J-03-303
VOIES D’EXECUTION – SAISIE VENTE – ACTION EN DISTRACTION APRES LA VENTE DES BIENS SAISIS – IRREGULARITE (OUI).
L’action en distraction d’objets saisis initiée après la vente des objets est irrecevable. Seule reste ouverte l’action en revendication.
Article 142 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°1036 du 30 Juillet 2003, OUATTARA IDRISSA C/ Société COASTAL TRADING COMPAGNY dite CTC).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES
Par jugement N°76 du 10/10/2001 rendu par la Section de Tribunal de Bondoukou, Monsieur OUATTARA IDRISSA a obtenu la condamna­tion de Monsieur KOUTAGNI SAI Augustin en ces termes :
" Condamne KOUTAGNI SAI Augustin à payer la somme de 3.610.550 F à OUATTARA IDRISSA;
Dit que la saisie conservatoire ainsi pratiquée est valable;
Dit en conséquence que ladite saisie sera convertie en saisie - vente ;
Ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par l'arrêt N°385 rendu le 15 Mars 2002 par la Cour d'Appel d'Abidjan;
En exécution dudit arrêt, Monsieur OUATTARA IDRISSA a pratiqué saisie - vente le 16 Mai 2002 portant sur 285 sacs de noix de cajou faisant ensemble 25T 497;
Alléguant le caractère périssable des noix ainsi saisies, Monsieur OUATTARA IDRISSA a fait procéder à leur vente aux enchères le 25 Mai 2002 par le Ministère de Maître DAGO OUREGA Antoine Huissier de Justice à Bondoukou;
Mais, le 25 Mai 2002 Monsieur OUATTARA IDRISSA a reçu une assignation en distraction à la requête de la société COASTAL TRADING COMPAGNY dite CTC;
Statuant sur les mérites de cette action, le Juge des référés de la Section de Tribunal de Bondoukou a fait droit à la demande en distraction selon ordonnance N°5 du 07/06/2002 dont le dispositif est le suivant :.
"Déclare recevable l'action de la Société COASTAL TRADING COMPANY;
La dit bien fondée;
Juge qu'elle est propriétaire des noix de cajou saisies;
En conséquence, en ordonne la distraction;
Vu l'extrême urgence ordonne l'exécution sur minute et avant enregistrement;
Condamne OUATTARA IDRISSA aux dépens;
Par acte d'Huissier du 17 Juin 2002 Monsieur OUATTARA IDRISSA a relevé appel de ladite ordonnance;
Au soutien de son recours, il plaide in limine litis l'irrecevabilité de l'action de la Société COASTAL TRADING COMPANY; à cet effet, il déroule trois arguments;
D'une part, il invoque la nullité de l'exploit d'assignation pour défaut de mention de la profession du représentant légal de la société COASTAL TRADING COMPANY en faisant valoir que les dispositions de l'article 246 du code de procédure civile sont d'ordre public et que la Cour Suprême, par arrêt N°117 du 12 Mai 1993 a consacré cette position;
D'autre part, il soulève l'exception de communica­tion de pièces en expliquant que les documents sur lesquels était fondée la propriété des biens alléguée par la société COASTAL TRADING COMPANY ne lui ont pas été remis malgré sa demande; il précise d'ailleurs que sur ce point l'ordonnance attaquée a fait une impasse totale;
Enfin, Monsieur OUATTARA IDRISSA a relevé également, que par application de l'article 1142 alinéa 1 de l'acte uniforme portant voies d'exécution, l'action en distraction cesse d'être recevable après la vente des biens saisis;
II indique qu'en l'espèce, la vente est intervenue le 23 mai 2002 comme le confirme le procès-verbal de vente aux enchères alors que l'action en distraction date du 28 mai 2002; II en déduit que l'action de la société COASTAL TRADING COMPANY aurait dû être déclarée irrecevable;
Subsidiairement au fond, Monsieur OUATTARA IDRISSA fait remarquer que pour juger comme il l'a fait, le Premier Juge a tenu seulement compte des ordres de virement et chèques produits aux débats mais non communiqués alors qu'en réalité lesdites pièces ne peuvent valablement fonder la qualité de propriétaire de la COASTAL TRANDING COMPANY;
En cela, il explique que la Société COASTAL TRADING COMPANY n'est pas un acheteur agréé alors que Monsieur KOUTAGNI SAI l'est et est titulaire de l'agrément N°47;
II en déduit que la société COASTAL TRADING COMPANY dite CTC n'est pas propriétaire des noix de cajou saisies et qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance attaquée;.
En réplique, la Société COASTAL TRADING COMPANY fait remarquer relativement à l'exception de nullité de l'exploit d'assignation tiré de la violation de l'article 246 du code de procédure civile que la jurisprudence sur ce point a évolué et que par arrêt N°586 du 03 Février 2002, la Cour Suprême a consacré que la nullité encourue par un exploit d'Huissier violant les dispositions de l'article 246 du code de procédure civile est d'ordre relatif;
quant à l'exception de communication de pièces, la société CTC prétend que la preuve de toute demande se fait, non par la communication de pièces mais par la production de celles-ci devant le Juge pendant 1'audience;
Enfin, sur l'irrecevabilité de l'action en distraction, elle fait valoir sur le fondement de l'article 142 alinéa 2 de l’acte uniforme relatif aux voies d'exécution que Monsieur OUATTARA IDRISSA ne rapporte pas la preuve que le prix de la vente a été distribué à son profit;
Elle en déduit que l'ordonnance attaquée doit sortir son plein effet;
Subsidiairement au fond, la Société CTC soutient qu'elle s'est .régulièrement acquittée de ses impôts et droit de patente pour l'année 2002 et qu'à ce titre elle a la qualité d'acheteur de noix de cajou;
Toutefois, elle indique que pour les noix de cajou litigieux, elle a mandaté Monsieur KOUTAGNI SAI moyennant rémunération; elle en déduit que c'est à juste titre que le Premier Juge a fait droit à sa demande;
Enfin, la société CTC sollicite la somme de 2.500.000 F à titre de dommages-intérêts pour couvrir les frais exposés non pris en compte par les dépens;
Répliquant à son tour, Monsieur IDRISSA OUATTARA soutient que les prétentions de la Société CTC sont fantaisistes et qu'il y a lieu de lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Il résulte de l'analyse des pièces du dossier de la procédure que l'ordonnance N°05 du 07/06/2002 a été signifiée; dès lors, l'appel interjeté par Monsieur OUATTARA IDRISSA le 17 Juin 2002 puis ajourné au 25 Juin 2002 est recevable pour être conforme aux prescriptions de l'article 228 du code de procédure civile;
Au fond sur la demande principale
L'article 142 alinéa 1 de l'acte uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution dispose que; "l'action en distraction cesse d'être recevable après la vente des biens saisis; seule peut, alors être exercée l'action en revendication";
En l'espèce, la vente des noix de cajou saisies a été réalisée le 23 Mai 2002 comme l'atteste le procès-verbal de vente établi par Maître DAGO OUREGA Antoine, Huissier de Justice près la section de Tribunal de Bondoukou;
Or, il résulte de l'ordonnance contestée que l'action en distraction a été introduite par exploit d'Huissier du 25 Mai 2002, soit deux jours après la vente;
II s'ensuit qu'en application du texte susvisé, l'action en distraction de la Société COASTAL TRADING COMPANY dite CTC était irrecevable;
II y a lieu d'en juger ainsi et infirmer de ce chef l'ordonnance entreprise;
Sur la demande reconventionnelle en dommages - intérêts portant sur la somme de 2.500.000 f
Dans la présente affaire, la Cour statue en appel de référé et n'a pas plus de pouvoir que le Juge des référés; par conséquent, elle ne peut connaître d'une question de fond et spécialement de la demande en dommages-intérêts présentée par la société COASTAL TRADING COMPANY; il convient alors de se déclarer incompétent sur ce point;
Des dépens
La Société COASTAL TRADING COMPANY succombe, il y a lieu de la condamner aux dépens de l'instance;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare OUATTARA IDRISSA recevable en son appel relevé de l'ordonnance N°05 rendue le 05 Juin 2002 par le Juge des référés de la Section de Tribunal de Bondoukou;
AU FOND
– L'y dit bien fondé;
– Infirme l'ordonnance attaquée;
Statuant à nouveau;
– Déclare la Société COASTAL TRADING COMPANY irrecevable en son action en distraction;
– Se déclare incompétent pour le surplus;
– Condamne la Société COASTAL TRADING COMPANY aux dépens;