J-03-34
SAISIE CONSERVATOIRE – JUGEMENT DE CONDAMNATION ASSORTI DE L’EXECUTION PROVISOIRE – CONVERSION EN SAISIE VENTE.
Article 69 AUPSRVE ET SUIVANTS
En présence d’une ordonnance du Président du Tribunal Régional autorisant la saisie conservatoire et suivant procès verbal d’une telle saisie, il y a lieu de la convertir en saisie vente conformément aux dispositions des articles 69 et suivants de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement des créances, par voie extrajudiciaire, en assortissant le jugement de condamnation de l’exécution provisoire.
(Tribunal Régional de Thiès, Jugement du 22 août 2002, SENEMECA contre Compagnie des Mines DU CAYOR (COMICA)).
RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL
COUR D’APPEL DE DAKAR
TRIBUNAL RÉGIONAL DE THIÈS
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, moyens et fins;
Ouï le Ministère Public;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par exploit en date du 06 novembre 2001 de Me Papa Sourakhatou DIENE, Huissier de justice à Thiès, la société SENEMECA a donné assignation à la Compagnie des Mines du Cayor dite COMICA, aux fins d’entendre la condamner à lui payer la somme de 4.728.406 FCFA au principal, outre les intérêts de droit et frais, et celle de 2.000.000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive; de valider la saisie conservatoire et la transformer en saisie vente avec toutes les conséquences de droit; l’exécution provisoire nonobstant toute voie de recours et sans caution, et la condamnation de la requise aux entiers dépens étant également sollicitées;
Attendu que par conclusions en date du 18 mars 2002, la COMICA s’est portée demanderesse reconventionnelle, en sollicitant le débouté de la SENEMECA de l’ensemble de ses demandes, et de lui allouer la somme de 500.000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive; qu’à titre subsidiaire, la COMICA propose de ramener la demande de SENEMECA à la somme de 1.000.000 F;
EN LA FORME
Attendu que tant la demande principale que celle reconventionnelle ont été introduites dans les forme et délai prévus par la loi; qu’il convient de les déclarer recevables;
AU FOND
Attendu que par conclusions datées du 03 janvier 2002, la société SENEMECA soutient être créancière de la COMICA de la somme de 4.728.408 F correspondant au montant de la facture N° 215.346 du 20 novembre 2000 émise suite à des prestations effectuées sur un groupe électrogène MTU cylindre;
Attendu que par conclusions en date du 11 mars 2002, la COMICA fait remarquer que la mission confiée à SENEMECA était de « vérifier le groupe électrogène MTU à la carrière de DIACK » et qu’elle ne peut être poursuivie pour les sommes dues au titre de la prestation sollicitée; qu’elle poursuit en relevant qu’elle ne peut accepter de payer des sommes dont la spécification est sans rapport avec l’objet de son bon de commande, qui était de recueillir l’avis d’un technicien sur l’état du groupe électrogène; qu’elle soutient avoir engagé des pourparlers avec la SENEMECA pour qu’elle ramène ses prétentions à la somme de 1.000.000 F, mais sans succès; que la concluante précise que la SENEMECA devait recueillir des instructions de sa part pour une intervention plus poussée; qu’ainsi, elle ne peut se prévaloir de sa propre turpitude; qu’au demeurant, ajoute la COMICA, la facture excipée par SENEMECA ne comporte pas le détail tarifaire des prestations listées, ni les coûts des fournitures, encore moins le tarif horaire de l’intervention; qu’elle comporte des ratures et est confectionnée de manière unilatérale; que la COMICA déplore l’absence d’un procès-verbal de réception attestant l’accomplissement des prestations alléguées, et sollicite le débouté de la SENEMECA de l’ensemble de ses demandes et l’allocation de la somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;
Attendu que par écritures datées du 15 mai 2002, la société SENEMECA relève la contradiction dans les prétentions de la COMICA, consistant à solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive, tout en voulant réduire la somme réclamée à 1.000.000 F; que la concluante rappelle que c’est le Directeur de la COMICA qui avait demandé son intervention; que c’est la raison pour laquelle elle a déplacé un électromécanien qui a diagnostiqué plusieurs pannes mécaniques sur le groupe électrogène; qu’elle précise que le bon de commande ne pouvait être que succinct, dès lors que l’état dudit groupe était méconnu; que la concluante fait observer que la COMICA a été tenue informée du rapport de diagnostic en date du 31 septembre 2000, et que sur instruction du Directeur de ladite société, il lui a été demandé de remonter le moteur à faux frais, c'est-à-dire sans obligation; demande (faite) pour permettre sa réexpédition en Allemagne; qu’elle en conclut que la réalité des travaux ni leur nature ne peuvent être valablement contestées et que la COMICA a souhaité une réduction du coût de l’intervention, au seul motif qu’elle a été sans issue; que la SENEMECA souligne que son intervention ne consistait pas à réparer le groupe électrogène, mais avait pour unique but d’établir le diagnostic pour connaître son état réel;
Attendu que par conclusions en date du 12 juin 2002, la COMICA rétorque qu’il n’y a aucune contradiction entre ses demandes principale et subsidiaire; qu’elle soutient que la SENEMECA a voulu l’embarquer dans une dynamique de réparation; qu’elle argue du fait que la SENEMECA n’avait pas besoin, pour de simples vérifications sur l’état du groupe, de procéder à la vidange du carter d’huile, au démontage des chapeaux de bielle et au démontage organique; que la concluante souligne que SENEMECA n’a pas indiqué le nombre d’heures pour la vérification ni le tarif horaire; qu’elle émet de sérieuses réserves sur la fiabilité de la facture;
SUR LA CRÉANCE.
Attendu que le bon de commande de COMICA adressé à la SENEMECA est ainsi libellé « vérification du groupe électrogène MTU à la carrière de DIACK »; que procéder à la vérification du groupe électrogène signifie effectuer un diagnostic complet pour déterminer son état; que pour ce faire, encore faut-il procéder au démontage dudit groupe électrogène et vérifier toutes les pièces afférentes à sa bonne marche; qu’ainsi, les opérations suivantes ont été effectuées : vidange du carter d’huile, démontage des chapeaux de bielle n°1A-13, 2A-13, 2A et 3B, diagnostic de laverie des coussinets des manetons 1 et 2; démontage organique en atelier : contrôle géométrique et dimensionnel; remontage organique de l’ensemble des pièces à faux frais pour transport moteur; qu’il s’est agi ainsi de simples vérifications des pièces du groupe électrogène et de leur remontage;
Attendu que la facture produite par SENEMECA comporte toutes les prestations effectuées dans le cadre de la mission à lui confiée par la COMICA; que dans ses conclusions datées du 15 mai 2002, la SENEMECA a soutenu sans être contredite, avoir procédé sur instruction de Monsieur Saliou NDIONE, Directeur de COMICA, au remontage du moteur à faux frais; qu’une telle prestation ne pouvait que figurer dans la facture de SENEMECA;
Attendu que les travaux de SENEMECA ont été effectués sur le site de la COMICA; qu’en conséquence, cette dernière se devait de dépêcher sur place un de ses représentants pour procéder au contrôle des prestations faites par la SENEMECA et leur conformité par rapport au bon de commande; qu’en outre, la COMICA devait, avant les travaux de la SENEMECA sur le groupe électrogène, discuter et arrêter avec cette dernière, les modalités de sa vérification et le tarif des différentes prestations; qu’ayant manifesté sa carence, la COMICA est mal fondée à contester le montant de la facture, pour ensuite proposer sa réduction à la somme de 1.000.000 F; qu’ainsi, elle ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour déclarer mal fondé le montant ainsi réclamé et exciper d’une surfacturation; que plus décisivement, le fait par la COMICA, de vouloir ramener le montant de la facture à 1.000.000 F prouve à suffisance l’effectivité des prestations de SENEMECA sur le groupe électrogène; qu’elle n’apporte d’ailleurs aucune contestation sérieuse relativement à la somme réclamée; qu’il convient dès lors de dire que la créance de 4.728.408 F est suffisamment établie à l’encontre de la COMICA; qu’il échet par conséquent, de la condamner à payer cette somme à la SENEMECA, outre les intérêts de droit, à compter du 17 août 2001, date du commandement de payer et les frais;
SUR LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS.
Attendu que la facture date du 20 novembre 2000; qu’un commandement de payer servi à la COMICA est resté infructueux; que la SENEMECA a été obligée de procéder à la saisie de la COMICA, après y avoir été autorisée par ordonnance du Président du Tribunal Régional de Thiès en date du 31 octobre 2001; qu’ainsi, plusieurs démarches ont été entreprises pour le recouvrement de la créance; qu’une telle attitude de la COMICA s’analyse en une résistance abusive source de préjudice réparable pour la SENEMECA; qu’il convient d’allouer à cette dernière, la somme de 200.000 F à titre de dommages et intérêts et de condamner la COMICA à lui payer;
SUR LA CONVERSION DE LA SAISIE.
Attendu que la SENEMECA, agissant en vertu d’une ordonnance N° 349 du Président du Tribunal Régional a, suivant procès-verbal en date du 26 novembre 2001, régulièrement pratiqué une saisie conservatoire sur les biens de la COMICA, à savoir : un benne mécanique de marque « Caterpillar » Model 980 F 2; un bull élévateur type 2309 de marque PP, n° de série 4746; que la conversion de cette saisie en saisie vente doit être faite conformément aux dispositions des articles 69 et suivants de l’Acte Uniforme portant recouvrement simplifié et voies d’exécution;
SUR L’EXÉCUTION PROVISOIRE.
Attendu que la créance est matérialisée par une facture qui ne souffre d’aucune contestation sérieuse; qu’elle est ancienne et la COMICA fait preuve d’une mauvaise foi de nature à mettre en péril le recouvrement; qu’il y a dès lors urgence pour que l’exécution provisoire soit ordonnée pour la totalité de la créance de 4.728.408 F nonobstant toutes voies de recours et sans caution;
SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE.
Attendu que la SENEMECA a triomphé dans ses principales prétentions; qu’il ne résulte de sa procédure aucune intention de nuire aux intérêts de la COMICA; qu’il convient dès lors, de débouter cette dernière de sa demande comme non fondée;
Attendu que la COMICA a succombé, il échet de mettre les dépens à sa charge;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
– Déclare recevable la demande principale et reconventionnelle;
AU FOND
– Dit que la créance de 4.729.408 F est suffisamment établie à l’encontre de la COMICA;
– La condamne en conséquence à payer cette somme à la société SENEMECA, outre les intérêts de droit à compter du 17 août, date du commandement de payer et les frais;
– Alloue à la société SENEMECA la somme de 200.000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive;
– Condamne la COMICA à lui payer cette somme;
– Dit que la conversion de la saisie se fera conformément aux dispositions des articles 69 et suivants de l’Acte Uniforme relatif au recouvrement simplifié et voies d’exécution;
– Ordonne l’exécution provisoire pour la totalité de la créance de 4.728.408 F nonobstant toutes voies de recours et sans caution;
– Déboute la COMICA de sa demande reconventionnelle comme non fondée;
– Met les dépens à la charge de la COMICA;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, consultant
On ne peut que suivre le tribunal lorsqu’il condamne le débiteur à payer la facture de son créancier pour des prestations effectivement exécutées, apparemment et en l’état du dossier, conformément à l’ordre donné.
Par contre, on doit émettre des réserves sur l’octroi automatique et aveugle de l’exécution provisoire. Ce n’est pas parce qu’une créance est ancienne qu’elle mérite un recouvrement immédiat malgré l’appel possible. L’urgence est à rechercher ailleurs : l’insolvabilité du débiteur, la nécessité pour le créancier de recouvrer sa créance afin d’améliorer sa trésorerie…Même dans ce cas, la mesure d’exécution provisoire peut ou doit être assortie de précautions telles que la fourniture d’une caution à moins d’être persuadé de la solvabilité du créancier en cas de retournement de la situation en appel. Or, sur tous ces points, la motivation du jugement reste silencieuse.