J-03-313
VOIES D’EXECUTION – VENTE FORCEE DES IMMEUBLES COMMUNS DES EPOUX – INAPPLICATION DE L’ARTICLE 249 DE L’ACTE UNIFORME.
Le texte applicable à la vente forcée des immeubles communs des époux est l’article 250 et non l’article 249 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution. Une telle vente forcée peut se faire sans partage préalable provoqué par le créancier.
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°402 du 13 avril 2001, Dame AIZAN N’SALE Marie Mouchia épouse PORQUET (Me KABA Moriba) C/ PORQUET Séverin; BICICI (Me SIBAILLY Guy César)).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Par exploit en date du 14 décembre 2000, Madame AIZAN N’DALE Marie Mouchia; épouse PORQUET a relevé appel du jugement n°11 rendu le 10 janvier 2000 par le tribunal de Première instance d'Abidjan qui, en la cause, a ainsi statué :
« Déclare recevable mais mal fondé l'action de dame AIZAN N’DALE;
La déboute; de ses prétentions; »
Au soutien de son appel, Madame PORQUET expose qu'en exécution d'un arrêt N° 1434 bis du 29 novembre 1999 condamnant l'entreprise ECC et Monsieur PORQUET à payer à la BICICI la somme de 29.302.660 francs, celle-ci a fait servir à elle et à M. PORQUET commandement aux fins de saisie réelle;
Elle ajoute que s'estimant propriétaire en partie du bien objet de la saisie, elle a saisie le tribunal d’Abidjan pour ordonner la distraction de l'immeuble à son profit et voir ordonner main-levée de la saisie étant entendu qu'aucune action en partage ou liquidation de l'immeuble litigieux n'a été provoquée par la BICICI;
Madame AIZAN N'DALE reproche au Tribunal de l’avoir déboutée et explique que le bien litigieux appartient aux époux PORQUET comme l'atteste l'acte d'ouverture de crédit de la BICICI;
Cependant, indique-t-elle, elle n'a point consenti à l'hypothèque du bien commun et n'a pas non plus ratifié la convention d’hypothèque;
Poursuivant, elle ajoute que l'article 249 de l'Acte Uniforme sur les voies d'exécution interdit la vente de la part indivise d'un immeuble avant le partage ou la liquidation que peuvent provoquer les créanciers d'un indivisaire; Tel n'étant pas le cas en l'espèce, elle estime que la vente ne peut prospérer;
En conséquence, elle sollicite l’infirmation du jugement et demande à la Cour d'ordonner à son profit et en partie, la distraction de l'immeuble litigieux;
La BICICI in limine litis soutient que l'appel relevé est irrecevable parce que hors délai;
Elle fait valoir à cet effet que le jugement querellé a été signifié le 11 octobre 2000 et l'appel est intervenu le 14 décembre soit plus de deux mois après;
Au fond, elle fait valoir que l’action en distraction initiée par Madame AIZAN est sans fondement juridique d'autant que le bien litigieux ne lui appartient pas exclusivement;
Elle rappelle que l'action en distraction n'appartient qu'au propriétaire exclusif d'un immeuble saisi qui n'est tenu ni personnellement à la dette, ni réellement sur l'immeuble;
La BICICI indique par ailleurs que les époux PORQUET se sont mariés le 25 octobre 1975, une époque ou la. loi applicable était celle de 1964 relative au mariage;
Elle rappelle que la convention d'hypothèque a été consentie les 19 Avril et 04 Mai 1982 sous l'empire de la loi de 1964 qui permettait à l'époux, en son article 77 (loi 64-375 du 7 octobre 1964) de vendre, aliéner et hypothéquer ses biens personnels et les biens communs sans le concours de la femme;
Elle précise que le concours de l'épouse n'est requis que depuis la loi 83-800 du 02 août 1983, loi inapplicable en l'espèce;
En conséquence de tout ce qui précède, la BICICI conclut à la confirmation pure et simple du jugement déféré;
DES MOTIFS
Sur la recevabilité de l’appel
La signification du jugement attaquée a été faite le 11 octobre 2000 mais pas à la personne de madame AIZAN N'DALE;
L'exploit ayant été remis à la servante de celle-ci, l’huissier instrumentaire aurait dû faire une stricte application de l’article 250 du code de procédure civile en avisant son délai au destinataire de l’acte par lettre recommandée avec demande d’avis de réception;
Il n’apparaît pas qu’une telle diligence ait été entreprise de sorte que le délai d’appel n’a pu courir à compter de la signification; il s’ensuit que l’appel interjeté le 14 décembre 2000 est recevable.
Sur le bien fonde de l’appel
Il résulte des productions que M. PORQUET a consenti à l’hypothèque par convention des 19 avril et 04 mai 1962;
A cette datte, la loi 64-375 du 07 octobre 1964 autorisait l’époux à aliéner, vendre ou hypothéquer les biens communs sans le concours de l’épouse;
Dès lors c’est vainement que madame PORQUET se prévaut d’une absence de consentement pour solliciter la distraction à son profit du bien saisi;
Par ailleurs, c’est à tort qu’elle invoque à son bénéfice, l’article 49 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, le sorte des immeubles communs étant régi par l’article 250 du même acte qui énonce que la vente forcée des immeubles communs est poursuivie contre les deux époux;
Une telle disposition indique nécessairement que s’agissant de bien commun, la vente forcée peut se faire sans partage préalable provoqué par le créancier;
Il convient en conséquence de déclarer mal fondé l’appel de Madame AIZAN et confirmer le jugement attaqué;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, et contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare Madame AIZAN N’DALE épouse PORQUET recevable en son appel;
AU FOND
– L’y dit cependant mal fondé;
– L’en déboute;
– Confirme le jugement entrepris;
– Le condamne aux dépens;