J-03-36
LOCATION GERANCE – NATURE DE BAIL COMMERCIAL (NON) – PROPRIETAIRE DE L’IMMEUBLE EGALEMENT PROPRIETAIRE DU FONDS DE COMMERCE – OBLIGATION DE CINSENTIR UN BAIL COMMERCIAL AU LOCATAIRE GERANT (NON).
DROIT DU LOCATAIRE GERANT AU RENOUVELLEMENT DU BAIL OU A UNE INDEMNITE D’EVICTION (NON).
SAISINE PAR LE LOCATAIRE GERANT D’UNE AUTRE JURIDCTION POUR CONTESTER LE CONGE – ABSENCE D’IDENTITE DES DEUX LITIGES – EXCEPTION DE LITISPENDANCE IRRECEVABLE.
Article 69 AUDCG
Article 71 AUDCG
Article 93 AUDCG
La présomption contenue dans l’article 71 AUDCG ne concerne que la définition du bail commercial et non le contrat de location gérance.
Cette disposition ne prévoit nullement que le bailleur du fonds de commerce est tenu de conférer au preneur un bail commercial lorsqu’il est également propriétaire de l’immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce. Le locataire gérant ne peut pas prétendre à un bail commercial du fait de son contrat de location gérance.
En effet, le contrat de location gérance est un contrat par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce donne son fonds en jouissance, moyennant redevance, à un commerçant qui l’exploite personnellement et à ses risques et profits.
La location gérance étant ainsi caractérisée, sa résiliation se fait suivant les stipulations contractuelles qui prévoient en l’espèce que la résiliation pouvait se faire à tout moment moyennant un préavis de trois mois.
(Tribunal Régional de Thiès, Audience civile et commerciale, jugement du 21 mars 2002, TOTAL ELF FINA SENEGAL contre Boubacar SIDIBE).
(Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement du 24 septembre 2002, Société Total Fina Elf Sénégal c/ Aliou Diouf).
PREMIERE ESPECE.
RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL
COUR D’APPEL DE DAKAR
TRIBUNAL RÉGIONAL DE THIÈS
Audience publique du 21 mars 2002
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, moyens et fins;
Ouï le Ministère Public, qui a déclaré s’en rapporter à Justice;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par acte de Me Ndèye Lyssa BARRY en date du 24 octobre 2002, la Société TOTALFINA ELF SENEGAL a servi assignation à Boubacar SIDIBE devant le Tribunal de céans, aux fins de s’entendre constater la résiliation du contrat de location-gérance, et ordonner au requis de restituer le fonds de commerce, sous astreinte de 500.000 F par jour de retard, à compter du 22 octobre 2001, s’entendre, en tant que besoin, ordonner son expulsion, si mieux, la requérante n’aime laisser courir l’astreinte; que l’affaire n’ayant pu être enrôlée à l’audience du 08 novembre 2001, avenir a été servi pour l’audience du 06 décembre 2001, par acte du même huissier en date du 16 novembre 2001; que l’exécution provisoire sur minute et enregistrement est en outre sollicitée;
EN LA FORME
Attendu que l’action de la Société TOTALFINA ELF SENEGAL a été introduite dans les forme et délai légaux; qu’il échet de la déclarer recevable;
AU FOND
SUR LA NATURE DU CONTRAT DE BAIL LIANT TOTALFINA ELF SENEGAL À BOUBACAR SIDIBE :
Attendu que le Conseil de Boubacar SIDIBE a soutenu que la demande d’expulsion de TOTALFINA ELF SENEGAL est mal fondée, puisque contraire aux articles 71 et 93 de l’Acte Uniforme portant sur le droit commercial général, qui confère une nature commerciale au bail les liant et soumettant ledit bail au régime juridique d’ordre public régissant sa résiliation; qu’en effet, selon lui, le contrat de location-gérance du 15 septembre 1995, qui lie TOTALFINA ELF à son client SIDIBE est réputé bail commercial, puisqu’il est établi que :
« - D’une part, c’est en vertu de cette convention que le concluant exploite une activité commerciale dans les locaux;
– D’autre part, TOTALFINA ELF est aussi bien propriétaire de l’immeuble que du fonds de commerce; que ces deux conditions cumulativement remplies, justifient parfaitement l’application des dispositions de l’article 71 de l’Acte Uniforme susvisé, qui régissent les relations entre les parties depuis le 1er janvier 1998, en vertu de l’aliéna 3 de l’article 1er dudit Acte;
Attendu que le Conseil de TOTALFINA ELF, Me François SARR, dans ses écritures en date du 12 février 2002, a répliqué que les parties étaient liées par un contrat de location-gérance qui ne peut en aucun cas s’analyser en un bail commercial; qu’il résulte des dispositions expresses de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général, que la location-gérance de fonds de commerce est un contrat totalement distinct du bail commercial; que le bail commercial porte nécessairement sur un immeuble, des locaux ou sur un terrain nu sur lequel il est projeté d’édifier des locaux commerciaux, alors que la location-gérance est un mode d’exploitation du fonds de commerce; qu’en soutenant que TOTALFINA ELF étant propriétaire des locaux dans lesquels était exploité le fonds de commerce, était tenu de lui concéder un bail commercial, SIDIBE s’est mépris parce qu’il fonde son argumentaire sur les dispositions des articles 584 à 615 et 616 à 638 du Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC), qui étaient abrogées par la loi 98-21 du 26 mars 1998; qu’en tout état de cause, l’article 636 alinéa 2 du COCC disposait expressément qu’en cas de refus de renouvellement du contrat, le locataire gérant du fonds de commerce ne pouvait prétendre à une indemnité d’éviction; que l’article 71 de l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général n’est pas pertinent, car il réglemente le bail commercial, alors que la location-gérance n’est pas un bail commercial;
Attendu qu’il échet de faire observer contradictoirement aux allégations du Conseil de TOTALFINA ELF, que les dispositions du COCC concernant le bail commercial n’ont pas été totalement abrogées par l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général, dans la mesure où l’alinéa 2 de l’article 1er dispose expressément que : « En outre, tout commerçant demeure soumis aux lois non contraires au présent Acte Uniforme, qui sont applicables dans l’Etat partie où se situe son établissement ou son siège social »; que, principalement, les articles 635 et 636 du COCC, qui n’ont rien de contraire aux dispositions dudit Acte, demeurent en vigueur; qu’en effet, contrairement aux prétentions du Conseil de SIDIBE, les articles 69 et 71 de l’Acte Uniforme combinés ne prévoient nulle part que le bailleur du fonds de commerce est tenu de conférer au preneur, un bail commercial, lorsqu’il est également propriétaire de l’immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce;
Qu’il est tendancieux de conclure, comme il l’a fait, qu’en application de l’article 71 dudit Acte, le bail de SIDIBE est réputé bail commercial, puisqu’il est établi que :
– d’une part, c’est en vertu de cette convention que le concluant exploite une activité commerciale dans les locaux;
– que d’autre part, TOTALFINA ELF est aussi bien propriétaire de l’immeuble que du fonds de commerce;
Que ces deux conditions cumulativement remplies, justifient parfaitement l’application des dispositions de l’article 71 de l’Acte Uniforme, qui régissent les relations entre les parties depuis le 1er janvier 1998, en vertu de l’alinéa 3 de l’article 1er dudit Acte (écritures du 15.01.02);
Attendu, plus exactement, que les articles 69 et 71 de l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial, combinés, définissent tout simplement le bail commercial; qu’en effet, l’article 71 définit le bail commercial en référence à l’article 69, qui vise les villes concernées et les locaux ou immeubles concernés;
Attendu, cela étant précisé, qu’il échet de relever que la doctrine et la jurisprudence françaises en général, ne reconnaissent pas le droit au bail commercial au locataire, dans le cadre d’une location-gérance, puisque la condition sine qua non est que le bénéficiaire de la propriété commerciale doit être propriétaire du fonds de commerce, ce qui n’est point le cas du locataire gérant; que c’est le propriétaire du fonds qui peut le revendiquer, au cas où il ne serait pas propriétaire de l’immeuble où est exploité le fonds de commerce (voir Georges RIPERT et René ROBLOT, « Droit Commercial, Tome 1, 16è édition pages 457 et 458;
Que lorsque le bailleur est, en même temps, propriétaire du local où est exploité le fonds de commerce, comme c’est le cas en l’espèce, il n’y a pas bail commercial, mais simple jouissance par le locataire gérant, de ce bail inhérent à la location-gérance du fonds; que le bail porte à la fois « sur l’immeuble et le fonds de commerce », Cass. Cv. Sect. Com. 11 février 1963, recueil Dalloz, 1963 p.388;
Attendu qu’il est topique de rappeler que l’article 635 COCC dispose que « Le locataire gérant ne peut invoquer le droit au renouvellement du bail de l’immeuble;
Toutefois, si le bailleur est propriétaire de l’immeuble dans lequel est exploité le fonds, il doit accorder sur cet immeuble un bail commercial »;
Que l’alinéa 2 rapporté à l’alinéa 1 semble faire croire en l’existence d’un droit au renouvellement du bail ou de propriété commerciale, lorsque le bailleur est en même temps propriétaire du fonds, et de l’immeuble où il est exploité; cependant, ce n’est là qu’une formulation maladroite du législateur, qui vise le droit de jouissance des locaux par le locataire gérant; que cette interprétation est doublement assise sur l’alinéa 1er, qui pose carrément l’absence du droit au renouvellement du bail du locataire gérant, d’une part, et sur les dispositions de l’article 636 COCC subséquent au 635, qui dit expressément que : « En cas de refus de renouvellement du contrat, le locataire gérant ne peut prétendre à aucune indemnité d’éviction »;
D’autre part, « Qu’un bail commercial en référence à l’article 635 alinéa 2 COCC sans droit à une indemnité d’éviction dans le cas contraire, n’en est pas un »; qu’ainsi, il appert que même le législateur national (COCC) ne reconnaît pas au locataire gérant un droit de propriété commerciale ou de renouvellement du bail;
Que c’est cette même optique qu’a suivie le législateur OHADA, en ne reconnaissant pas le droit à la propriété commerciale au locataire gérant; qu’en effet, il existe des arguments textuels en ce sens; que le législateur OHADA a pris soin de distinguer dans le titre III de l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général, le bail commercial régi par le Titre I et le fonds de commerce par le Titre II, où il est question de la location-gérance dans le chapitre 2 intitulé « mode d’exploitation du fonds de commerce »; que le titre II, plus exactement son chapitre 2, qui concerne la location-gérance, ne renvoie nullement au chapitre 6 du titre I, qui parle des « conditions et formes du renouvellement » du bail commercial; que si la location-gérance du fonds pouvait conférer un droit de propriété commerciale au locataire gérant, le chapitre 2 du Titre II aurait nécessairement fait allusion aux articles du chapitre 6 du Titre I, ce qui n’est point le cas en l’espèce; qu’ainsi, ce faisant, le législateur OHADA, en s’abstenant de reproduire les dispositions des articles 635 et 636 du COCC, n’a entendu que se placer dans le sillage de la doctrine et de la jurisprudence françaises dominantes, qui dénient le droit de propriété commerciale au locataire gérant;
Attendu qu’en contemplation de tout ce qui précède, il échet de dire en définitive, que Boubacar SIDIBE ne peut pas prétendre à un bail commercial, du fait du contrat de location-gérance qu’il a signé avec TOTALFINA ELF SENEGAL;
SUR LA PROCÉDURE DE RÉSILIATION DU CONTRAT DE LOCATION-GÉRANCE.
Attendu que le Conseil de Boubacar SIDIBE a soutenu, dans ses écritures en date du 15 janvier 2002, que le contrat de location-gérance entre son client et TOTALFINA ELF SENEGAL était un bail commercial et, partant, était soumis à un régime spécial pour sa résiliation; que l’article 102 de l’Acte Uniforme susvisé imposait un régime d’ordre public; que dès lors, TOTALFINA ELF ne pouvait notifier un préavis par simple lettre et pour une durée de trois mois, alors qu’il fallait un préavis de six mois notifié par acte extrajudiciaire;
Attendu, cependant, qu’il a été jugé plus haut qu’il ne s’agissait pas d’un bail commercial;
Attendu que l’article 15-1° du contrat de location-gérance stipulait qu’il pourrait être résilié à tout moment, moyennant un préavis de trois (03) mois; que par lettre en date du 23 juillet 2001, TOTALFINA ELF a signifié à Boubacar SIDIBE, une notification de résiliation du contrat gérance avec préavis de trois mois; que le préavis devant expirer le 23 octobre 2001, TOTALFINA ELF, dans sa notification de préavis, invitait SIDIBE à un inventaire contradictoire le 24 octobre 2001 à 8 h; que SIDIBE a notifié par acte de Me Mame Gnagna SECK, en date du 13 septembre 2001, une notification de contestation de préavis avec demande de renouvellement de bail;
Qu’ainsi, la procédure de résiliation du contrat de location-gérance paraît régulière;
SUR LE SURSIS À STATUER.
Attendu que le Conseil de SIDIBE, dans ses écritures en date du 15 janvier 2002, a subsidiairement sollicité le sursis à statuer sur l’action de TOTALFINA ELF, jusqu’à ce qu’il soit statué sur la procédure d’annulation de préavis introduite devant le Tribunal de Dakar, par acte du 12 octobre 2001 de Me Ndèye Tegue FALL LO;
Attendu qu’il peut sembler que Boubacar SIDIBE soulève une exception de litispendance; que cependant, cette exception n’est pas fondée, puisqu’il n’y a pas identité de litiges au niveau des deux juridictions (Restitution de fonds de commerce, d’une part devant le Tribunal de céans, et contestation de préavis devant le Tribunal de Dakar, d’autre part); qu’en tout état de cause, l’article 129 alinéa 2 du Code de Procédure Civile dispose que : « toutes les exceptions…) sauf l’exception d’incompétence ratione materiae et l’exception de communication des pièces sont déclarées non recevables s’ils sont présentés après qu’il a été conclu au fond »; que SIDIBE ne l’a point soulevé in limine litis, mais subsidiairement dans ses écritures du 15 janvier 2002; que dès lors, il y a lieu de la rejeter et de dire qu’aucune demande de sursis à statuer ne saurait prospérer en la circonstance; que, d’ailleurs, en se défendant au fond dans ses différentes écritures, SIDIBE a plaidé l’objet de la saisine du Tribunal de Dakar (annulation du préavis) devant le Tribunal de céans;
SUR L’EXPULSION ET LA RESTITUTION DU FONDS DE COMMERCE.
Attendu qu’il a été jugé plus haut que le préavis servi par TOTALFINA ELF à SIDIBE était régulier; qu’il a expiré depuis le 23 octobre 2001; qu’il échet, dès lors, d’ordonner l’expulsion de SIDIBE du fonds de commerce de TOTALFINA ELF sis à Mbour, tant de sa personne, de ses biens ainsi que tout occupant de son chef, et de lui enjoindre de restituer ledit fonds sous astreinte de 100.000 F par jour de retard;
Attendu qu’il y a extrême urgence pour TOTALFINA ELF à récupérer son fonds de commerce, dont tout retard dans la restitution serait susceptible de lui causer un préjudice commercial incommensurable; qu’il échet, dès lors, d’ordonner l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement;
Attendu qu’il échet de condamner Boubacar SIDIBE aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit l’action de TOTALFINA ELF SENEGAL;
– Dit qu’il n’y a pas de bail commercial entre TOTALFINA ELF SENEGAL et Boubacar SIDIBE;
– Dit en conséquence que le préavis servi à SIDIBE est régulier et la procédure de résiliation du contrat de location-gérance régulière;
– Dit qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer;
– Ordonne l’expulsion de Boubacar SIDIBE du fonds de commerce de TOTALFINA ELF SENEGAL, ce tant de sa personne, de ses biens ainsi que de tout occupant de son chef;
– Fixe l’astreinte à 100.000 F par jour de retard;
– Ordonne l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement;
– Condamne Boubacar SIDIBE aux dépens;
Ainsi dit, fait et prononcé publiquement les jour, mois et an que susdits.
Et ont signé le Président et le Greffier.
DEUXIEME ESPECE.
TRIBUNAL RÉGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR
Audience publique ordinaire du 24 septembre 2002
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère Public entendu, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant acte du 02 octobre 2001, la SOCIETE TOTALFINA ELF SENEGAL a assigné Aliou DIOUF en restitution de fonds de commerce, sous astreinte de 5.000.000 F par jour de retard, à compter du 14 octobre 2001 et en expulsion;
Attendu que par conclusions du 04 février et du 29 avril 2002, le défendeur a sollicité, à titre reconventionnel, le sursis à statuer jusqu’au jugement de la procédure d’annulation du congé servi par la SOCIETE TOTALFINA ELF SENEGAL;
EN LA FORME :
Attendu que l’action et la demande reconventionnelle introduites dans les forme et délai requis sont recevables;
AU FOND :
SUR LE SURSIS À STATUER :
Attendu que suivant écritures du 29 avril 2002, le défendeur a fait observer qu’en l’état des procédures, l’action de la SOCIETE TOTAL FINA ELF est prématurée; qu’il a estimé que l’action en annulation du congé étant pendante devant le Tribunal, la demanderesse est mal fondée à solliciter la restitution du fonds de commerce et l’expulsion du gérant; qu’il a conclu au sursis à statuer, en attendant la décision du Tribunal sur la validité du congé;
Attendu que la SOCIETE TOTALFINA ELF SENEGAL n’a pas conclu sur ce point;
Attendu qu’il ressort des dispositions des articles 104 et 105 de l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général, que le fonds de commerce peut comprendre, outre le fonds commercial, les installations, les aménagements, le matériel et le droit au bail;
Attendu qu’il résulte des stipulations de l’article 2-B) et C) du contrat du 1er juin 1996, liant les parties, que le fonds de commerce est constitué, entre autres éléments, des installations du matériel pétrolier, de l’outillage, du mobilier commercial et éventuellement, du droit de jouissance des locaux dans lesquels le fonds est exploité, y compris le logement;
Qu’il s’induit de ce qui précède, que la jouissance des locaux fait partie intégrante du fonds de commerce; qu’en l’espèce, les éléments obligatoires et les éléments facultatifs du fonds de commerce forment un ensemble indissociable; qu’en conséquence, c’est à tort que le défendeur a estimé que l’occupation des lieux découle d’un bail commercial;
Attendu que les dispositions des articles 106 et suivants du texte précité, qui régissent la location-gérance du fonds de commerce ne réglementent pas la résiliation de ce contrat; qu’en pareille situation, le principe de l’autonomie de la volonté en matière contractuelle, prévue par l’article 42 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, doit être retenu;
Attendu qu’il est constant que le préavis du 12 juillet 2001 a été signifié, conformément aux stipulations de l’article 15 du contrat du 1er juin 1996, qu’il s’ensuit que ledit congé étant régulier, le contrat de location-gérance est rompu à la date d’expiration du préavis le 12 octobre 2001; qu’en conséquence, le loueur est fondé à réclamer la restitution du fonds de commerce; qu’il échet de l’ordonner, sous astreinte de 100.000 F par jour de retard;
SUR L’EXPULSION :
Attendu qu’il ressort de ce qui précède, qu’à l’expiration du préavis, le gérant est devenu occupant sans droit ni titre, il échet d’ordonner son expulsion;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
EN LA FORME :
– Reçoit l’action et la demande reconventionnelle;
AU FOND :
– Rejette la demande de sursis à statuer;
– Ordonne la restitution du fonds de commerce par Aliou DIOUF à la SOCIETE TOTALFINA ELF SENEGAL, sous astreinte de 100.000 F par jour de retard, à compter de la présente décision;
– Ordonne l’expulsion de Aliou DIOUF, tant de sa personne que de tous occupants de son chef des locaux;
– Le condamne aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Le locataire gérant d’une station service prétendait que le propriétaire du fonds, en même temps propriétaire de l’immeuble dans lequel ce fonds de commerce était exploité, devait également être considéré comme le bailleur de l’immeuble à son endroit. Il tirait argument (erreur ou spéculation de mauvaise foi ?) de l’article 71 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général (AUDCG) dont la rédaction peut, il faut le reconnaître, prêter à confusion. Selon cet article, « Est réputée bail commercial, toute convention, même non écrite, existant entre le propriétaire d’un immeuble…et toute personne, physique ou morale, permettant à cette dernière d’exploiter dans les lieux, avec l’accord du propriétaire, toute activité commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle. »
Le locataire gérant prétendait que ce texte pose une présomption d’existence et de qualification de bail commercial pour toute convention par laquelle un propriétaire d’immeuble permet à un commerçant d’exercer une activité commerciale dans son immeuble, ce qui est le cas, il faut bien le reconnaître, du contrat de location gérance qui permet à un commerçant d’exercer une activité commerciale dans un immeuble. Dès lors, le contrat de location gérance devait, disait-il, se doubler d’un bail commercial consenti par le propriétaire des deux biens.
En fait, cet article contient la définition du bail commercial qui ne doit pas être confondue avec celle de la location gérance. Le premier a pour objet la jouissance d’un immeuble permettant au preneur de créer un fonds de commerce ou d’en poursuivre l’exploitation en tant que propriétaire de cet ensemble mobilier incorporel. Quant au second, il a pour objet le transfert de la jouissance du fonds de commerce par son propriétaire à un commerçant qui l’exploite pour son compte personnel et à ses risques et périls (article 106, alinéa 3 AUDCG); parmi ces éléments incorporels peut se trouver le bail commercial liant le propriétaire du fonds de commerce à celui de l’immeuble.
Dans le cas où le propriétaire de l’immeuble est également propriétaire du fonds de commerce, il est certainement transféré la jouissance de tous les éléments composant le fonds. Mais qu’en est-il de la jouissance de l’immeuble ? Il ne fait pas de doute que dans la redevance due, le propriétaire du fonds et de l’immeuble inclut le prix de la jouissance de ce dernier bien; doit-on en conclure qu’il s’agit là d’un bail ? Certes oui, mais d’un bail qui ne donne pas droit au locataire gérant au renouvellement de son contrat de location gérance ni à une indemnité d’éviction en cas de refus du bailleur du fonds de renouveler le contrat de location gérance. La raison en est simple : si le commerçant preneur d’un bail d’immeuble à usage commercial est protégé par le droit au renouvellement du bail ou, à défaut, par une indemnité d’éviction, c’est tout simplement parce qu’il est propriétaire du fonds de commerce ce que n’est pas le locataire gérant.
On relèvera, surtout dans la première espèce, que les juges du fond sont parfois conduits à interpréter et compléter les dispositions du droit uniforme à travers les dispositions du droit interne qui ne leur sont pas contraires.