J-03-308
VOIES D’EXECUTION – SAISIE VENTE – COMMANDEMENT DELIVRE PAR L’ADMINISTRATION FISCALE – TITRE EXECUTOIRE (oui).
Le commandement décerné par l’Administration fiscale est un titre exécutoire. Il sert valablement de base à des voies d’exécution.
(Cour d’Appel D’Abidjan, Arrêt N° 1031 du 30 juillet 2002, Ministère de l’Economie et des Finances (Me Bonfin et associés) c/ Société el Nasr Export et Import (Me Agnès Ouagui).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Oui le Ministère Public;
Ensemble, l'exposé des faits, procédure, prétentions parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES
Par procès-verbal de saisie - vente du 31 Août 2000, le Ministère de l'Economie et des Finances, par le biais de Sa régie, la Direction Générale des Impôts a pratiqué une saisie - vente sur les biens meubles de la Société EL NASR IMPORT - EXPORT pour avoir paiement de la somme de 81.503.930 F intérêts compris représentant sa créance fiscale;
sur action en contestation de la société EL NASR, le Juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan a débouté celle-ci par ordonnance N° 4164 bis du 20 octobre 2000;
Alléguant la nullité de cette ordonnance pour violation des dispositions de l'article 106 du code de procédure civile relative à la communication au Ministère Public, la Société EL NASR, a saisi le vice-Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui a ordonné que la cause soit de nouveau enrôlée suivant ordonnance N°4019 du 03/09/2001;
Ainsi saisi, le Juge des référés a annulé l'ordonnance N°4164 bis au 20 octobre 2000 par ordonnance N°4902 du 22/11/2001 dont le dispositif est le suivant :
– Déclarons l'action de la société NASR recevable;
– L'y disons bien fondée;
– Prononçons la nullité de l'ordonnance N°4164 bis
2O Octobre 2000 pour violation de l’article 106 du code de procédure civile;
– Condamnons le défendeur aux dépens ;
Par exploit d’Huissier du 07 Décembre 2001, le Ministère de l'Economie et des Finances a relevé appel de l'ordonnance susvisée;
Il fait valoir, que la prétendue nullité du procès-verbal de saisie du 31 Août 2000 motif pris de ce qu’il fait référence à l’article 153 au lieu de l'article 91 de l’acte uniforme du Traité OHADA, ne s’aurait prospérer;
Il explique, qu'en réalité, il s'agit d'une erreur matérielle couverte en vertu de la théorie des équipollents, par l'indication dans le corps de l’exploit en cause, des dispositions idoines;
– En outre, le Ministère de l'Economie et des Finances rejette l'argument tiré de la violation de l'article 91 de l'acte uniforme en prétendant que le fait de la signification du commandement N°161/2000 du 30 Mai 2000 par un Huissier et non par un agent de poursuite de l'administration fiscale ou par un officier Ministériel assermenté, est sans incidence sur la validité dudit commandement;
A cet effet, il indique que l'administration fiscale étant une personne morale, elle a le droit de se faire représenter par un avocat dans le recouvrement de ses créances;
Il ajoute que, cet avocat dans l'exécution de ce recouvrement peut également avoir recours à un huissier de Justice qui est un Officier Ministériel;
Par ailleurs, il ajoute que le privilège de poursuite dont dispose l'Administration ne l'empêche pas de déléguer ce pouvoir à un tiers;
Il en conclut que la signification du commandement fait par l'Huissier est valable et la saisie - vente consécutive également; Ce faisant, il rejette ainsi la violation de l'article 114 du livre de procédure fiscale alléguée par la Société EL NASR
En réplique, la Société EL NASR soutient qu'il y a violation de l'article 91 de l'acte uniforme du Traité OHADA
Elle prétend à cet effet que l'article 101 du livre des procédures fiscales prescrit que les commandements décernés par les comptables publics sont notifiés par les agents de poursuite par pli recommandé avec avis de réception ou par remise en mains propres au débiteur;
Elle fait remarquer qu'en faisant délivrer le commandement de payer par un Huissier sans indiquer le texte de loi l’autorisant à déléguer son privilège de poursuite, le Ministère de l'Economie et des Finances a violé l'article 101 précité;
De même, la Société EL NASR relève que l'article 114 du Livre des procédures fiscales a été également violé puisque ce texte prescrit que la saisie des marchandises est effectuée par un agent de poursuite des Impôts ou du Trésor désigné à cet effet;
Elle en déduit que les agents des Impôts ont une compétence exclusive et que, la Juridiction Présidentielle du Tribunal a donné une base légale à sa décision en annulant la saisie vente du 31 Août 2000;
En conséquence, elle sollicite la confirmation de l'ordonnance N°4902 du 22 Novembre 2001;
En première réplique, le Ministère de l'Economie et des Finances a relevé que l’article101 du livre des procédures fiscales a été édité dans un intérêt privé notamment celui de l'information du débiteur; Il ajoute qu'en l'espèce cette information a eu lieu par la signification faite par l'Huissier et qu'à défaut de justifier d'un préjudice, la société El NASR est mal venue à invoquer la violation de l'article 91 de 1'OHADA pour défaut de commandement préalable;
De même, le Ministère de l’Economie et des Finances soutient relativement à la violation de l'article 114 invoquée par la société EL NASR que certes il bénéficie d'un privilège de poursuite et comme tout privilège, le bénéficiaire peut y renoncer au profit d'un tiers qui l'exerce au nom et pour le compte du premier;
En conséquence, il sollicite l'infirmation de l'ordonnance attaquée;
En réplique la Société EL NASR a réitéré ses arguments et conclut à la confirmation de l'ordonnance contestée;
En seconde réplique, le Ministère de l'Economie et des Finances relève que, la Société EL NASR n'a pas exercé le recours préalable devant l'administration fiscale dont dépend le comptable qui a exercé les poursuites; que ce manquement viole les dispositions de l'article 179 du livre des procédures fiscales;
Il en déduit que le recours de la société EL NASR aurait d’être déclaré irrecevable;
Par ailleurs, il fait valoir que le recours de la société EL NASR a été fait hors délai en violation de l'article 180 du livre des procédures fiscales qui prescrit un délai de 2 mois à partir de la notification de l'acte;
Il fait remarquer qu'en l'espèce, le commandement du 30 Mai 2000 a été signifié le 19 Juin 2000 alors que l'action en contestation n'a été faite que le 13 Octobre 2000 soit plus de 2 mois après;
Il conclut que'1a demande en contestation aurait dû être déclarée nulle en application de l'article 180 susvisé;
Pour sa part, dans sa seconde réplique, la société EL HASR soutient que le 03 Octobre 1997, elle a exercé un recours administratif à la suite d'une première notification tendant aux mêmes fins et portant sur le même objet; en conséquence elle estime qu'un second recours administratif n'est pas nécessaire après le deuxième commandement du 19 Juin 2000;
Quant à la nullité de la demande pour cause de retard dans les délais, la Société EL NASR Import – Export relève qu’il n’appartient pas au Juge des référés saisi en matière civile de déclarer nul ou irrecevable un recours administratif; elle précise que seul, l’administration peut prendre une telle décision;
Par conclusions en date du 05 Juillet 2002, le Ministère Public a déclaré s'en rapporter;
La Cour a rabattu le délibéré pour provoquer les observations des parties sur la nullité de l'ordonnance attaquée pour incompétence du Juge des référés à prononcer en vertu de l'article 106 du code de procédure civile, l'annulation d'une ordonnance rendue par un autre Juge des référés;
Les parties, à l’audience du 30/07/2002 ont déclaré s'en remettre à la sagesse de la Cour;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L'ordonnance de référé N° 4902 du 22/11/2001 n'a pas été signifiée dès lors, l'appel interjeté le 07 Décembre 2001 comportant ajournement au 18 Décembre 2001 est recevable pour être conforme aux prescriptions de l'article 228 du code de procédure civile;
AU FOND
Sur l'annulation de l'ordonnance N° 4902 du 22/11/2001
L'adage "voies de nullité n'ont lieu contre les jugements" interdit qu'une décision émanant d'une juridiction puisse être censurée par une autre juridiction de même degré;
Ainsi, lorsqu’une décision est rendue en premier ressort, le seul moyen de provoquer ou de constater son annulation est de l'attaquer par la voie de l'appel; C'est donc à tort que dans le cas d'espèce, le Juge des référés saisi en vertu de l'article 106 du code de procédure civile s'est arrogé le pouvoir de prononcer l'annulation de l'ordonnance N°4164 bis rendue le 20/10/2000 par un autre Juge des référés au motif que l'ordonnance en cause a été prise sans communication du dossier au Ministère Public alors que l'intérêt financier était supérieur à 25 millions;
De même, lorsque la nullité d'une décision est constatée sur le fondement de l'article 106 du code de procédure civile, la même juridiction de nouveau saisie sur simple requête statue autrement composée; elle a l’obligation en cette circonstance de se prononcer sur toutes les questions soumises au Premier Juge;
0r en l'espèce, le Juge des référés saisi à nouveau s'est seulement contenté d'annuler l'ordonnance rendue aux mépris des prescriptions de 1'article précité; en procédant ainsi, il a omis de statuer;
Au regard de tous les développements qui précèdent, il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée et évoquer l'affaire;
SUR LA NULLITE DU PROCES-VERBAL DE SAISIE POUR REFERENCE A L'ARTICLE 153 DE L’ACTE UNIFORME PORTANT ORGANISATION DES VOIES D’EXECUTION
Le procès-verbal de saisie-vente du 31 Août 2000 vise l’article 153 de l’acte uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui est relatif à la saisie – attribution; portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui est relatif à la saisie – attribution; portant, il s’agit en l’espèce d’une saisie – vente régie par les articles 91 et suivants de l’acte uniforme précité;
Cette situation n’est qu’une erreur matérielle, surtout qu’à l’analyse du procès-verbal de saisie – vente en cause, l’on s’aperçoit aisément que la saisie porte sur des biens meubles et que nécessairement, il ne peut s’agir que de saisie – vente et non de saisie – attribution;
Il s'ensuit, qu'une telle erreur matérielle qui n'a pu affecter la nature réelle du procès-verbal en cause ne peut davantage occasionné la nullité invoquée;
Sur la nullité de la saisie vente pour défaut de titre exécutoire (ou violation de l’ article 101du livre des procédures fiscales et de l’article 91 de l’acte uniforme de l’ OHADA sur les voies d’ exécution)
Il est constant qu'en 1’espèce, le commandement du 19 Juin 2000 procède de Madame BLESSON de la Direction Générale des Impôts en sa qualité de receveur; en conséquence, ledit commandement a été décerné par un comptable public comme le préconise l'article 101 du livre des procédures fiscales; un tel commandement, bien que servi par un Huissier de Justice ne perd pas son caractère essentiel qui est celui d'être un titre exécutoire;
Il en aurait été autrement si ledit commandement avait été un exploit d'Huissier c'est - à - dire un acte rédigé et signifié par l'Huissier de Justice;
Il en découle que l'argument tiré de la violation des articles 91 et 101 susvisés ne saurait prospérer;
Sur la violation de l’article 114 du livre des procédures fiscales
L'article 114 du livre des procédures fiscales dispose que :"la fermeture des locaux ou la saisie des marchandises et des biens meubles est effectuée par un agent de poursuite des Impôts ou du Trésor désigné à cet effet. . .";
Ce texte ne prévoit aucune sanction lorsque l'administration fiscale, en lieu et place de l’agent de poursuite utilise un huissier de Justice pour pratiquer sa saisie;
Il en résulte que la nullité fondée sur la violation de l'article 114 du LPF doit être également rejetée;
Il y a lieu d'en juger ainsi et débouter la société EL NASR EXPORT IMPORT en sa demande en mainlevée;
DES DEPENS
La Société EL NASER EXPORT IMPORT succombe; il convient de la condamner aux dépens de l'instance;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit le Ministère de l'Economie et des Finances en son appel relevé de l'ordonnance N° 4902 rendue le 22 Novembre 2001 par le Juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
– L'y dit bien fondé;
– Annule l'ordonnance susvisée;
– Evoquant, déclare la Société EL NASR EXPORT mal fondée en sa demande de mainlevée;
– L'en déboute;
– La condamne aux dépens.