J-03-312
SAISIE ATTRIBUTION – SAISIE PRATIQUEE SUR LA BASE D’UNE ORDONNANCE DE TAXE DONT LE CARACTERE OBLIGATOIRE EST ANNIHILEE PAR UNE DECISION DU PRESIDENT DE LA COUR D’APPEL – REFUS DE PAIEMENT PAR LE TIERS SAISI – REFUS JUSTIFIE.
Doit être confirmée l’ordonnance par laquelle le juge des référés, se fondant sur ce que le caractère exécutoire de l’ordonnance de Taxe, fondement de la saisie a été annihilé par une décision du Premier Président de la Cour d’Appel, a débouté le saisissant de sa demande tendant à faire délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi.
(COUR D’APPEL DE DAKAR, CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE 1, ARRET N° 100 DU 9 FEVRIER 2001, Me Yaré Fall c/ Bécaye Sène).
LA COUR
VU les pièces du dossier;
OUÏ les parties en toutes leurs demandes;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
STATUANT sur appel formé le 11 août 2000 par Maître Yaré FALL contre l’ordonnance rendue le 31 juillet 2000 par le juge des référés au Tribunal Régional de Dakar dans la cause l’opposant à Bécaye Sène et dont le dispositif est ainsi conçu :
« Au principal , renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, par provision et vu l’urgence, tous droits et moyens des parties réservés quant au fond;
Vu l’ordonnance n° 375/00 du premier président de la Cour d’Appel en date du 17 juillet 2000;
Déboutons Me Yaré FALL de sa demande;
Le condamnons aux dépens »;
Considérant qu’il échet de déclarer tel appel en la forme;
AU FOND
CONSIDERANT que Me Yaré FALL expose que se prévalant de l’ordonnance de taxe n° 032/Bat du 12 novembre 1999 rendue par le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, il a procédé à une saisie attribution de créance entre les mains de Bécaye Sène, administrateur séquestre de la succession de Madiagne DIAGNE dont font partie les débiteurs saisis; que par exploits et conformément aux dispositions de l’article 157 et suivant de l’AU/PSRVE, il a dénoncé la saisie aux différents débiteurs qui n’ont soulevé aucune contestation dans les délais, d’où la délivrance par Monsieur le Greffier en Chef d’un certificat de non contestation et l’apposition de la formule exécutoire;
QUE Bécaye Sène ayant refusé de s’exécuter en dépit de la présentation du certificat de non contestation et du commandement à lui servi en ce sens, il a saisi le juge des référés conformément à l’article 164 de l’Acte uniforme précité, qui l’a débouté de ses prétentions;
CONSIDERANT que pour parvenir à l’infirmation de l’ordonnance, l’appelant fait reproche au premier juge de s’être fondé sur l’ordonnance du Président de la Cour d’Appel accordant le sursis à l’exécution de l’ordonnance de taxe, et qui aurait annihilé le caractère exécutoire de cette dernière, fondement de sa demande, alors que les débiteurs n’ont soulevé aucune contestation dans les délais et qu’en application de l’article 164 susvisé, en présence d’un certificat du greffe attestant de la non contestation, le tiers saisi n’a d’autre solution que de procéder au paiement;
CONSIDERANT que bien qu’ayant régulièrement constitué conseil, Bécaye Sène n’a pas conclu;
CONSIDERANT qu’il n’est pas discuté, bien que l’ordonnance n’ait pas été produite aux débats, que les débiteurs ont obtenu du Premier président de cette Cour le sursis à l’exécution de l’ordonnance n° 375/00 du 17 juillet 2000;
QUE nonobstant les griefs élevés par ce dernier contre cette ordonnance de sursis,il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d’en apprécier l’opportunité ou le bien fondé;
QUE c’est à bon droit qu’au vu de cette décision de justice, le premier juge a statué ainsi qu’il l’a fait;
QU’il échet de déclarer l’appel mal fondé et de confirmer l’ordonnance querellée;
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement, contradictoirement, en matière civile, en référés et en dernier ressort;
Donne défaut contre Bécaye SENE;
Déclare l’appel recevable en la forme;
AU FOND
LE déclarant mal fondé,
Confirme l’ordonnance entreprise;
Condamne l’appelant aux dépens;
AINSI fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Dakar Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 9 février 2001 séant au Palais de justice de ladite ville, Bloc des Madeleines à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou DIAWARA, Président, Messieurs Mamadou DEME et Mamadou DIAKHATE, Conseillers et avec l’assistance de Maître Papa NDIAYE, Greffier;
ET ont signé le Présent Arrêt
Le Président et le Greffier./.
Observations par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Facultés de Droit, Directeur du CREDILA
La mise en œuvre de l’article 168 de l’AU/RVE n’est pas toujours aisée, contrairement à ce que l’on pourrait penser à la lecture de ce texte en apparence très clair.
L’affaire qui a donné lieu à l’arrêt de la Cour d’Appel de Dakar en date du 9 février 2001 illustre parfaitement les difficultés d’application de ce texte.
Un avocat se prévalant d’une ordonnance de taxe rendue par le Bâtonnier de l’Ordre des avocats avait pratiqué une saisie-attribution entre les mains de l’administrateur séquestre de la succession dont faisaient partie les débiteurs saisis. L’administrateur ayant refusé d’effectuer le paiement, l’avocat a, après s’être fait délivrer par le greffe un certificat attestant la non-contestation, saisi le juge des référés pour obtenir le titre exécutoire prévu par l’article 168 AU/RVE. Sa demande a été rejetée aux motifs que la décision du Premier Président de la Cour d’Appel qui a accordé le sursis à l’exécution de l’ordonnance de taxe a annihilé le caractère exécutoire de cette dernière. La Cour d’Appel a confirmé cette décision en se fondant sur ce que nonobstant les griefs élevés par le saisissant contre l'ordonnance du Premier Président, il n’appartient pas au juge des référés d’en apprécier l’opportunité ou le bien fondé.
A la lecture de l’article 168 AU/RVE, on a l’impression que la juridiction saisie par le créancier saisissant muni d’un certificat attestant la non contestation n’a d’autre possibilité que de délivrer un titre exécutoire. Il n’a pas en quelque sorte à se prononcer sur le titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée, celui-ci ne pouvant être apprécié que par la juridiction visée par l’article 169 AU/RVE et selon la procédure prévue par ce texte. On est d’autant plus tenté, dans le cas d’espèce, d’avoir une telle lecture de cette disposition que l’article 32 autorise le créancier à poursuivre jusqu’à son terme l’exécution forcée sur la base d’un titre exécutoire par provision, quitte à réparer le préjudice causé au saisi en cas de modification ultérieure du titre.
Une telle interprétation ne doit cependant pas être retenue. En effet, le verbe “pouvoir” utilisé dans l’article 168 AU/RVE , montre que la délivrance du titre exécutoire contre le tiers n’est pas une obligation. Il s’y ajoute que l’argument tiré de l’article 32 AU/RVE n’est pas déterminant ici. Ce texte parle de titre exécutoire par provision. Or, comme l’a justement rappelé le juge des référés, il n’y a plus de titre exécutoire, le caractère exécutoire du titre étant » annihilé par l’ordonnance du Premier Président ».