J-03-339
VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION – TITRE EXECUTOIRE DELIVRE PAR LA COUR SUPREME – REMISE EN CAUSE DE LA SAISIE PAR LES JURIDICTIONS INFERIEURES (Non).
Lorsqu’une saisie-attribution est effectuée sur le fondement d’un arrêt de la Cour Suprême, les juridictions inférieures ne peuvent remettre cette saisie en cause.
(Cour d’Appel d’Abidjan, arrêt n° 1235 du 21 novembre 2003, AYANTS DROIT DE FEU TAHIROU MOUSSA C/SOCIETE CFCI & UN AUTRE).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;.
LES FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Considérant que par exploit d'huissier en date du 07 Octobre 2003, les ayants-droit de TAHIROU MOUSSA ont relevé appel de l'ordonnance n°5303 rendue le 20 Novembre 2002 par le juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan et dont le dispositif est ainsi libellée :
"- Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en premier ressort;
– Au principal renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais dès à présent vu l'urgence et par provision;
– Déclarons nul l'exploit de saisie attribution en date du 1er Octobre 2002 pour non respect des dispositions de l'article 157 du traité OHADA sur les voies d'exécution (sic);
Qu'en effet, ledit exploit mentionne un taux d'intérêt de 17 %;
Que ce taux de 17 % est erroné, le taux d'intérêt en cours actuellement étant de 6,5 %;
Qu'elle affirme que l'indication d'un taux d'intérêt inexact équivaut à une absence de mention du taux d'intérêt sanctionnée par la nullité;
Que non seulement l'inexactitude du taux d’intérêt rend erronée le montant des intérêts réclamés à la requérante mais encore ledit montant a été doublement calculé;
Que les requis ont calculé d'abord les intérêts sur six (6) mois sur la base du principal puis ont utilisé le montant en résultant pour calculer les intérêts sur un (01) an huit (08) mois;
Qu'elle articule que les intérêts résultant d'un tel taux et d'un tel calcul sont irréguliers;
Qu'elle souligne que la TPS de 25 % réclamée n'est pas due a l'huissier ainsi que le droit de recette obtenu à partir de calculs erronées;
Qu'en outre, divers frais dénués de tout fondement sont réclamés sans justificatifs;
Qu'elle déclare que par ailleurs, l'exploit de saisie du 1er octobre 2002 ne comporte pas l'indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant;
Qu'elle estime que pour toutes ces irrégularités, l'exploit de saisie-attribution du 1er Octobre 2002 doit être déclaré nul et la mainlevée de ladite saisie ordonnée;
Qu'elle précise que l'acte de dénonciation du 04 Octobre 2002 indique comme date à laquelle expire le délai d'un mois le 04 Novembre 2002;
Qu'aux termes de l'article 335 de l'acte suscité, les délais sont francs;
Qu'en raison de la franchise des délais, la date d'expiration délai de contestation est le 05 Novembre 2002 et non le 04 Novembre 2002;
Que l'indication d'une mention erronée équivaut à l'absence de cette mention;
Qu'elle articule que l'acte de dénonciation devra être déclaré nul;
Qu'elle signale que par ailleurs, l'acte de dénonciation indique comme juridiction compétente devant laquelle les contestations pourraient être portées le Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
Que cependant, la juridiction compétente est le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
Que la juridiction présidentielle étant une juridiction distincte du Tribunal de Première Instance, il s'agit encore d'une indication erronée qui entache de nullité l'acte de dénonciation;
Qu'elle estime que le juge des référés déclarera nul l'exploit de dénonciation et dira en conséquence caduque la saisie du 1er Octobre 2002 et en ordonnera la mainlevée;
Qu'elle affirme qu'en outre, les sommes réclamées sont mal fondées;
Qu'en effet elle signale que les Ayants-droit de TAHIROU MOUSSA réclament le paiement d'intérêts de droit au motif que le montant principal serait payé;
Que cependant par ordonnance numéro 2819/2002 du 09 Juillet 2002, un Vice-président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan a ordonné la consignation du montant de la condamnation de l'arrêt numéro 29 du 27 Décembre 2001 à la CARPA jusqu'à l'issue des procédures civiles pendantes devant le Tribunal de Première Instance de Bouaké;
Qu'en vertu de cette ordonnance, le montant de la condamnation a été consigné à la CARPA par un exploit du 17 Juillet 2002;
Qu'elle soutient que le paiement du principal allégué par les requis lui est inopposable;
Qu'en effet, le paiement opéré par la CARPA étant injustifié et irrégulier, elle a assigné celle-ci devant le Tribunal de Première Instance d'Abidjan en remboursement des sommes dont elle s'est dessaisie;
Que le Tribunal de Première Instance d'Abidjan a condamné la CARPA à reconstituer le compte séquestre (décision non disponible);
Que le paiement du montant de la condamnation étant contesté, les intérêts de droit ne peuvent être réclamés;
Qu'elle allègue que la Cour dira que le règlement dont se prévalent les requis étant contesté et mal fait, les intérêts de droit ne peuvent être réclamés en l'état et ordonnera la mainlevée de la saisie;
Qu'elle précise que par ailleurs, les intérêts de droit sont réclamés du 02 Juin 2000 au 20 Août 2002 c'est-à-dire depuis l'arrêt de la Cour d'Appel de Bouaké;
Que cet arrêt a été cassé et annulé par la Cour Suprême le 27 Décembre2001;
Qu'elle souligne que ledit arrêt ne peut donc servir de base de calcul des intérêts de droit;
Que le point de départ des intérêts de droit dans l'hypothèse où ils seraient dus ne peut être que la date de l'arrêt de cassation qui fixe le montant de la condamnation;
Que pour toutes les raisons suscitées, elle sollicite de la Cour d'ordonner la main-levée de la saisie pratiquée le 1er Octobre 2002 sur le compte SGBCI de la requérante;
Condamne les défendeurs aux dépens;
Considérant qu'à l'appui de son acte d'appel, les ayants-droit de TAHIROU MOUSSA, par l'organe de leur conseil Maître AMANY KOUAME, exposent que par exploit d'huissier en date du 1er Octobre 2002, ils ont pratiqué une saisie attribution sur les comptes de la Société CFCI TEXTILES ouvert dans les livres de la SGBCI pour avoir paiement de la somme de 7.589.508 F/CFA;
Que cette saisie a été dénoncée à la CFCI le 04/10/2002;
Qu'ils déclarent que cette saisie dénoncée à la CFCI n'a point été contestée; que c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ils ont sollicité et obtenu un certificat de non contestation délivré par le secrétariat de la chambre judiciaire de la Cour Suprême et signifiée tant à la CFCI qu'à la SGBCI;
Que c'est ce refus de la part de la SGBCI de remettre le chèque de la somme saisie sur le compte de sa cliente aux ayants-droit de TAHIROU MOUSSA qui a fait qu'elle a été assignée en référé d'heure à heure devant la juridiction présidentielle pour avoir paiement sous astreinte comminatoire à compter de la date du prononcé;
Que le 04/11/2002, la CFCI aurait saisi la juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan-Plateau pour demander la nullité et la mainlevée de ladite saisie;
Qu'ils précise que cette assignation n'a jamais été délaissée aux ayants-droit qui résident tous à BOUAKE et où les services ne fonctionnent pas pour cause de guerre;
Qu'en raison de la situation de guerre prévalant à BOUAKE, domicile de ceux-ci, l'huissier instrumentaire délaisse l'assignation à comparaître à la Mairie d'Abidjan;
Que les services de la POSTE de Côte d’Ivoire ont refusé de faire les lettres recommandées à destination de BOUAKE arguant de la fermeture de leurs services dans cette ville en raison de la situation de guerre;
Qu'ils affirment qu'il ne peut être contesté qu'ils étaient les défendeurs principaux de l'action initiée par la CFCI;
Que par ordonnance N°5303 du 20 Novembre 2002, le juge a déclaré nul l'exploit de saisie attribution en date du 01/10/2002 pour non respect des dispositions de l'article 157 de l'Acte Uniforme de l'OHADA sur les voies d'exécution;
Que cette décision n'est pas encore signifiée aux requérants que contre toute attente, il leur est délaissé par ministère de Maître René DESPRES, huissier de justice, un exploit de signification d'un certificat de non appel;
Que dès lors, en vertu de l'article 172 du traité OHADA sur les voies d'exécution (sic), ils saisissent la Cour d'Appel aux fins d'infirmation de la susdite ordonnance;
Qu'ils rappellent que conformément à l'article 172 alinéa 1er du traité OHADA sur les voies d'exécution (sic);
"La décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d'appel dans les quinze jours de sa notification ";
Qu'ils précisent qu'en l'espèce, l'ordonnance querellée ne leur est pas encore été notifiée;
Qu'ils estiment qu'en conséquence, la Cour déclarera l'appel interjeté par eux recevable;
Qu'ils soutiennent que la saisie pratiquée en date du 01/10/2002 sur les comptes de la CFCI TEXTILE entre les mains de la SGBCI est régulière en ce qu'elle respecte toutes les exigences de l'article 157 de l'OHADA (de l’acte uniforme) sur les voies d'exécution;
Que de surcroît, ladite saisie a été régulièrement dénoncée dans le délai de huit jours qu'exige l'article 160 dudit traité (sic);
Qu'ils soulignent qu'au surplus, la contestation élevée par la Société CFCI est tardive;.
Qu'ils déclarent qu'il n'y avait pas lieu d'y faire droit comme le fit le juge des référés;
Qu'ils estiment que par conséquent, la Cour d'Appel après vérification de la régularité de la saisie-attribution quand au fond et à la forme infirmera l'ordonnance querellée et restituera à ladite saisie son plein et entier effet;.
Considérant que pour sa part la Société CFCI, par l'organe de son conseil Maître KONATE soulève in limine litis l'irrecevabilité de l'appel des ayants-droit de TAHIROU MOUSSA au motif que ledit appel a été relevé hors le délai légal;.
Qu'au fond elle expose que la 1er Octobre 2002, les ayants-droit de TAHIROU MOUSSA ont fait pratiquer une saisie-attribution sur son compte ouvert dans les livres de la SGBCI;.
Que cette saisie a été dénoncée le 04 Octobre 2002;
Que la saisie-attribution a été pratiquée en vertu de l'arrêt de la Cour d'Appel de Bouaké rendu le 02 Juin 2000 sous le numéro 200, de l'arrêt de la Cour Suprême numéro 029/2001 du 27 Décembre 2001 et de l'ordonnance N°047/2002 en date du 28 Juin 2002 du Président de la Cour Suprême;
Que cette saisie vise à obtenir le paiement des intérêts de droit du montant de la condamnation prononcée par les arrêts suscités ainsi que les frais exposés;
Qu'elle soutient que non seulement les exploits de saisie-attribution et de dénonciation sont entachés de nullité mais les sommes réclamées ne sont pas dues;
Qu'elle déclare que l'acte de saisie du 1er Octobre 2002, n'est pas conforme aux dispositions de l'article 157 du traité OHADA relatif aux voies d’exécution;
Qu'elle estime que la Cour dira également que la réclamation autant du principal que des intérêts de retard est suspendue jusqu'au dénouement de la procédure pendante devant le Tribunal de Bouaké;
Que sur les frais de procédure, elle rappelle que les ayants-droit de TAHIROU MOUSSA réclament le paiement de divers frais;
Que cependant, la Cour Suprême dans son arrêt de cassation numéro 029/01/CP du 27 Décembre 2001, a mis les dépens à la charge du Trésor Public;
Que les dépens sont les frais engendrés par un procès;
Que les dépens comprennent : les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les secrétaires des juridictions de l'Administration des Impôts;
les rémunérations des techniciens,
les débours tarifiés,
les émoluments des officiers publics ou ministériels;
Qu'elle déclare que la Cour d'Appel constatera aisément que les différents frais réclamés par les requis sont relatifs aux rubriques suscitées;
Qu'elle estime que la Cour d'Appel dira en conséquence que les frais de procédure réclamés ne lui sont pas imputables;
Qu'elle ordonnera en conséquence la mainlevée de la saisie-attribution du 1er Octobre 2002;
Qu'elle confirmera en conséquence l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions;
Considérant que les ayants-droit de TAHIROU MOUSSA ont déposé de nouvelles écritures aux termes desquelles ils soutiennent que la décision querellée ne leur a pas été signifiée à leur personne mais à Maître AMANY KOUAME à un moment où ils n'avaient pas encore élu domicile en l'étude de ce dernier que d'ailleurs font-ils remarquer que par malice l'intimée leur a toujours signifié les exploits d'assignation à mairie sous prétexte que son huissier ne pouvait se rendre à Bouaké ou ils résident pour cause de guerre;
Qu'aussi sollicitent-ils de la Cour de déclarer recevable leur appel;
DES MOTIFS
De la recevabilité de 1'appel des ayants-droit de TAHIROU MOUSSA
Considérant qu'il ressort de l'exploit de signification de l'ordonnance querellée que c'est en l'étude de l'Avocat Maître AMANY KOUAME que la signification a été faite et non à la personne même des ayants-droit de TAHIROU MOUSSA lesquels ont déclaré qu'à la date de cette signification ils n'avaient pas encore élu domicile en l'étude de Maître AMANY KOUAME ;
Considérant que cette observation se trouve justifiée par l'expédition de l'ordonnance querellée versée au dossier, laquelle ne mentionne pas effectivement la constitution de Maître AMANY KOUAME comme conseil des ayants-droit de feu TAHIROU MOUSSA;
Que par conséquent l'ordonnance querellée n'ayant pas ainsi été signifiée à la personne des ayants droit de TAHIROU MOUSSA, le délai d'appel n'a pas pu courir à leur égard de sorte qu'au moment où ils relevaient appel ils étaient toujours dans le délai légal;
Que dans ces conditions il s'impose de déclarer recevable l'appel des ayants droit de TAHIROU MOUSSA comme étant intervenu selon les forme et délai prescrits par la loi;
Sur le bien fondée de l'appel des ayants-droit de TAHIROU MOUSSA
Considérant qu'il est reproché à la saisie attribution litigieuse un certain de nombre d'irrégularités;
Or considérant qu'à l'analyse de l'exploit de saisie-attribution du 1er Octobre 2002 versé aux débats il apparaît que toutes les mentions et les éléments énumérés par l'article 157 du traité OHADA relatif aux voies d’exécution, et qui constituent l'arrêté des sommes réclamées sont contenus dans ledit exploit;
Qu'il n'y a donc pas matière à prononcer la nullité de la saisie attribution litigieuse;
Considérant que de surcroît et en tout état de cause les sommes réclamées par les appelants et qui ont donné lieu à la saisie attribution litigieuse se fondent sur un arrêt de la Cour Suprême, or la loi interdit strictement aux juridictions inférieures de remettre en cause l’arrêt de la Cour Suprême;
Considérant que la Cour d'appel de céans n'ayant donc pas cette compétence et au regard de ce qui précède il impose donc d'infirmer l'ordonnance et, de restituer à la saisie attribution litigieuse son plein et entier effet;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare les Ayants-droit de TAHIROU MOUSSA recevables en leur appel relevé de l'ordonnance de référé N°5303 rendue le 20 Novembre 2002 par le juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan-Plateau;
AU FOND
– Les y dit bien fondés;
– Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance querellée;
Statuant à nouveau,
– Restitue à la saisie-attribution pratiquée le 1er Octobre 2002, par les ayants-droit de TAHIROU MOUSSA sur le compte de la Société CFCI ouvert dans les livres de la SGBCI, son plein et entier effet;
– Condamne l'intimée aux dépens.