J-03-41
PROCEDURES COLLECTIVES – ReMPlacement de syndic – INEXPERIENCE DU SYNDIC – DOUTE SUR SON INDEPENDANCE – MOTIFS LEGITIMES DE SON REMPLACEMENT.
A la différence de l’article 42 de l’Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif qui pose des conditions pour la révocation d’un syndic, l’article 41 du même Acte dispose seulement que lorsque il y a lieu de procéder à l’adjonction ou au remplacement d’un ou de plusieurs syndics, il en est référé par le juge commissaire à la juridiction compétente qui procède à la nomination.
Outre les réticences du syndic à travailler, d’une part, avec le tribunal pour lequel il a précisé n’avoir jamais piloté une procédure de liquidation de biens ou de règlement judiciaire et, d’autre part, avec un Etat qui, a priori, doute de son indépendance par rapport à un cabinet syndic de la partie adverse et de ses capacités professionnelles, constituent de sérieuses réserves qui, tout en n’étant pas constitutives de fautes, justifient de procéder à son remplacement.
(Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, jugement du 24 Septembre 2002, Agent judiciaire de l’Etat contre Mayoro Wade.).
TRIBUNAL RÉGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR
Audience civile publique des vacations du 24 septembre 2002
Affaire : L’agent Judiciaire de l’Etat
c
Mayoro WADE (E.P.) / Cabinet Mayoro Wade & Associés.
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, fins, moyens et conclusions;
Ouï le Ministère Public en son rapport à Justice;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par requête en date du 10 septembre 2002 de l’Agent Judiciaire de l’Etat, l’Etat du Sénégal a sollicité du Tribunal, par l’organe du Juge Commissaire, le remplacement du Syndic Mayoro WADE par l’Expert Moctar BA;
Attendu que le Tribunal a été saisi conformément à l’article 41 de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif; qu’il échet de déclarer l’action recevable;
AU FOND
Attendu que l’Etat du Sénégal a soutenu dans sa requête, que pour une bonne administration de la liquidation de la Compagnie Multinationale AIR AFRIQUE et pour une meilleure défense de ses intérêts, il y avait lieu de remplacer le Syndic Mayoro WADE par l’Expert Moctar BA, dont le curriculum vitae présente une spécialisation plus adéquate, en précisant toutefois qu’il ne s’agit pas de révocation, mais bien d’un changement sur la base de l’article 41 de l’AU/PCAP, qui n’impose aucune condition au Tribunal, contrairement à l’article 42 du même Code, qui fait cas de la révocation;
Qu’en outre, le Tribunal d’Abidjan avait désigné comme Syndic, Edouard MESSOU et le Cabinet PRICE WATERHOUSE, qui en fait ne font qu’une seule et même entité, le premier étant le représentant du second en Côte d’Ivoire, ce qui avait amené le Sénégal à faire les réserves qu’on n’a pas voulu examiner à Abidjan;
Qu’il s’y ajoute qu’au niveau du Sénégal, Mayoro WADE a été pendant de nombreuses années, le représentant du même réseau de PRICE WATERHOUSE;
Attendu que par réponses orales, en Chambre du Conseil, l’Expert Mayoro WADE a fait remarquer que la réussite d’une mission de ce genre dépendait essentiellement de la confiance mutuelle entre les parties;
Qu’il n’a jamais effectué de liquidation pour le compte du Tribunal;
Qu’il n’a accepté la mission que par patriotisme;
Que son indépendance vis-à-vis de PRICE WATERHOUSE ne fait l’objet d’aucun doute, puisqu’il a mis fin à toute collaboration avec cette dernière depuis l’année 2001;
Qu’il en est de même de son expertise, puisqu’il est Expert Comptable depuis plus de 25 ans;
Qu’il a versé aux débats comme pièces justificatives, son curriculum vitae et la lettre de Hampo GHAZAROSSIAN, en date du 29 juin 2001 envoyée par fax, le même jour;
Attendu que l’article 41 de l’AU/PCAP dispose en son article 2, que « lorsqu’il y a lieu de procéder à l’adjonction ou au remplacement d’un ou de plusieurs Syndic, il en est référé par le Juge Commissaire, à la Juridiction compétente qui procède à la nomination;
Attendu que sur la base de la requête de l’Etat, le Juge Commissaire a sollicité le changement du Syndic et la désignation d’un autre en ses lieu et place, et le cas échéant, la nomination d’un co-syndic, compte tenu de l’importance de la société liquidée, qui est une multinationale;
Attendu que le Syndic, outre ses réticences à travailler avec le Tribunal, puisqu’il a précisé n’avoir jamais piloté une procédure de liquidation de biens ou de règlement judiciaire, initiée par ladite juridiction, et celles de travailler avec un Etat qui, a priori, doute de son indépendance et de ses capacités professionnelles, n’a pas suffisamment établi son autonomie par rapport au Cabinet PRICE WATERHOUSE, Syndic à Abidjan, puisqu’il résulte de son propre curriculum vitae, qu’il a lui-même versé au dossier, que de 1976 à juin 2001, il a travaillé pour le compte de ladite entité, et y a occupé des fonctions très importantes;
Qu’une simple télécopie, qui aurait mis un terme à la collaboration entre Mayoro WADE et PRICE WATERHOUSE, ne suffit pas à écarter les sérieuses réserves qui ne sont pas constitutives de faute, de procéder à son remplacement et de désigner Monsieur Alia Diène DRAME et le Cabinet RACINE;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et sur requête, en premier et dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare l’action recevable;
AU FOND
Vu la requête de l’Agent Judiciaire de l’Etat;
Vu l’avis du Juge Commissaire;
– Désigne Monsieur Alia Diène DRAME et le Cabinet RACINE, en remplacement de Monsieur Mayoro WADE;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, les jour, mois et an que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffier.