploit du 25 AOUT 2002, AMAN AYAYE JEAN-BAPTISTE a relevé appel du jugement N°150 rendu le 25 Juillet 2002 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui a déclaré non avenue l’ordonnance d'injonction de payer N°1714 par laquelle il a obtenu la condamnation de ASSY OSSEY Cyriaque au paiement de sa créance de l96.000.000 francs;
Considérant que AMAN AYAYE Jean-Baptiste a consenti divers prêts d'un montant total de 196.000.000 F à ASSI OSSEY Cyriaque pour les besoins de ses activités d’entrepreneur en travaux publics; que les engagements de remboursement pris par celui-ci n'ont pas été honorés;
Que pour avoir paiement de sa créance, AMAN AYAYE Jean Baptiste a sollicité et obtenu du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, l'ordonnance d'injonction de payer N°1714 rendue le 26 Février 2002;
Considérant que ASSI OSSEY Cyriaque a formé opposition pour voir rétracter cette ordonnance;
Considérant que le Tribunal de Première Instance d'Abidjan a fait droit à sa demande en relevant que l'exploit de signifi­cation de cette ordonnance est nul de sorte que l'ordonnance elle-même est non avenue en application de l'article 7 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Considérant qu’en cause d'appel, AMAN AYAYE Jean Baptiste fait grief au premier juge d'avoir ainsi statué alors que ASSY OSSEY Cyriaque qui n'avait pas signifié son recours du 26 Mars 2002 au Greffe du Tribunal était lui-même déchu de son opposition conformément aux prescriptions de l'article 11 de l'Acte Uniforme précité; que pour contourner cette irrégularité, il a formé une seconde opposition par exploit du 12 Avril 2002;
Que cette opposition intervenue plus d'un mois après la signification de l'ordonnance contestée était irrecevable pour forclusion par application de l'article 10 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; que tout au moins cette seconde opposition aurait dû être déclarée sans objet à défaut de radiation de la première procédure; qu'au regard de ces différents moyens, il sollicite l'infirmation du jugement attaqué;
Considérant qu'en réplique, ASSI OSSEY Cyriaque relève que son opposition du 26 Mars 2002 a été régularisée par celle du 12 Avril 2002;
Que les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction conformément à l'article 117 du code de procédure civile; qu'aucune cause de déchéance ne pouvant être invoquée, à l'égard de l'acte d'opposition du 12 Avril 2002, AMAN AYAYE Jean Baptiste, ne peut être suivi en son moyen tiré de la déchéance;
Que de même, l'irrecevabilité invoquée concernant l'opposition formée le 12 Avril 2002 ne peut prospérer puisque la signification de l'ordonnance d'injonction de payer N°17l4 du 26 Février 2002 n'a pas été faite à personne et AMAN AYAYE ne rapporte pas non plus la preuve d'une mesure d'exécution ayant déclenché le délai de recours;
Considérant que sur le fond de la procédure, ASSY OSSEY Cyriaque a allégué qu'il n'a jamais contracté de dette à l'égard de AMAN AYAYE Jean-Baptiste;
Que le courrier du 10 Avril 2001 sur lequel il s'appuie, n'est qu'un document simulé pour permettre à AMAN AYAYE Jean-Baptiste de justifier des garanties de remboursement et obtenir un prêt auprès de son banquier; qu'une action en nullité est introduite contre ledit courrier depuis le 07 Janvier 2003; que eu égard à cette action, il sollicite le sursis à statuer si la cour passait outre les arguments de forme sus-évoqués;
Considérant que AMAN AYAYE Jean Baptiste réplique en faisant remarquer que la jonction de procédure n'est requise pour connexité qu'à la condition que les actions soient recevables;
Qu'il n’est pas ainsi dans le cas d'espèce où l'opposition formée le 12 Avril 2002 était irrecevable pour être intervenue hors délai;
Qu’en effet, ASSI OSSEY Cyriaque qui a formé une première opposition le 26 mars 2002 rapporte la preuve qu’il a reçu copie de l’acte de signification qui lui a été délaissée; que la logique du législateur étant l’information du débiteur, il s’ensuit que le délai de recours a commencé à courir; que l’opposition du 12 Avril 2002 est donc irrecevable et ne pouvait régulariser celle formée le 26 mars 2002;
Que s’agissant de la nullité de l’exploit de signification du 12 mars 2002, la sanction infligée par le premier juge est injustifiée, puisque la loi ne précise pas que les intérêts de droit doivent être indiqués en leur montant;
Qu’en tout état de cause, cette obligation ne doit être respectée que pour autant que les intérêts sont dus; qu’il n’en est pas ainsi dans le cas d’espèce où lesdits intérêts n’étaient pas dus à la signification de l’ordonnance puisque conformément à l’article 1153 du code civil, les intérêts légaux ne courent qu’à compter de la mise en demeure;
Qu'en outre, aucun frais de greffe n'est mentionné sur l'exploit de signification en cause parce qu'il n'y a pas eu de frais exposé;
EN LA FORME
Considérant que le jugement attaqué a été rendu le 25 Juillet 2002;
Que l’appel interjeté le 25 Août 2002 soit dans les 30 jours de cette décision, est recevable pour être conforme aux prescriptions de l'article 15, de l'Acte Uniforme de l'OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
AU FOND
Sur le sursis à statuer tiré de l’action en nullité intentée contre la lettre du 10 avril 2001
Considérant que ASSI OSSEY Cyriaque plaide le sursis à statuer au motif qu'il a intenté une action en justice visant à l'annulation de la lettre du 10 avril 2001 qui fonde la créance de AMAN AYAYE Jean Baptiste;
Mais considérant que ASSI OSSEY Cyriaque reconnaît qu'il est l'auteur de ladite lettre; qu'il n'est donc pas opportun de surseoir à statuer et d'attendre l'issue de la procédure en annulation relative à un acte privé unilatéral;
Sur la déchéance et l'irrecevabilité de l'opposition de ASSY OSSEY Cyriaque
Considérant que l'article 11 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution dispose que l'opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même acte que celui de l’opposition, de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la Juridiction ayant rendu la décision d'injonction de payer;
Considérant qu'en l'espèce, l'acte d'opposition du 26 Mars 2002, n’a pas été signifié au greffe du Tribunal de Première Instance d’Abidjan; qu’il s’ensuit que ASSY OSSEY Cyriaque était déchu de son opposition;
Mais considérant que par acte d'huissier du 12 Avril 2002, ASSY OSSEY Cyriaque a introduit une seconde opposition; que cette opposition intervenue à la suite d'une signification à domicile et en l'absence de toute mesure d'exécution est recevable pour être conforme aux prescriptions de l'article 10 alinéa 2 de l'Acte Uniforme susvisé; que c'est donc à tort que AMAN AYAYE Jean Baptiste fait grief au premier juge d'avoir statué ainsi;
Qu'il y a donc lieu de rejeter les moyens tirés tant de la déchéance que de l'irrecevabilité de l'opposition formée par ASSY OSSEY Cyriaque;
Sur l'argument tire du défaut d'objet de l'opposition du 12 avril 2002;
Considérant que ASSY OSSEY Cyriaque avait connaissance du caractère irrégulier de son acte d'opposition du 26 Mars 2002; que pour éviter de s'exposer à une déchéance certaine de son opposition, il a anticipé en formant une seconde opposition par acte d'huissier du 12 Avril 2002;
Que dans ces conditions, c'est à tort que AMAN AYAYE Jean Baptiste plaide le défaut d'objet relativement à cette dernière opposition;
Sur la nullité de l'exploit de signification pour défaut d'indication des intérêts de la créance et des frais de greffe
Considérant que l'article 8 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution dispose qu’à peine de nullité la signification de la décision portant injonction de payer contient … le montant de la somme fixée par la décision ainsi que les intérêts et les frais de greffe dont le montant est fixé;
Mais considérant qu'en 1'espèce, le créancier ne peut justifier de frais exposé au greffe; que de même, les intérêts de la créance réclamée n'étaient pas encore fixés; que dans ces conditions, la nullité prescrite par le texte susvisé ne saurait jouer;
Que c'est à tort que le premier juge en a décidé autrement;
Qu'il y a lieu d'infirmer le jugement attaqué;
Sur la créance réclamée par AMAN AYAYE Jean Baptiste
Considérant que la créance de 196.000.000 F réclamée par AMAN AYAYE Jean Baptiste est justifiée par la lettre du 10 Avril 2001 à travers laquelle ASSY OSSEY Cyriaque le débiteur reconnaît devoir pareille somme;
Considérant que pour contester ses engagements, ASSY OSSEY Cyriaque prétend que ladite lettre n'a été écrite que pour permettre à AMAN AYAYE Jean Baptiste de justifier de sa solvabilité et d'obtenir un prêt auprès de sa banque;
Mais considérant que cette allégation dénuée de perti­nence ne peut être suivie; qu'en effet, aucune banque ne mesure la solvabilité de son client sur la base d'un simple courrier écrit par un tiers;
Que les seules garanties prises en considération par la banque sont les sûretés réelles et personnelles définies par l'Acte Uniforme portant organisation des sûretés;
Qu'il en découle que ASSY OSSEY Cyriaque ne rapporte pas la preuve que le courrier du 10 Avril 2001 qui sert de fondement à la créance de AMAN AYAYE Jean Baptiste est une simulation ne reflétant aucune réalité; qu'il y a lieu d'en juger ainsi et de condamner ASSY OSSEY Cyriaque au paiement de sa dette de 196.000.000 F;
Des dépens
Considérant que ASSY OSSEY Cyriaque succombe; Qu'il y a lieu de le condamner aux dépens de l'instance;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit AMAN AYAYE Jean Baptiste en son appel relevé du jugement N° 150 rendu le 25 Juillet 2002 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer;
Infirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau
Rejette les exceptions soulevées par les parties;
Condamne ASSY OSSEY Cyriaque à payer la somme de 196.000.000 FCFA à AMAN AYAYE Jean Baptiste;
Le condamne également aux dépens;