J-03-298
VOIE D’EXECUTION – SAISIE-ATTRIBUTION – EFFETS DE LA SAISIE – CANTONNEMENT DE LA SOMME SAISIE.
La saisie attribution a pour effet d’entraîner le cantonnement immédiat des sommes saisies arrêtées dans l’attente des formalités de présentation dans le délai d’un mois après la dénonciation de l’attestation de non contestation.
Article 154 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°464 du 18 Avril 2003, Mme KHOURI Marie C/ Société INDUSCHIMIE et un autre).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Oui les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Suivant exploit en date du 26 Février 2003, Dame KHOURI Marie ayant pour conseil Me Agnès OUANGUI, Avocat à la cour, a interjeté appel de l'ordonnance de référé N°745 du 20 Février 2003 rendue par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui a :
– Déclaré la Société INDUSCHIMIE recevable et bien fondée en son action;
– Dit que INDUSCHIMIE devra payer la somme de 1.500.000 F par mois à compter du jour du prononcé de la présente décision et ce, jusqu'à extinction de la dette;
– Ordonné en conséquence la main-levée de la saisie-attribution du 8 Octobre 2002;
– Mis les dépens à la charge des parties pour moitié;
Au soutien de son action à travers l'acte d'appel, Dame KHOURI Marie, relève que suite à une procédure de contestation de saisie initiée par la Société INDUSCHIMIE, la Cour d'Appel a par arrêt N°148 du 29 Janvier 2002 ordonné le maintien de la saisie -attribution de créance du 8 Octobre 2002;
qu'ainsi, en décidant de la mainlevée de cette saisie par la présente décision, le Juge des référés du Tribunal a violé l'article 222 alinéa 2 et 3 du code de procédure civile;
De même, poursuit-elle, en application des articles 154 et 164 de l'acte uniforme dès l'arrêt de la Cour d'Appel du 29 Janvier 2002, le montant des sommes saisies arrêtées soit 28.910.515 F, sont devenues la propriété de la concluante et de ce fait, le Juge des référés ne peut en ordonner la mainlevée et y appliquer une mesure de grâce, la somme étant désormais sortie du patrimoine de INDUSCHIMIE;
Elle conclut par conséquent à l'infirmation de cette décision;
Pour sa part, la SGBCI, par écriture en date du 6 Mars 2003 de ses conseils de la SCPA DOGUE et ABBE YAO, fait valoir que le délai de grâce accordé n'est pas en contradiction avec l'arrêt du 29-1-2002, mais intervient pour organiser le calendrier de paiement de la créance et dès lors, le maintien de la mesure de saisie attribution ne s'impose plus de même, poursuit la SGBCI, il est inadmissible d'interdire au Juge des référés d'accorder un délai de grâce dès qu'une saisie attribution de créance est pratiquée, car justement, c'est lorsque sur le fond le débiteur a épuisé les recours et qu'il est confronté à des mesures d'exécution qu'il use du délai de grâce;
qu'il n'y a donc pas eu violation des articles 154 et l64 de l'acte uniforme;
Par ailleurs dit-elle, 1'arrêt du 29-1-2002 ne met à sa charge aucune obligation à payer une quelconque somme d'argent, ni personnellement, ni pour le compte de INDUSCHIMIE;
Et que l'appelante ne peut donc alléguer que la SGBCI, tierce saisie dévient personnellement débitrice des sommes saisies - arrêtées;
Elle conclut donc à sa mise hors de cause.
Relevant appel incident par voie de conclusion de son conseil Me N'GUETTA Gérard en date du 14-5-2003, la Société INDUSCHIMIE rejette les moyens de Dame KHOURI relativement à la violation de l'article 222 du code de procédure civile et articule à ce propos que le paiement d'une dette à terme ne peut se concilier avec une saisie attribution de créance dont l'essence est d'obtenir un paiement immédiat et que la mesure de mainlevée de la saisie apparaît comme indispensable à l'exécution de l'ordonnance de délai de grâce; et qu'en réalité, il n'y a aucune contrariété des décisions;
Elle souligne qu'au moment de la prise de cette décision aucun paiement n'avait eu lieu et que le Juge des référés pouvait ordonner une libération par tempérament;
Le transfert juridique des sommes dans le patrimoine du créancier saisissant n'intervenant qu'en cas de paiement effectif et qu'il est erroné d'évoquer la violation de l'article 154 OHADA;
INDUSCHIMIE réitère par ailleurs que du fait de la guerre elle ne peut ni emporter ni écouler sur place sa production au point que sa trésorerie actuelle ne peut supporter qu'un million de francs par mois jusqu'à l'extinction de la dette;
Elle demande donc à la Cour de réformer l'ordonnance dans ce sens;
DES MOTIFS
De la violation des articles 224 et 222 du code de procédure civile
L'article 39 du traité OHADA sur le recouvrement, applicable au délai de grâce, ne fait aucune référence aux lois précitées, lesquelles ne peuvent donc être l'objet de violation
II échet donc de rejeter ce moyen
Sur la violation de l'article 154 OHADA
Ce texte dispose que l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains, du tiers;
Ces sommes saisies sont rendues indisponibles par l'acte de saisie; Cet acte rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation;
En d'autres termes, cette loi prescrit le cantonnement immédiat des sommes saisies arrêtés dans l'attente des formalités de l'article 164, c'est à dire la présentation dans le délai d'un mois après la dénonciation de l'attestation de non-contestation;
De ce qui précède, c'est sans fondement que Dame KHOURI Marie veut contraindre la SGBCI en paiement, alors que cette dernière n’a commis aucune faute dans le déroulement de la procédure de saisie;
De la violation de l'article 164 OHADA
L'appelante ne justifie pas clairement la violation qui serait faite à cette loi par la SGBCI;
II échet également de rejeter cet autre moyen;
Sur le bien fondé de l'appel incident
La Société INDUSCHIMIE est disposée à faire face à sa dette mais eu égard aux difficultés de trésorerie liées à la guerre dans le pays qui entrave 1'écoulement de sa production et dans le souci de permettre à Dame KHOURI de percevoir de manière régulière sa créance, la Cour ramène à 1.000.000 F, la somme que INDUSCHIMIE doit lui verser chaque mois jusqu'à épuisement du montant total de la condamnation, et ce, par réformation de cette disposition de l'ordonnance attaquée;
– L'appelante principale succombe en la cause;
– convient de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière, en matière civile et en dernier ressort;
– Reçoit tant Dame KHOURI Marie que la société INDUSCHIMIE en leurs appels principal et incident relevés de l'ordonnance de référé N° 745 du 20 Février 2003 rendue par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan - Plateau;
AU FOND
– Déboute Dame KHOURI Marie de son appel principal mal fondé;
– Déclare bien fondé l'appel incident de la Société INDUSCHIMIE;
– Réformant l'ordonnance entreprise;
– Ramène à 1.000.000 F (un million) la somme à verser mensuellement à Dame KHOURI Marie par INDUSCHIMIE, jusqu'à extinction de la dette;
– Confirme l'ordonnance en ses autres dispositions;
– Condamne dame KHOUKI Marie aux dépens.