J-03-307
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – REFUS DE RENOUVELLEMENT – PAIEMENT D’UNE INDEMNITE D’EVICTION PAR LE BAILLEUR.
La notification d’un congé au locataire qui bénéficie d’un bail commercial équivaut à un refus du droit au renouvellement du bail acquis au locataire. Le bailleur est tenu, dans ces conditions, de lui payer une indemnité d’éviction.
Article 91 AUDCG
Article 94 AUDCG
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N° 1205 du 29/11/2002, KOUAME KRAH et cinq autres C/ TRAORE YACOUBA).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Oui les parties en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que suivant exploit en date du 16 Avril 2002, TRAORE YACOUBA et autres ayant pour conseil Maître YAO Emmanuel, Avocat à la cour, a relevé appel du jugement civil contradictoire N°304 rendu le 14 Mai 2001 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui les a déboutés de leur demande en paiement d'indemnité d'éviction;
Considérant qu'aux termes de leur acte d'appel valant premières conclusions, TRAORE YACOUBA et autres exposent que suivant contrat de bail du 22 Juillet 1998, la S.G.B.C.I. leur a donné en location, un terrain sur lequel ont été élevées des constructions servant de magasins de pièces détachées et de garages sur le titre foncier numéros 30661 et 30662 lot 2212 sis à Marcory; qu' i1s y ont exploité leurs garages automobiles et leurs ateliers de ferronnerie lorsque le 17 Juillet 1999, YEO TIEGBE qui prétend avoir acquis le terrain auprès de la SGBCI leur a adressé un congé; que c'est en l'état de faits qu'ils ont demandé qu'il leur soit allouée une indemnité d'éviction devant le Tribunal, lequel a rejeté leur réclamation aux motifs que le contrat de bail porte sur un terrain nu que par ailleurs les locataires n'avaient pas sollicité le renouvelle­ment de leur contrat de sorte qu'ils sont déchus de leur droit au renouvellement du bail;
Considérant qu'ils font grief au Premier Juge d'avoir ainsi statué et soutiennent que le bail les liant à la SGBCI depuis 1993 conclu pour une durée d'un (01) an était renouvelable par tacite reconduction; que l'article 91 de l'acte uniforme OHADA. portant droit commercial prévoit que le droit au renouvellement du bail est acquis au preneur après deux années d'occupation effective; qu’ en l'espèce, le délai d'un an étant venu à expiration en 1994, le contrat, a continué de courir devenant ainsi un bail à durée indéterminée, qu'ils en concluent que c'est à tort qu'ils ont été déclarés déchus de leur droit au renouvellement de leur contrat; qu'ils font observer par ailleurs que contrairement à l'opinion du Premier Juge, le bail porte sur un terrain bâti comprenant un logement de cinq studios servant de lieu de stockage de pièces détachées; qu'ils estiment que c'est à tort que le Tribunal a jugé qu'il s’agit en l'espèce de terrains nus donc exclus du champ d'application de l'article 69 de l'acte uniforme OHADA portant droit commercial; qu'ils sollicitent de ce fait, l'infirmation du jugement entrepris;
Considérant que YEO TIEGEE fait connaître qu'il est propriétaire d'un terrain nu formant le lot 2212 et faisant l'objet du titre foncier N°30661 et 30662 qu'il a acquis auprès de la SGBCI par contrat de vente du 25 Mai 1999; QUE TRAORE YACOUBA et autres exerçaient leur activité de garagistes sur ledit terrain qu'ils occupaient depuis le 27/7/1993 en vertu d'un bail à durée déterminée d'un an renouvelable;
que voulant reprendre son bien pour y construire un immeuble, il a servi un congé aux locataires le 17 Septembre 1999 que ceux-ci ont refusé de libérer les lieux et réclamé une indemnité d'éviction devant le Tribunal qui les a déboutés de leur demande;
Considérant que l'intimé estime que les dispositions de l'article 69 de l'acte uniforme portant droit commercial ne s'appliquent pas en l'espèce puisque l'immeuble litigieux est un terrain nu; que par ailleurs, l'indemnité d'éviction est due par le bailleur au cas où celui-ci s'oppose au droit au renouvellement du bail comme prévu par les articles 91 et 92 du même acte uniforme; or poursuit-il, les locataires n'ont formulé aucune demande de renouvellement de leur contrat dans les trois mois qui ont précédé le 22 Juillet 1999, date d'expiration du bail; qu'il en conclut que c'est à bon droit que le Premier Juge a déclaré les preneurs déchus de leur droit au renouvellement du bail;
Considérant que YEO TIEGBE prétend que le refus des locataires de quitter les lieux lui cause un préjudice puisqu'il n'a pu débuter les travaux de construction qu'il envisage de réaliser; que se portant ainsi appelant incident, il sollicite la somme de 5.000.000 en réparation dudit préjudice;
Considérant que les parties ont conclu; qu’il échet de statuer par décision contradictoire;
Considérant qu'il est constant comme résultant des pièces versées au dossier que l'immeuble litigieux est une parcelle de terrain bâti comprenant un logement de cinq (05) studios, à usage d'habitation comme l'atteste l'acte authentique de vente intervenu entre la SGBCI et YEO TIEGBE le nouveau propriétaire; que ledit immeuble a été occupé par TRAORE YACUUBA et autres suivant un contrat de bail à durée déterminée d'un an renouvelable par tacite reconduction à compter du 1er Juillet 1993, lequel contrat a vécu jusqu'en 1999 devenant ainsi un bail à durée indéterminée;
Considérant qu'en l'espèce le droit au renouvellement du contrat est acquis aux locataires lesquelles exploitaient l'immeuble litigieux sous la forme de garage automobile;
que la notification, d'un congé à ces derniers équivaut à un refus au renouvellement du bail concerné de la part du bailleur lequel est tenu au paiement d'une indemnité d'éviction que la Cour estime à la somme de 600.000 F et ce conformément aux dispositions des articles 91 et 94 de l'acte uniforme OHADA portant droit commercial général, que le Premier Juge qui a débouté les locataires de leur demande a ainsi fait une appréciation erronée des circonstances de la cause, de sorte que la décision entreprise encourt l'infirmation;
Considérant que le bailleur qui a pris l'initiative de rompre le contrat et qui s'est opposé au paiement de l'indemnité d'éviction à laquelle ont droit les preneurs ne saurait souffrir d'un quelconque préjudice de sorte que sa demande incidente en paiement de dommages-intérêts apparaît mal fondée; qu'il y a lieu de la rejeter;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Reçoit TRAORE YACOUBA et autres d'une part et les Ayants Droit de YEO TIEGBE d'autre part, en leurs appels principal et incident relevés du jugement N°304 du 14 Mai 2001 du Tribunal d'Abidjan;
– Déclare les Ayants-droit de YEO TIEGBE mal fondés en leur appel incident;
– Les en déboute;
– Déclare TRAORE YACOUBA et autres bien fondés en leur appel principal;
– Infirme le jugement entrepris;
– Statuant à nouveau,
– Dit TRAORE YACOUBA et autres bien fondés en leur demande
– Condamne les Ayants- droit de YAO TIEGBE à leur payer la somme de (600.000 F) six cent mille francs à titre d'indemnité
– Condamne les intimés aux dépens.