J-03-337
SURETES – DROIT DE RETENTION – CONDITIONS D’EXERCICE.
Le droit de rétention ne peut être exercé que si celui qui s’en prévaut dispose d’un droit de créance vis à vis du débiteur.
Article 41 AUS
Article 42 AUS
(Cour d’Appel d’Abidjan n° 1164 du 24 octobre 2003, KINDA AUGUSTIN JOSEPH C/ Mlle KONE FATOUMATA).
LA COUR
Vu les pièces du procès;
Oui les parties en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et, en dernier ressort, sur l'appel de KINDA AUGUSTIN JOSEPH et Maître TE BIEGNAND ayant pour conseil Maître DOUMBIA ISSIAKA, Avocat à la Cour, relevé de 1'ordonnance n° 3966 rendue le 29 Août 2003 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan laquelle leur a fait injonction de permettre à KONE FATOUMATA de récupérer ses biens demeurés dans l'enceinte de l'Hôtel Hibiscus sous astreinte de 300.000 F par jour de retard;
Considérant qu'au terme de leur appel, KINDA AUGUSTIN et Maître TE BIEGNAND soulèvent in limine litis la nullité de l'ordonnance querellée pour violation des articles 226 alinéa 2 et 142 du code de procédure civile qu'ils font valoir que l'ordonnance entreprise a totalement omis de mentionner leurs prétentions alors que celles-ci ont été longuement exposées par leur conseil;
Qu’ils plaident conséquemment la nullité de ladite ordonnance;
Que sur le fond, les appelants, rappelant les faits de la procédure exposent :
que suivant acte notarié en date des 22 Mars et 2 Juillet 1996, laissé à bail à KONE FATOUMATA des locaux à usage d'hôtel restaurant que tirant argument d'un avis à tiers détenteur émis par 1'administration fiscale KONE FATOUMATA n'a plus jamais versé de loyer au bailleur prétextant qu'elle les versait désormais au fisc, ce qui s'est avéré inexact;
Qu’assignée en justice dame KONE FATOUMATA était expulsée par ordonnance Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan pour non paiement de loyers;
Que cette décision était conformée par un arrêt de la Cour et de la Cour Commune de justice et d'Arbitrage d'Abidjan (CCJA);
Que les appelants font valoir que suite à l'arrêt de la CCJA dame KONE entreprit d'emporter nuitamment les biens meubles et objets garnissant les lieux loués;
Que KINDA porta alors plainte auprès de Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal d'Abidjan contre l'intimée;
qu'ils sont surpris de se voir condamnés à restituer à dame KONE ses biens demeurés dans l'enceinte de l'hôtel HIBISCUS;.
Que les appelants sollicitent 1'infirmation de l'ordonnance pénale en cours qu'ils font valoir à cet effet qu'une plainte la portée devant le Parquet contre dame KONE FATOUMATA pour avoir emporté du matériel de l'Hôtel qu'en vertu du principe "de pénal tient le civil en état" le Juge des référés aurait dû ne pas statuer sur cette affaire;
Qu'ils estiment par ailleurs que le Juge des référés a préjudicié au fond puisqu'il a décidé sans avoir eu entre les mains aucune pièce démontrant de façon incontestable que les effets appartenant à dame KONE seraient restés à l'hôtel après son expulsion;
Que les appelantes plaidant également l'infirmation de l'ordonnance pour erreur dans l'interprétation des fait;
Qu’ils, soutiennent que Monsieur GONKANOU employé de dame KONE a affirmé que sur instructions de l'intimée il a procédé au déménagement des affaires de celle-ci à son domicile;.
que par la suite dame KONE a prétendu avoir des biens lui appartenant à l’hôtel sans preuve que par ailleurs les appelants sollicitent 1'infirmation de l'ordonnance pour violation des articles 41 et 42 de l'acte uniforme portant droit des sûretés;
Qu’ils allèguent en leur qualité de créanciers de dame KONE FATOUMATA ils sont en droit de retenir les biens de dame KONE quelle détiennent jusqu'à complet paiement de leur dû;
Qu’enfin ils plaident l’infirmation de la disposition de l'ordonnance assortissant l'exécution d'astreinte comminatoire;
Qu’ils soutiennent que dame KONE n'a jamais demandé l'astreinte que le Juge a statué ultra petita;
Que la décision encourt l'infirmation; que les appelants produisent des pièces;
Considérant que pour sa part, dame KONE FATOUMATA concluant par le canal de son conseil Maître BEUGRE, Avocat à la Cour explique que les 22 Mars et 2 Juillet 1996 elle a signé avec KINDA JOSEPH par devant notaire un contrat de location gérance portant sur le complexe hôtelier dénommé " HIBISCUS";
Qu’elle a pris cet établissement sans aucun équipement;
Que pour le rendre fonctionnel et confortable elle y a fait un investissement d'environ 9.000.000 F que par ordonnance N°5831du 30 Décembre 1998 elle a été expulsée de l'hôtel hibiscus;
Que cette décision a été confirmée par la cour d'Appel et la CCJA;.
Qu’en exécution de l'arrêt N°006 rendue le 24 Avril 2003 par la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage Maître TE BISGNAND agissant à la requête de KINDA AUGUSTIN, an lieu de procéder à l'expulsion de la personne et des biens de l'intimée au complexe hôtelier a mis des chaînes et des cadenas à l'entrée principale de l'hôtel lui rendant des lieux inaccessibles;
Que par ordonnance N°5966 du 29 Août 2003 il a été fait injonction aux appelants de lui restituer ses biens demeurés dans l'enceinte de l'Hibiscus;
Que répliquant aux observations de KINDA AUGUSTIN relative­ment à la nullité de l'ordonnance, dame KONE FATOUMATA fait valoir qu'il résulte de la combinaison des articles 226 alinéa 2 et 142 du code de procédure civile que tout jugement doit contenir motifs en fait et en droit précédés d’un résumé des prétentions des parties qu'elle estime que ces textes n'ont pas prévu comme sanction la nullité de la décision;
que par ailleurs dame KONE soutient qu'elle n'a jamais été informée de ce qu'une procédure pénale serait diligentée contre elle;qu'une simple plainte ne met pas en mouvement l'action pénale;.
Que poursuivant, dame KONE FATOUMATA relève que l'erreur dans l'interprétation des faits invoqués par les appelants est un cas d'ouverture de pourvoir que ce moyen de défense ne saurait prospérer;.
Qu’elle soutient n'avoir donné aucune instruction à Monsieur GOKANOU et que les déclarations de ce dernier n’engagent que lui;
Qu’elle produit la liste de ses biens meubles restés à l'hôtel;
Que l'intimée fait observer par ailleurs que c'est à tort que les appelants se prévalent des articles 41 et 42 de l'acte uniforme portant droit des sûretés pour faire une rétention abusive sur ses biens que les appelants ne détiennent aucun titre de créance sur elle qu'enfin dame KONE FATOUMATA soutient que le Juge des référés n'a pas statué ultra petita qu'a sollicité aussi bien dans sa requête que devant le Juge de référé l'astreinte;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Sur la recevabilité de l'appel
Considérant que l'appel de KINDA AUGUSTIN et TE BIEGNAND a respecté les dispositions légales; qu'il y a lieu de le déclarer recevable;
Sur la nullité de l'ordonnance
Considérant qu'il est constant comme résultant de la décision querellée qu'elle ne comporte pas les prétentions KINDA AUGUSTIN et TE BIEGNAND qui cependant avaient longuement développé leurs arguments devant le Premier Juge;
Considérant que l'article 226 relatif aux ordonnances de référés renvoie à l'article 142 en ce qui concerne les indications que doivent contenir les ordonnances de référé;
Considérant que les dispositions de l'article 142 du code de procédure civile sont impératives;
Que l'ordonnance de référé comme tout autre jugement doit pouvoir se comprendre et être jugé, sans recourir à tout des éléments extérieurs;
Qu’à défaut elle doit être déclarée nulle;
Qu’il y a lieu d'annuler 1'ordonnance querellée qui ne contient aucune indication des prétentions des appelants;
Sur l'action pénale en cours
Considérant que les appelants soutiennent qu'une plainte a été portée contre dame KONE FATOUMATA devant le Procureur de la République;
Mais considérant qu'il résulte des pièces produites, aux débats que la plainte déposée au Cabinet du Procureur de la République a été transmise sur instruction du Parquet à la police;
Que l'action pénale n'ayant pas encore été mise en mouvement, les appelants sont mal fondés à invoquer le principe selon lequel le pénal tient le civil en état;
AU FOND
De la violation des articles 41 et 42 de l’Acte Uniforme portant droit des sûretés
Considérant que les appelants estiment qu'ils sont en droit de retenir les biens meubles de dame KONE FATOUMATA en leur qualité de créanciers de celle-ci en vertu des articles 4l et 42, précités;
Mais considérant que KINDA AUGUSTIN se prétendant créancier de dame KONE FATOUMATA ne justifie d'aucun titre de créance pour réaliser son droit de rétention;
Qu’il y a lieu de rejeter ce moyen de défense;
Considérant que les appelants reprochent à dame KONE de ne pas rapporter la preuve de ses prétentions et prétendent que les biens meublant les lieux appartiennent au bailleur;
Mais considérant qu'il ressort du contrat de bail dans la rubrique désignation in fine : "OBSERVATION étant faite que les équipements actuels à savoir : mobiliers, climatisation ligne installation téléphonique et équipement du restaurant appartiennent au preneur ";.
Que dès lors les appelants ne peuvent valablement soutenir que dame KONE n'est pas propriétaire des biens meublant l'hôtel loué alors même que cela ressort du contrat les liant;
Que mieux dame KONE produit différentes factures attestant de la réalité de ses prétentions;
Qu’aussi y a-t-il lieu de faire droit à sa demande tendant à le restitution de ses biens meublant l'hôtel;
Considérant qu'il est constant comme résultant des pièces de la procédure que dame KONE FATOUMATA sollicite une astreinte comminatoire de 500.000 F par jour de retard;
qu'il est en effet que KINDA AUGUSTIN est sans ignorer que ces biens réclamés par dame KONE sont la propriété de cette dernière, que cela ressort nettement du contrat les liant;
Que la rétention opérée par les appelants est injustifiée;
Qu’aussi y a-t-il lieu à la demande d'astreinte comminatoire de 500.000 F par jour de retard;
Considérant que les appelants succombent; qu'il y a lieu de les condamner aux dépens;.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Déclare KINDA AUGUSTIN et TE BIEGNAND recevables en leur appel relevé de l'ordonnance de référé N°5966 du 29 Août 2003 de la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan
AU FOND
Annule ladite ordonnance pour violation des dispositions
Combinées des articles 226 et 142 du code de procédure civile;
Evoquant
Déclare dame KONE FATOUMATA bien fondée en sa demande;
Fait injonction à KINDA AUGUSTIN et Maître TE BIEGNAND de récupérer à dame KONE FATOUMATA de récupérer ses biens restés dans l’enceinte de l'Hôtel Hibiscus sous astreinte comminatoire de 500.000 F par jour de retard à compter de notification du présent arrêt;
Condamne les appelants aux dépens.