J-03-296
VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE PRATIQUEE SUR LES BIENS D’UNE PERSONNE NON DEBITRICE DU CREANCIER – MAINLEVEE (OUI).
DROTI COMMERCIAL GENERAL – FONDS DE COMMERCE – CESSION DU FONDS DE COMMERCE – FORME DE LA CESSION.
La saisie conservatoire pratiquée sur les biens d’une personne qui n’est pas débitrice du créancier est nulle et mainlevée doit en être donnée.
La cession d’un fonds de commerce doit être prouvée par un acte sous-seing privé ou par un acte authentique. Elle ne saurait résulter d’une sommation interpellative.
Article 54 AUPSRVE ET SUIVANTS
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°206 du 25 février 2003, M. Jean QUIRIE C/ LE MONTPARNASSE).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé, en dernier ressort sur l'appel relevé le 24 Décembre 2002 avec ajournement au 07 Janvier 2003 par Jean QUIRIE ayant pour conseil Maître Agnès OUANGUI de 1'ordonnance de référé N°5600 rendue le 10 Décembre 2002 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, non encore signifiée, dont le dispositif est libellé comme suit :
" Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé d'heure à heure et en premier ressort;
– Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence et par provision;
– Recevons la Société MONTPARNASSE en son action;
– L 'y disons bien fondée;
– Déclarons nulle la saisie conservatoire pratiquée le 22 Novembre 2002 sur ses biens meubles;
– En ordonnons conséquemment la mainlevée;
– Mettons les dépens à la charge du défendeur ";
Considérant qu'aux termes de son appel Jean QUIRIE expose que par acte notarié daté du 18 Avril 1995 dressé par Maître CHEICKNA Sylla, il a consenti un prêt de 20.000.000 F/CF à Dame MAY NACCACHE;
Que n'étant nullement concerné par cette décision de justice, le gérant de la société Le MONTPARNASSE à qui cet acte de signification était délivré précisait à l'huissier instrumentaire qu'il n’était pas concerné par le litige;
Que contre toute attente, près d'un an plus tard, par exploit du 22 Novembre 2002, Jean QUIRIE pratiquait une saisie conservatoire, sur les biens garnissant le restaurant le "MONTPARNASSE";
Que c'est ainsi que le Juge des référés saisi a rendu la décision querellée;
Considérant que la Société intimée soutient que c'est à juste titre que le juge des référés s'est fondé sur le fait que la Société le "MONTPARNASSE" qui exploite le fonds de commerce le restaurant le " MONTPARNASSE" n'est pas la débitrice du sieur Jean QUIRIE et de ce fait ses biens ne peuvent faire l'objet d'une saisie pour couvrir le montant d'une créance pour laquelle elle n'est nullement concernée;
Qu'elle fait valoir que le fonds de commerce le restaurant le " MONTPARNASSE" est une création nouvelle et est distinct totalement du fonds du sieur Méral à savoir le " SAXO" qui a cessé toute activité en Décembre 1996 alors que le "MONTPARNASSE" a été créé en Août 2002;
Qu'elle affirme que cela est d'autant plus vrai qu'il n'y a eu aucun acte de cession de fonds de commerce conformément à l'article 120 de l’Acte Uniforme sur les sûretés ;
Qu'enfin, elle indique qu'il ressort d'un procès-verbal de constat en date du 8 Décembre 1996 conforté par une attestation du greffe du Tribunal d'Abidjan que le fonds de commerce le ".SAXO" du sieur Méral n'est pas nanti vu que la sûreté ne figure pas dans le registre de nantissement détenu par ledit greffe;
Qu'elle estime que la formalité de l'enregistrement faisant défaut, le nantissement dont se prévaut Jean QUIRIE est nul et de nul effet si bien que le prétendu droit de suite ne peut s'exercer;
Qu'elle demande donc la confirmation de 1'ordonnance entreprise;
Considérant que par des répliques en date du 10 Janvier 2003, Jean QUIRIE soutient que contrairement aux affirmations de la Société MONTPARNASSE, 1'existence du fonds de commerce le "SAXO" n'a pas pris fin juridiquement par la cessation de ses activités;
Qu'en effet fait-il préciser que le sieur Georges Mouzarkel Méral en sa qualité de propriétaire du fonds de commerce le "SAXO", 1'a cédé au sieur Léonotou Patrick qui l'a rebaptisé "L'ELYSEE ";
Que ce dernier a été cédé au sieur GUY PASSERINI, actuel propriétaire du fonds de commerce le "MONTRPARNASSE";
Qu'aux termes du même acte et pour garantir le remboursement de cette dette, le sieur Alexandre Georges MOUZARKEL Méral agissant en sa qualité de caution solidaire, affecté à titre de nantissement de premier rang et sans concurrence un fonds de commerce du Bar Restaurant dénommé le "SAXO" à son profit;
Que par cet acte notarié, une promesse de vente du fonds de commerce et un droit au bail lui ont été consentis;
Que pour protéger ses intérêts, il a sollicité et obtenu du "Greffe du Tribunal, un certificat de nantissement N°752 du 04 Mai 1998;
Que suite au non paiement de l'intégralité de la créance due par dame MAY NACCACHE, le Tribunal, a, par jugement N°198/CIV/7/A du 28 MARS 2001 ordonné la réalisation du nantissement du fonds de commerce qui avait été constitué en garantie au paiement de ladite créance;
Que sur la base de cette décision devenue définitive par l'obtention d'un certificat de non appel N°997/02 du 26 Avril 2002,il a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les "biens constituant le fonds de commerce, objet du nantissement constitué à son profit;
Qu'à sa grande surprise, la Société MOHTPARNASSE se disant propriétaire du fonds de commerce querellé, a sollicité et obtenu du juge des référés, la mainlevée de la saisie conservatoire du 22 Novembre 2002 par l'ordonnance de référé N°5600 du 10 Décembre 2002 au motif que la Société MONTPARNASSE n’était pas créancière de l’appelant, c'est à tort que celui-ci a pratiqué une saisie conservatoire sur ses biens meubles;
Considérant qu'après ce rappel, Jean QUIRIE estime que c'est à tort que le juge des référés a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles par lui pratiquée le 22 novembre 2002;
Qu'il soutient que par l'effet du nantissement, il a acquis un droit de suite sur le fonds de commerce du Bar Restaurant le "SAXO ";
Que ce droit de suite a pour conséquence de lui permettre d'exercer ses droits sur ledit fonds de commerce même si celui-ci fait postérieurement l'objet d'une aliénation;
Qu'il conclut en conséquence à l'infirmation de l'ordonnance attaquée;
Considérant que la Société le Montparnasse explique par ses conseils Maîtres KOUASSI-ALLAH et BOHOUSSOU que le 22 Octobre 2002, 1e sieur Jean QUIRIE lui a signifié un jugement civil N°198/CIV/7/A rendu le 28 Mars 2001 par le Tribunal de première Instance d'Abidjan dans la cause qui l'oppose à ses débiteurs, dame MAY NACCACHE épouse Méral et le sieur Alexandre Georges Mourzarkel Méral, précédemment détenteur du fonds de commerce le restaurant "SAXO" donné en nantissement à l'appelant;
Qu'il estime que c'est le fonds de commerce initial le "SAXO" qui a été rebaptisé, le "MONTPARNASSE" ce, à la suite d'un changement de propriétaire;
Qu'il ajoute que le fonds de commerce le MONTPARNASSE a le même emplacement que celui du "SAXO" et mène des activités identiques;
Qu'il s'agit donc du même fonds de commerce;
Que par ailleurs, Jean QUIRIE fait valoir que le certificat de non-nantissement produit ultérieurement par le greffier en Chef du Tribunal pour affirmer que le "SAXO" n'est pas nanti, contient de nombreuses irrégularités;
Que notamment, le certificat litigieux ne possède aucun numéro et il n'a pas été établi sur papier entête du Greffe comme c'est le cas généralement pour les divers actes délivrés par ce service;
Qu'un tel acte est nul;
Qu'en tout état de cause estime Jean QUIRIE le certificat de nantissement N°752 du 04 Mai 1998 produit en original et l'acte d'inscription du privilège de nantissement enregistré au greffe le 17 Mai 1995 établissement clairement que le fonds de commerce le "SAXO" a été bel et bien nanti à son profit;
Que le changement de propriétaire ne saurait porter atteinte à son droit de suite sur ledit fonds de commerce;
Qu'il conclut que c'est à juste titre qu'il a fait pratiquer une saisie conservatoire des biens meubles de la Société "MONTPARNASSE" second acheteur du fonds de commerce qui a fait l'objet d'un nantissement à son profit;
Considérant que la société le MONTPARNASSE répond que le sieur GUY PASSERINI n'est pas le propriétaire du restaurant le "MONTPARNASSE" mais il est plutôt le gérant de la Société le "MONTPARNASSE" propriétaire dudit fonds;
Qu'elle répète que le fonds de commerce le "SAXO" n'a pas été cédé mais a plutôt cessé ses activités;
Qu'elle précise que s'il est vrai que le restaurant le "MONTPARNASSE" et le restaurant le "SAXO" ont la même activité et ont été implantés dans le même local, cela ne signifie pas qu'il s'agit d'une cession, surtout qu'il s’est écoulé plusieurs années entre la fin du premier et la création du second;
Qu'elle réaffirme, qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier que le numéro 39 n'existe pas non plus "bien dans le registre du nantissement de fonds de commerce de l’année 1995 vu que les deux registres pour cette année se terminent par les numéros 35 et 36 pour le premier et le second ";
Que c'est à la suite de ce constat d'huissier que certificat de non nantissement a été établi par le Greffe du Tribunal;
Que cette irrégularité a pour effet de rendre immédiatement exigible la dette, le créancier perdant le bénéfice de la garantie, selon le traité OHADA;
Que la perte de la garantie qu'est le nantissement a pour effet de rendre impossible l'exercice du droit de suite attaché à ladite garantie;
Considérant que par d'autres répliques, Jean QUIRIE fait valoir que ses affirmations relatives à la cession du fonds de commerce initial le "SAXO" sont confirmées par une sommation interpellative faite par exploit du 17 Janvier 2003, versé aux débats;
Considérant que la. Société le "MONTTPAPRNASSE" répète que Jean QUIRIE ne produit pas à l'appui de ses prétentions un acte de cession mais plutôt une sommation interpellative qui fait ressortir que dans le même espace locatif plusieurs fonds de commerce s'y sont installés;
Considérant que l'intimée a conclu, il convient de statuer contradictoirement;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que 1'appel intervenu dans les formes légales avant la signification de l'ordonnance de référé querellée est recevable;
AU FOND
Considérant que par un acte de nantissement du 16 Avril 1995, Jean QUIRIE a acquis un droit de suite sur le fonds de commerce le "SAXO";
Qu'en vertu de ce droit de suIte, il peut exercer ses droits de créancier sur ce fonds de commerce entre quelques mains où il se trouve;
Que cependant, il ne fait pas la preuve que le fonds de commerce le "MONPARNASSE", propriété de la Société le "MONTPASSE" constituée le 09 AOUT 2001, était initialement le fonds de commerce le "SAXO";
Qu'en effet, il ne produit aucun acte de cession conforme à l'article 117 de l'Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général; la sommation interpellative du 17 Janvier 2003, n'étant aucune forme de cession;
Que dès lors c'est à juste titre que le premier juge a déclaré nulle la saisie pratiquée sur les biens de la Société "MONPTARNASSE";
Que cette décision à tort querellée mérite d'être confirmée;
Des dépens
Considérant que l'appelant succombe, il doit supporter les dépens;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Déclare Jean QUIRIE recevable en son appel, relevé de l'ordonnance de référé N°5600 rendue le 10 Décembre 2002 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
L'y dit mal fondé;
L'en déboute;
Confirme ladite ordonnance;
Le condamne aux dépens distraits au profit de Maîtres KOUASSI ALLAH et BOHOUSSOU, Avocats, aux offres de droit