J-03-311
SAISIE IMMOBILIERE – DEMANDE TENDANT A LA DESIGNATION D’UN EXPERT CHARGE DE FIXER LE MONTANT DE LA CREANCE – INCIDENT DE SAISIE (NON) – JUGE COMPETENT – JUGE DES REFERES (OUI).
Le juge des référés est compétent pour statuer sur une demande tendant à la désignation d’un chargé de fixer le montant de la créance cause de la saisie immobilière, une telle, une telle demande ne constituant pas un incident de la saisie au sens des articles 298 et S- AURVE.
Article 298 AUPSRVE ET SUIVANTS
(COUR D’APPEL DE DAKAR, CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE 1, ARRET N° 187 DU 28 AVRIL 2000, Aminata SY, Hoirs Samba KANE C / BICIS).
LA COUR
VU les pièces du dossier;
OUÏ les parties en toutes leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
CONSIDERANT que par acte d’huissier du 1er avril 1999, Aminata SY et les héritiers de Samba KANE (Cheikhou Nourou KANE, Amadou KANE, Mamadou Dia KANE, Abdou Aziz KANE, Aîssatou KANE, Rokhaya KANE, El Hadj Seydou Nourou KANE) ont régulièrement interjeté appel de l’ordonnance du juge des référés du 22 mars 1998 du Tribunal régional de Dakar qui, dans la cause l’opposant à la Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie du Sénégal (BICIS), les a déboutés de leur demande en désignation d’un expert financier;
FAITS, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
CONSIDERANT que c’est suite à un commandement valant saisie réelle du 3 décembre 1998 signifié par la BICIS à Aminata SY et aux héritiers de Samba KANE pour obtenir paiement de la somme de 92 000 000 (quatre vingt douze millions) de francs que ceux-ci ont saisi le juge des référés pour que soit désigné un expert chargé de fixer le montant exact de la créance due par Aminata SY;
CONSIDERANT que contestant le bien fondé de leur débouté, Mme SY et autres, dans leurs écritures du 2 décembre 1999, ont conclu à l’infirmation de l’ordonnance querellée et ont fait valoir, en réponse aux motifs du premier juge déniant toute preuve contre la BICIS d’une manipulation des écritures du compte de Mme SY, que c’est la banque elle-même qui démontre qu’il y a irrégularité en ramenant la créance à 67 000 000 de francs après l’avoir fixé à 92 000 000 de francs outre qu’il y a violation de l’article 247 de l’Acte Uniforme sur les voies d‘exécution en l’absence d’un titre exécutoire pour que soit effectuée l’adjudication; qu’en définitive, pour eux, il y a urgence et péril pour que soit ordonnée l’expertise qu’ils ont sollicitée;
CONSIDERANT que dans ses écritures du 3 février 2000 la BICIS a conclu, comme en première instance à l’incompétence du juge des référés dès lors qu’un commandement valant saisie réelle a été servi et, subsidiairement à la confirmation de l’ordonnance entreprise; qu’elle a fait remarquer qu’elle n’a jamais déclaré que sa créance est de 67 000 000 francs, Mme Aminata SY ayant, elle-même, proposé, dans sa lettre du 16 septembre 1997, que sa dette soit cantonnée à ce moment soit un abandon de 3 % sur les intérêts et agios; que toujours pour elle, la somme de 92 265 691 francs dont elle a réclamé le paiement est sensiblement égale à celle dont Mme SY, a sollicité le cantonnement, la BICIS précisant également en réponse au moyen tiré de l’article 247 précité qu’il s’agit, en l’espèce, d’une procédure d’expertise et non d’exécution;
SUR CE
CONSIDERANT que pour soutenir que le juge des référés est incompétent pour connaître de la demande de Aminata SY et autres, la BICIS s’était fondée sur les dispositions des articles 500 et 487 du Code de Procédure Civile et de jurisprudence subséquente, que c’est donc à bon droit que le premier juge lui a rappelé que ces textes ne sont plus applicables; que c’est aussi à bon droit qu’il a affirmé, face à ses prétentions, qu’il était compétent pour en connaître dès lors qu’il y avait urgence et qu’il n’y’aurait préjudice au principal, devant être précisé, ici que la demande de Aminata SY et autres ne constitue pas un incident de saisie au sens des articles 298 et suivants de l’AU/PSRVE et que visant à obtenir une mesure provisoire ne touchant pas au fond du droit, elle présente les caractères de l’urgence en raison de la nature de l’affaire, les parties appelantes ayant reçu un commandement en vue de la vente de leur bien; que cependant, il convient de reconnaître, avec le premier juge, que l’expertise n’est ordonnée que si le demandeur démontre un intérêt précis à être renseigné sur des opérations suspectes susceptibles de lui porter préjudice et que tel n’est pas le cas si les opérations attaquées sont courantes, sont réalisées dans des conditions normales ou si les griefs sont très généraux ou manquent de sérieux; que contrairement aux affirmations de Aminata SY, la BICIS n’a pas ramené sa créance à 67 000 000 de francs mais que c’est elle-même qui, dans sa lettre du 16 septembre 1997, a « souhaité une remise substantielle des agios et le cantonnement de la créance de la banque à 67 000 000 francs au lieu de 92 000 000 de francs soit un abandon de 3 % sur les intérêts et les agios »; qu’il s’y ajoute, ainsi que l’a rappelé le juge des référés que la preuve d’aucune manipulation de son compte n’a été rapportée, que l’absence de titre exécutoire en vue de l’adjudication (article 147 de Acte uniforme), outre que cette affirmation est sérieusement contestée, la BICIS se prévalant d’un acte notarié, ne saurait être retenue pour faire droit à la demande en expertise; qu’il échet en considération de tout ce qui précède de confirmer l’ordonnance querellée;
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement, contradictoirement, en référé et en appel;
Déclare recevable l’appel de Aminata SY et autres;
Le déclare mal fondé;
Confirme l’ordonnance entreprise;
Met les dépens à la charge de Aminata SY et les héritiers de Samba KANE;
AINSI fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 28 avril 2000 séant au palais de ladite ville Bloc des Madeleines à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou DIAWARA, Président, Messieurs Cheikh NDIAYE et Mamadou DEME, Conseillers avec l’assistance de Me Papa NDIAYE, Greffier;
ET ont signé le présent Arrêt,
LE Président et le Greffier./.
Observations
Par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Facultés de Droit, Directeur du CREDILA
La Cour d’Appel de Dakar a raté une excellente occasion de donner une définition de la notion d’incident de la saisie immobilière.
Pourtant cette définition est de la plus haute importance , car seules les contestations qualifiées d’incidents de saisie immobilière sont soumises au régime procédural particulier prévu par les articles 298 et suivants AU/RVE.
C’est à la suite de la signification d’un commandement valant saisie réelle que les débiteurs saisis ont soumis au juge des référés une demande tendant à obtenir la désignation d’un expert chargé de déterminer le montant exact de la créance cause de la saisie. Déboutés par le juge des référés, ils ont relevé appel de l’ordonnance. La Cour d’appel de Dakar était invitée à se prononcer sur deux questions : d’une part si le juge des référés était compétent pour statuer sur cette demande, étant entendu que la procédure de saisie immobilière était en cours; d’autre part s’il y avait lieu à ordonner la mesure sollicitée.
Si la réponse apportée par la Cour à la seconde question peut paraître satisfaisante , on ne peut pas en dire autant en ce qui concerne celle donnée pour la seconde. En effet, elle a déclaré que le juge des référés était compétent pour connaître de la demande » dès lors qu’il y avait urgence et qu’il n’y aurait préjudice au principal, étant précisé… que la demande… ne constitue pas un incident de saisie ». Etant donné que la demande est née au cours de la procédure de saisie, la Juridiction d’appel devait au moins ,s’assurer qu’elle n’était pas de nature à exercer une influence directe sur cette procédure. Au lieu de cela, la Cour s’est contentée de procéder par affirmation sans aucune démonstration.