J-03-346
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – REHABILITATION DE L’IMMEUBLE – CONTINUATION DES TRAVAUX DECIDEE PAR LA COUR SUPREME – OUVERTURE DES PORTES PAR LE JUGE DES REFERES (NON).
Lorsque la Cour Suprême décide la continuation des travaux dans un immeuble objet d’un bail commercial, le juge des référés ne peut ordonner la réouverture des portes fermées, le locataire dans ces conditions ne pouvant plus demeurer dans les lieux.
(Cour d’Appel d’Abidjan, arrêt n°1098 du 29 juillet 2003, La SCI Résidence du Stade C/ Maître Béatrice COWPPLI BONI).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Par exploit en date du 11 Juin 2003 comportant ajournement au 24 Juin 2002, la Société Civile Immobilière Résidence Stade ayant pour conseil, la SCPA Paris Village a relevé appel de l'ordonnance de référé N°5937 non encore signifiée, rendue le 30 Décembre 2002 par la juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan dont le dispositif est le suivant :
"Statuant publiquement, en matière de référé d'heure à heure et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais dès à présent, vu l'urgence et par provision;.
Déclarons la requête recevable;
La disons bien fondée;.
Ordonnons la réouverture des portes du cabinet de Maître COWPPLI BONY et la restitution des clefs sous astreinte comminatoire définitive de 500.000 F par jour de retard à compter du prononcé de la présente décision;
Condamnons les requis aux entiers dépens ";.
Considérant que la SCI Résidence Stade expose qu'elle est propriétaire d'un immeuble sis à Abidjan-Plateau, Avenue Docteur CROZET et dans lequel Maître COWPPLY BONY est à 1'instar d'autres locataires, bénéficiaire d'un bail à usage professionnel;.
Que la construction dudit immeuble remontant à 1965. Cet immeuble est à ce jour dans un état de vétusté tel qu'il ne satisfait plus aux exigences et normes de sécurité des bâtiments actuellement en vigueur;
Qu'un rapport daté du 16 Septembre 2000 établi par le Cabinet d'étude d'architecture et d'Aménagement relevait cet état des faits et recommandait la rénovation de 1'immeuble;
Que conformément à ce rapport la SCI Résidence Stade a, par exploit du 28 Novembre 2000 donné congé aux 22 locataires de l’immeuble dont Maître COWPPLI BONY est locataire, ce, pour la nécessité des travaux de réparation;
Que cet exploit a imparti six mois aux occupants pour quitter les lieux en les avertissant qu'à l'expiration de ce délai, les travaux démarreront;
Qu'à la suite de ce congé, certains locataires ont quitté les lieux;
Que cependant d'autres ont résolu de s'y maintenir;
Que ceux-ci ont dans un premier temps entrepris de protester au congé par un exploit du 22 Mai 2001 en subordonnant leur départ au règlement par la propriétaire d'une indemnité d'éviction;
Qu'en réponse à cette réclamation, elle (l'appelante) a délivré aux locataires un exploit en date du 18 Juin 2001 dans lequel il leur était notamment expliqué que le congé du 28 Novembre 2000 :
– Trouve sa justification dans la nécessité d'effectuer les travaux de réhabilitation;
– Ne remettant pas en cause ni le droit au renouvellement de leurs baux, ni leurs droits de priorité après rénovation des lieux loués;
Qu'après ces explications; quinze locataires ont accepté de partir;
Que cependant, cinq locataires dont l'intimée ont persisté dans leur refus en réitérant leurs demandes d'indemnités d'éviction;
Qu'à l'expiration du congé, elle a encore par une correspondance du 11 Avril 2002, rappelé aux locataires résistants l'imminence du début des travaux en les invitant à quitter les lieux;
Que ces démarches étant restées vaines, les travaux de rénovation ont débuté;
Que c'est pendant le cours de ces travaux que Maître COWPPLI BONI ainsi que cinq autres locataires arguant d'un trouble de jouissance ont saisi le juge des référés pour voir ordonner l'arrêt des travaux;
Que le Président du 'Tribunal de Première Instance d'Abidjan a, par l'ordonnance de référé N°2746 du 03 Juin 2002, ordonné l'arrêt des travaux sous astreinte de 1.000.000 F CFA par jour de retard au profit de chacun des requérants à compter du prononcé de la décision;.
Que se soumettant à cette décision, la SCI Résidence Stade a suspendu ses travaux en relevant toutefois appel de l'ordonnance susvisée par exploit en date du 17 Juillet 2002;
Que sur cet appel, la cour d'Appel d'Abidjan, par arrêt N°1081 du 11 Octobre 2002 a "infirmé l'ordonnance N° 2746 du 03 Juin 2002, et statuant à nouveau, a dit que le juge des référés est incompétent ;
Que cette décision a été signifiée par exploit du 30 Octobre 2002 après quoi seulement les travaux ont repris;
Que contre l'arrêt d'infirmation les locataires récalcitrants ont formé un pourvoi en cassation suivant exploit du 24 Décembre 2002, saisi le Président de la Chambre Judiciaire de la cour Suprême d'une demande de suspension d'exécution dudit arrêt à laquelle il a été fait droit par ordonnance N°252 du 15/11/2002 par Monsieur le Président de la Chambre Judiciaire;
Que la cour Suprême a par arrêt N°28 du 16/01/2005 ordonné la continuation des poursuites;
Que c'est postérieurement et parallèlement aux procédures susvisées que Maître COWPPLI BONI a cru pouvoir à nouveau assigner la SCI Résidence Stade en référé d'heure à heure pour ordonner l'ouverture de la porte d'entrée de son Cabinet;
Que le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan a par ordonnance N°5937 du 30/12/2002 fait droit à la demande de Maître COWPPLI BONI;
Que c'est de cette ordonnance que 1a SCI Résidence Stade a relevé appel et en demande l'infirmation;
Que pour ce faire, l'appelante plaide l'incompétence du juge des référés d'une part pour contestation sérieuse sur la relation des faits par les parties et d'autre part au regard de l'article 222 du code de procédure civile;
Qu'en effet, la SCI Résidence Stade, rappelle que sur requête de Maître COWPPLI BONI, le juge des référés a ordonné l'arrêt des travaux entrepris par la SCI Résidence Stade sous astreinte comminatoire de 1.000.000 F CFA par jour de retard;
Que sur son appel, la cour d'appel a, par arrêt N°1081 du 11 Octobre 2002 infirmé la décision de suspension des travaux et statuant à nouveau a déclaré le juge des réfères incompétent;
Que contre cet arrêt un pourvoi en cassation a été formé qui est actuellement pendant devant la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême;
Que dès lors, il était légalement impossible de saisir le Juge des réfères de première Instance; puisque aussi bien, selon l'article 222 alinéa 2 du code de procédure civile "les ordonnances de référé ne peuvent faire grief à une décision rendue par une Juridiction supérieure; les ordonnances de référés prises dans les matières réglées par une décision d'une juridiction supérieure sont de plein droit de nul effet";
Considérant que Maître COWPPLY BONI, citée à Mairie, n'a ni comparu, ni conclu;
Que la preuve n'est pas faite qu'elle a reçu l'exploit d'appel, l'accusé de réception de la lettre recommandée n'étant pas produit;
Qu'il y a ainsi lieu de statuer par défaut à son égard;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que l'appel intervenu dans les forme et délai légaux est recevable;
De l'incompétence du juge des référés
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 95 du traité OHADA (sic) portant droit commercial général que dans le cadre de la réhabilitation de l'immeuble où se trouvent les lieux loués, le locataire ne peut plus demeurer dans lesdits locaux au moment où démarrent les travaux;
Considérant que par arrêt N°028/2002 du 18 Novembre 2002 la Cour Suprême a ordonné la poursuite des travaux de réhabilitation de l'immeuble le Stade;
Que dans ces conditions, le juge des référés ne peut sans porter préjudice au fond, ordonner la réouverture des portes fermées dans les circonstances décrites ci-dessus;
Qu'il aurait dû se déclarer incompétent;
Qu'il convient donc d'infirmer l'ordonnance entreprise;
Considérant que l'intimée succombe, elle doit supporter les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, à l'égard de l'appelante et par défaut à l'égard de l'intimée, en matière de référé et en dernier ressort;
Déclare recevable et bien fondée la SCI Résidence Stade en son appel relevé de l'ordonnance de référé N°5937 rendue le 20 Décembre 2002 par la juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
Infirme ladite ordonnance;
Statuant à nouveau
Déclare le juge des référés incompétent;
Condamne l'intimée aux dépens distraits au profit de la SCPA "Paris Village", Avocats aux offres de droit.