J-03-335
VOIES D’EXECUTION – SAISIE VENTE – VENTE IRREGULIERE – RECEVABILITE DE L’ACTION EN DISTRACTION D’OBJETS SAISIS (OUI).
Dès lors qu’une vente est irrégulière, le tiers dont les objets ont été à tort saisis est recevable à exercer l’action en distraction d’objets saisis.
(Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt n° 1119 du 8 août 2003, CIE D’ASSURANCES LES TISSERINS c/ KETTANI MOHAMED KACEM ET AUTRES).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Par exploit en date du 22 juillet 2003, la Compagnie d’Assurance "Les Tisserins", a relevé appel de l’ordonnance de référé N°3189/2003 rendue le 14 juillet 2003 par la juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui, en la cause, a statué ainsi qu’il suit :
"- déclarons KETTANI MOHAMED, SIMON épouse KETTANI et KETTANI LAILA recevables et bien fondés en leur action;
– ordonnons la distraction des biens irrégulièrement saisis"
Par un autre exploit dit "avenir d’audience", l’appelante a fixé au 08 août 2003, la date d’évocation de son appel;
Au soutien de cet appel, la Compagnie d’Assurance "Tisserins" fait valoir qu’elle est créancière de la Société I2M suite à une ordonnance d’injonction de payer N°85/2003 non frappée d’opposition;
Qu’en exécution de cette décision, elle a pratiqué une saisie vente sur les biens de la société I2M, biens vendus le 21 mai 2003;
Elle estime que l’ordonnance querellée a été rendue au mépris de l’article 142 de l’acte uniforme sur les voies d’exécution qui énonce qu’après la vente, l’action en distraction n’est plus recevable et que seule une action en revendication peut être exercée;
Que dès lors, le Premier Juge aurait du déclarer irrecevable l’action;
Les intimés expliquent pour leur part que la Compagnie d’Assurance a procédé à la saisie vente de biens n’appartenant pas à la société I2M, notamment un véhicule Nissan Maxima, deux véhicules Honda Civic;
Que ces véhicules leur appartiennent en propre comme l’attestent les cartes grises produites;
Ils affirment que l’Huissier instrumentaire a été informé par le débiteur saisi qui malgré cela, a procédé à une prétendue vente le 21 mai 2003;
Ils ajoutent que dès le 5 mai 2003 la créance ainsi que les frais de procédure avaient été réglés par la société I2M;
Que le 21 et le 27 mai, cette société a réglé à Maître ADOU YAPI, l’Huissier respectivement 600.000 et 645.363 francs représentant ses frais;
Que malgré tout, et sans que le débiteur n’ait été informé, une prétendue vente était faite à des prix incroyablement bas;
Ils estiment que le Premier Juge a fait une juste appréciation de la cause et ils sollicitent la confirmation de la décision déférée;
DES MOTIFS
Il résulte des productions que par exploit en date du 1er avril 2003, la Compagnie d’Assurance "les Tisserins" a fait procéder à la saisie-vente de biens appartenant à la société I2M;
Il apparaît que parmi ces biens se trouvaient des véhicules dont les cartes grises indiquent bien qu’ils n’appartenaient pas à la société I2M seule débitrice;
Par ailleurs, il est établi que le 05 mai 2003, la société I2M a payé sa dette ajoutée des frais d’huissier et de Commissaire Priseur;
Les 21 et 27 mai 2003, l’Huissier Instrumentaire percevait encore des frais respectivement de 600.000 et 646.000 francs alors que la société I2M n’était nullement informée d’une quelconque vente qui en définitive se serait faite le 21 mai;
Manifestement, les dispositions des articles 123 prescrivant d’informer le débiteur 10 jours au moins avant la vente, n’ont pas été respectées, tout comme celles de l’article 126;
Enfin, le procès-verbal de vente date du 17 juin 2003 alors que la vente est censée avoir été faite le 21 mai 2003;
Dès lors la mauvaise foi du créancier et de l’Huissier instrumentaire est avérée et l’action en distraction recevable la preuve n’étant pas rapportée qu’il y a eu effectivement de vente;
En tout état de cause, la procédure de vente est irrégulière de sorte que c’est à bon droit que le Premier Juge a statué comme il l’a fait;
Il convient en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance attaquée d’autant qu’il est établi par la production des cartes grises que les véhicules litigieux appartiennent bien aux demandeurs;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
déclare la Compagnie "Les Tisserins" recevable en son appel;
AU FOND
l’y dit mal fondée; l’en déboute;
confirme l’ordonnance attaquée;
condamne l’appelante aux dépens.