J-03-38
SAISIE – INCIDENTS DE SAISIE – PLENITUDE DE JURIDICTION DU JUGE CIVIL POUR EN CONNAITRE QUELLE QUE SOIT LA NATURE DE LA JURIDICTION AYANT STATUE AU FOND.
COMMANDEMENT DE PAYER DELAISSE A UNE SUCCURSALE DE L’ENTREPRISE DEBITRICE – VALIDITE DU COMMANDEMENT EN APPLICATION DE L’ARTICLE 92 AUPSRVE ET DE L’ARTICLE 200 COCC.
PROCES-VERBAL DE SAISIE – ELECTION DE DOMICILE EN L’ETUDE DE L’AVOCAT DU POURSUIVANT –OBLIGATION DE MENTIONNER LE DOMICILE REEL DU REQUERANT (NON) – OBLIGATION DE PRECISER LA FORME DE LA PERSONNE MORALE DEBITRICE – ABSENCE D’UNE TELLE MENTION – NULLITE DU PROCES VERBAL – ARTICLE
100 AUPSRVE.
Les difficultés comme les incidents d’exécution sont de la compétence du juge civil et sont régis par les actes uniformes qu’il s’agisse de décisions civiles sociales et commerciales.
Conformément aux dispositions de l’article 92 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution « la saisie est précédée d’un commandement de payer signifié au moins huit jours avant la saisie au débiteur ». Le débiteur et l’entreprise ayant reçu le commandement appartenant à la même entité commerciale, c’est à juste raison que le créancier a servi le commandement à Savana Dakar pour le compte de Savana Koumba d’autant plus que la mention sur l’exploit qui vaut jusqu’à inscription de faux indiquait que les bureaux de Savana Koumba sont au siége de Savana Dakar.
La mention du domicile réel du requérant dans l’exploit n’est obligatoire qu’en l’absence de domicile élu chez un avocat, ce qui est conforme à l’esprit de l’article 100 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution; cependant, cet article sanctionne par la nullité le défaut de mention de la forme de la société.
(Tribunal Régional de Thiès, jugement du 19 septembre 2002 Savana COUMBA contre Samba NDIAYE).
COUR D’APPEL DE DAKAR
TRIBUNAL RÉGIONAL DE THIÈS
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leur demandes, moyens et fins;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par acte de Maître Joséphine Cambe SENGHOR, en date du 29 janvier 2002, la Société SAVANA KOUMBA a servi assignation à Samba NDIAYE, devant le Tribunal de céans, aux fins d’entendre déclarer nul le commandement de payer et la saisie-vente subséquente;
EN LA FORME
Attendu que l’action de la Société SAVANA KOUMBA a été introduite dans les forme et délai légaux; qu’il échet de la déclarer recevable;
AU FOND
SUR LA NULLITÉ DU COMMANDEMENT ET DU PROCES-VERBAL DE SAISIE-VENTE.
Attendu que le Conseil de SAVANA KOUMBA, Maître WADE, a soutenu dans ses écritures en date du 20 mars 2002, que d’une part, le commandement, parce que servi à DAKAR à une personne qui n’est point le débiteur, SAVANA DAKAR au lieu de SAVANA KOUMBA à SALY, et par un huissier territorialement incompétent, est radicalement nul; qu’il résulte de l’article 92 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, que « la saisie est précédée d’un commandement de payer signifié au moins huit jours avant la saisie au débiteur »; qu’en l’espèce, le débiteur n’est pas SAVANA DAKAR mais SAVANA KOUMBA, dont le siège est à Mbour, et que donc l’Huissier NDONG, de Dakar, est incompétent;
Que d’autre part, le commandement étant nul, le procès-verbal de saisie-vente subséquent de Maître BARRY est nul par voie de conséquence, non seulement pour n’avoir pas été précédé d’un commandement valable, mais en plus, pour avoir été dressé en violation des dispositions de l’article 100 du même Acte Uniforme, qui dispose que « l’acte de saisie contient, à peine de nullité, les nom, prénoms et domicile du saisi et du saisissant, ou s’il s’agit de personnes morales, leurs forme, dénomination et siège social, l’élection éventuelle de domicile du saisissant »; qu’or, le procès-verbal de saisie-vente dressé par Maître BARRY le 20 décembre 2001, ne contient ni le domicile du saisissant ni la forme du saisi;
Attendu que le Conseil de Samba NDIAYE, Maître TOUNKARA, a rétorqué que la Société SAVANA devenue SUD HÔTEL, est le gestionnaire de l’Hôtel SAVANA KOUMBA sis à Saly, et a effectué toutes les dépenses de l’hôtel dont le matériel est sa propriété;
Qu’en vertu de l’article 200 du Code des Obligation Civiles et Commerciales, qui confère au créancier un droit de gage général sur les biens du débiteur, où qu’ils se trouvent sur le territoire sénégalais; que par ailleurs, l’article 92 de l’Acte Uniforme susvisé n’est pas applicable en matière sociale, ce qui est le cas en l’espèce;
Attendu que s’agissant de l’inapplicabilité de l’article 92 que soutient Maître TOUNKARA, il échet de préciser que les difficultés d’exécution, comme les incidents d’exécution, sont la compétence du Juge civil et sont régis par le droit civil (dont les Actes Uniformes de l’OHADA), fussent-ils relatifs à un jugement social; que dès lors, cet argument est irrelevant;
Attendu que concernant le droit de gage général du créance sur les liens de son débiteur, de l’article 200 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, s’il est applicable en la matière, ainsi reste-il à prouver que SAVANA DAKAR et SAVANA KOUMBA de Saly sont la même entité;
Attendu que dans l’ordonnance de référé du Juge du Tribunal du Travail hors classe de Dakar, en date du 23 mai 2001, fondement de la saisie en cours et versé régulièrement à la procédure, Samba NDIAYE avait soutenu page 1 in fine, et sans être contredit , que « son employeur, la Société BOK WAR, est propriétaire de l’hôtel exploité sous l’enseigne SAVANA KOUMBA, et que depuis le 02 janvier 1996, le Groupe SAVANA lui verse son salaire en tant que gestionnaire de l’hôtel SAVANA Koumba »; que le Juge des référés suscité y déclarait que « en tant que gestionnaire, SAVANA est tenu par les termes du contrat de gestion; qu’il convient d’ordonner la continuation des poursuites; le groupe SAVANA n’a apporté aucune preuve de difficultés financières, à l’appui de sa demande de moratoire »; qu’il appert ainsi que le Groupe SAVANA est plus ou moins lié aux hôtels SAVANA DAKAR et SAVANA KOUMBA; qu’il est d’ailleurs topique à cet égard, que la secrétaire de SAVANA DAKAR, Anne-Marie SENGHOR, qui a reçu l’acte de Maître NDONG servi à SAVANA KOUMBA, n’ait point rectifié ou refusé de prendre l’acte; qu’il s’en infère dès lors, que SAVANA DAKAR et SAVANA KOUMBA appartiennent à la même entité, le groupe SAVANA; que dès lors, c’est à juste raison, en application de l’article 200 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, que Samba NDIAYE a servi le commandement à SAVANA DAKAR, pour le compte de SAVANA KOUMBA; qu’en tout état de cause, l’exploit de Me NDONG mentionne que les bureaux de SAVANA KOUMBA sont au siège de SAVANA DAKAR, et fait foi jusqu’à inscription de faux;
Qu’ainsi, le commandement de payer de Maître NDONG doit être déclaré valable, la signification au débiteur ayant été respectée en vertu des dispositions de l’article 200 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, et 92 de l’Acte Uniforme combinés;
Attendu que le Conseil de SAVANA KOUMBA a aussi soutenu que le procès-verbal de saisie-vente de Maître BARRY, du 20 décembre 2001, était nul parce que ne contenant ni le domicile du saisissant ni la forme du saisi;
Attendu que s’agissant du procès-verbal en question, il est constant ………… et qu’il ne mentionne pas le domicile réel de Samba NDIAYE, mais son domicile élu, l’étude de son Conseil, Maître TOUNKARA; qu’il a été déjà jugé que l’article 100 de l’Acte Uniforme susvisé laissait le choix au saisissant, soit de faire élection de domicile, soit d’utiliser son domicile réel; que l’usage de cette formule excluait celui de l’autre; que Samba NDIAYE ayant élu domicile chez son Conseil, n’était plus tenu de mentionner son domicile réel; la mention de son domicile réel dans le procès-verbal de saisie n’est obligatoire que s’il n’avait pas élu domicile chez son Conseil; qu’ainsi, l’argument de défaut de mention du domicile du saisissant n’est pas opérant;
Attendu, cependant que SAVANA KOUMBA a raison de soutenir que le procès-verbal de saisie vente de Maître BARRY ne mentionnait pas la forme de la Société; que dès lors, les dispositions de l’article 100 de l’Acte Uniforme susvisé ayant été violées, il échet de les sanctionner en prononçant la nullité du procès-verbal de saisie-vente de Maître BARRY, du 20 décembre 2001;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit l’action de l’hôtel SAVANA KOUMBA;
AU FOND
– Dit que le commandement de payer en date du 14 mars 2001 de Me NDONG, est bien valide en vertu des articles 200 du Code des Obligations Civiles et Commerciales et 92 de l’Acte Uniforme sur les procédures de recouvrement simplifiées et voies d’exécution;
Annule, cependant, le procès-verbal subséquent de saisie-vente de Maître BARRY, du 20 décembre 2001, pour violation des dispositions de l’article 100 de l’Acte Uniforme susvisé.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, les jour, mois et an que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Le locataire gérant d’une station service prétendait que le propriétaire du fonds, en même temps propriétaire de l’immeuble dans lequel ce fonds de commerce était exploité, prétendait que le bailleur u fonds devait également être considéré comme le bailleur de l’immeuble à son endroit. Il tirait argument (erreur ou spéculation de mauvaise foi ?) de l’article 71 de l’acte uniforme sur le droit commercial général (AUDCG) dont la rédaction peut, il faut le reconnaître, prêter à confusion. Selon cet article, « Est réputée bail commercial, toute convention, même non écrite, existant entre le propriétaire d’un immeuble…et toute personne, physique ou morale, permettant à cette dernière d’exploiter dans les lieux, avec l’accord du propriétaire, toute activité commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle. »
Le locataire gérant prétendait que ce texte pose une présomption d’existence et de qualification de bail commercial pour toute convention par laquelle un propriétaire d’immeuble permet à un commerçant d’exercer une activité commerciale dans son immeuble, ce qui est le cas, il faut bien le reconnaître, du contrat de location gérance qui permet à un commerçant d’exercer une activité commerciale. Dès lors, le contrat de location gérance devait, disait-il, se doubler d’un bail commercial.
En fait, cet article contient la définition du bail commercial qui ne doit pas être confondue avec celle de la location gérance. Le premier a pour objet la jouissance d’un immeuble permettant au preneur de créer un fonds de commerce ou d’en poursuivre l’exploitation en tant que propriétaire de cet ensemble mobilier incorporel. Quant au second, il a pour objet le transfert de la jouissance du fonds de commerce par son propriétaire à un commerçant qui l’exploite pour son compte personnel et à ses risques et périls (article 106, alinéa 3 AUDCG); parmi ces éléments incorporels peut se trouver le bail commercial liant le propriétaire du fonds de commerce à celui de l’immeuble.
Dans le cas où le propriétaire de l’immeuble est également propriétaire du fonds de commerce, il est certainement transféré la jouissance de tous les éléments composant le fonds. Mais qu’en est-il de la jouissance de l’immeuble ? Il ne fait pas de doute que dans la redevance due, le propriétaire du fonds et de l’immeuble inclut le pris de la jouissance de ce dernier bien; doit-on en conclure qu’il s’agit là d’un bail. Certes oui, mais d’un bail qui ne donne pas droit au locataire gérant au renouvellement de son contrat de location gérance ni à une indemnité d’éviction en cas de refus du bailleur du fonds de renouveler le contrat de location gérance. La raison en est simple : si le commerçant preneur d’un bail d’immeuble à usage commercial est protégé par le droit au renouvellement du bail ou, à défaut, par une indemnité d’éviction, c’est tout simplement parce qu’il est propriétaire du fonds de commerce ce que n’est pas le locataire gérant.