J-03-333
VOIES D’EXECUTION – SAISIE VENTE – ARRET DE DISCONTINUATION DES POURSUITES – POURSUITE DES OPERATIONS DE SAISIE (NON).
Une procédure de saisie-vente commencée ne peut plus être poursuivie dès lors que la Cour suprême a ordonné la discontinuation des poursuites.
Article 34 AUPSRVE
Article 49 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan, arrêt n° 898 du 1er juillet 2003, SOCIETE AMI-TELECOM C/ JEAN PIERRE COULIBALY BETIOH).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Vu l'arrêt avant dire droit n°682/ADD du 27 mai 2005 ayant déclaré recevable, l'appel interjeté;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
EXPOSE DU LITIGE
Par exploit en date du 02 Mai 2005 la société AMI-TELECOM a relevé appel de l'ordonnance de référé n°l8l7 rendue par la juridiction présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan qui a statué en ces termes :
« ..Rejetons l'exception d'incompétence;
Nous déclarons compétent;
Recevons Jean Pierre COULIBALY BETIOH en sa demande;
Constatons la discontinuation ordonnée par la Cour Suprême;
Ordonnons en conséquence, la suspension de la vente jusqu'à ce que la Cour Suprême vide sa saisine;
Ordonnons la restitution des objets enlevés sous astreinte de 100.000 F par jour de retard, à compter du prononcé de la présente décision;
Condamnons les défendeurs aux dépens »
Des énonciations de l'ordonnance querellée, il ressort que, par acte d'huissier daté du 05 Avril 2005, Jean Pierre COULIBALY BETIOH a fait assigner la société AMI-TELECOM par devant le juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan à l'effet de voir ordonner la restitution des biens illégalement enlevés de son domicile, sous astreinte de 1.000.000F par jour de retard;
Au soutien de son action devant le Premier Juge, le demandeur a exposé que, suivant procès-verbal de récolement avec enlèvement, suivi de sommation d'assister à la vente, en date du 24 Mars 2003, la société AMI-TELECOM a procédé à 1'enlèvement à son domicile de tous ses biens meubles;
Selon le demandeur, cet enlèvement ferait suite à une saisie-vente pratiquée le 14 Février 2005, en exécution d'un arrêt d'itératif défaut n°527/2000 rendu le 20 Juin 2000, et surtout, à la signification d'une attestation de plumitif, datée du 21 Mars 2003, sous le numéro 2582;
Ladite attestation de plumitif qui a fait état des déboutés d'une action en annulation de la saisie-vente, qu'il a initiée, mais dont l'ordonnance ne lui a cependant pas été signifiée;
Or, a soutenu le demandeur, aux termes de l'article 324 du code de procédure civile, aucune décision de justice ne peut être exécutée sans signification préalable, sauf si la loi en dispose autrement;
En outre, selon lui, l'article 34 de l'acte uniforme relatif aux voies d'exécution, stipule que lorsque une décision juridictionnelle est invoquée à l'égard d'un tiers, il doit être produit un certificat de non appel et de non opposition, mentionnant la date de la signification de la décision à la partie condamnée;
Toutefois, a soutenu Jean Pierre COULIBALY, aucune des diligences sus-mentionnées n'a été accomplie par la défenderesse, de sorte que l'enlèvement qu'elle a entreprise de ses biens meubles, était entachée d'irrégularités;
Au surplus, a poursuivi le demandeur, la Cour Suprême par arrêt n°24/2001 du 22 mai 2001 a ordonné la discontinuation des poursuites de l'arrêt rendu sur opposition formée contre l'arrêt d'itératif défaut rendu par la Cour d'appel de ce siège,
Selon lui, ledit arrêt de la haute juridiction a été signifié à la société AMI-TELECOM le 14 Février 2003, en sorte que ce fut au mépris de la décision de discontinuation, que ladite société a poursuivi son exécution;
Aussi, pour le demandeur, le Premier Juge devrait faire droit à son action;
Les prétentions en défense de la société AMI TELECOM, n’ont pas été exposées dans la décision querellée;
Pour statuer dans le sens plus haut indiqué, le Premier Juge a considéré qu'il n'a pas été saisi sur une difficulté d'exécution;
Ainsi, selon lui, était-il compétent;
Par ailleurs, le Premier Juge, après avoir constaté que la Cour Suprême a ordonné la discontinuation des poursuites sur la base de l'arrêt dont l'exécution est poursuivie, en a tiré les conséquences en l'occurrence, la suspension de la vente et la restitution des biens enlevés;
En cause d'appel, la société AMI-TELECOM reproche au Premier Juge d'avoir retenu sa compétence, au mépris des articles 221 et 222 du code de procédure civile;
En effet, selon elle, un pourvoi en cassation ayant été intenté par Jean Pierre COULIBALY, seul le Président de la Cour Suprême devait connaître de ce cas d'urgence;
Ainsi, le Premier Juge était selon elle, incompétent;
Par ailleurs, a soutenu l'appelante, aux termes de l'article 222 alinéa 2 et 3, du code de procédure civile, les ordonnances de référé prises dans les matières réglées par une décision d'une juridiction supérieure sont de plein droit nulles et de nul effet;.
Il s'infère de ce qui précède, selon toujours la société AMI-TELECOM, que la Cour Suprême ayant déjà ordonné la suspension des poursuites, le juge des référés saisi n'avait plus le pouvoir de prendre une ordonnance;
L'ayant néanmoins prise, sa décision était dès lors nulle et non avenue;
C'est la raison pour laquelle, l'appelante a conclu à l'annulation de l'ordonnance querellée, pour cause d'incompétence du premier juge, et violation de l'article 222 sus-visé;
En réponse, l'intimé Jean Pierre COULIBALY fait valoir qu'aux termes de l'article 49 de l'acte uniforme relatif aux voies d'exécution le juge compétent pour statuer sur toute demande relative à une mesure d'exécution forcée, est le président de la juridiction statuant en matière d'urgence, dont la décision est susceptible d'appel dans le délai de 15 jours de son prononcé;
Aussi, sur ce point, il estime que c'est à bon droit le Premier Juge a retenu sa compétence;
Relativement au bien fondé de la mesure prise par le Premier Juge Jean Pierre COULIBALY a indiqué que celle-ci s’inscrivait dans la suite logique de la décision de discontinuation rendue par la haute juridiction, alors surtout que la mesure d’exécution de la société AMI-TELECOM, lui est postérieure;
Dès lors, l'intimé a conclu à la confirmation de décision querellée;
SUR CE
Les parties ayant toutes conclu, il y a lieu de statuer contradictoirement;
EN LA FORME
Par arrêt n°682/ADD rendu le 27 Mai 2003, la Cour d’Appel de céans a déclaré recevable l'appel interjeté par la société AMI-TELECOM;
AU FOND
Sur la compétence du juge des référés
Il résulte des dispositions de l'article 49 de l'acte uniforme sur les voies d'exécution, que toute la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire, est le président de la juridiction, statuant en matière d'urgence, dont la décision est susceptible d'appel;
Il n'est pas contesté, que le litige opposant Jean Pierre COULIBALY BETIOH à la société AMI-TELECOM, a trait à la main-levée d'une saisie-vente pratiquée par celle-ci;
En la matière, les dispositions des articles 222 et suivant du code de procédure civile ne peuvent trouver à s'appliquer;
C'est donc à bon droit, que le Premier Juge s’est déclaré compétent pour connaître du présent litige;
Sur le bien fondé de la décision de mainlevée et de restitution des biens saisis
Il est constant que suite à un pourvoi en cassation formé par Jean Pierre COULIBALY BETIOH, la Chambre Judiciaire de 1a Cour Suprême a, par arrêt n°24/200l, ordonné la discontinuation des poursuites entreprises à 1'encontre de celui-ci, en exécution de l'arrêt n°283 en date du 22 Mai 2001, rendu par la formation pénale de la Cour d'appel de céans;
Ledit arrêt de discontinuation a été signifié à la société AMI-TELECOM le 14 Février 2003;
Ainsi, en faisant néanmoins procéder le 24 Mars 2003, à un procès-verbal de récolement avec enlèvement suivi de sommation d'assister à la vente, la société AMI-TELECOM a violé la décision de la haute juridiction;
Tirant les conséquences de l'arrêt de discontinuation sus-visé, le premier juge a donc à bon droit, ordonné la mainlevée de la saisie pratiquée à l’encontre de Jean Pierre COULIBALY BETIOH ainsi que la restitution des biens meubles enlevés à la requête de la société AMI-TELECOM;
Ce faisant, il convient de confirmer l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions;
L'appelante ayant succombé, il lui faut supporter les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort;
Sur la forme
Reçoit la société AMI-TELECOM en son appel relevé de l'ordonnance n°l8l7 rendue le 02 Mai 2003, par le juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
L'y dit mal fondée;
L’en déboute;
Confirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions;
Met les dépens à sa charge.