J-03-48
SAISIE – CHANGEMENT DE GARDIEN – REMISE DES BIENS SAISIS AU NOUVEAU GARDIEN – VOIE DE FAIT – RESTITUTION DES BIENS SAISIS – ARTICLE 64 AUPSRVE – ARTICLE
97 AUPSRVE.
A défaut de preuve attestant de l’accord préalable de la débitrice sur le changement dans la garde de ses biens saisis, la signification de ce changement n’étant pas, en elle même, une signification de l’autorisation du juge pour ce faire, le changement de garde fait dans ces conditions est constitutif d’une voie de fait et viole les dispositions de l’article 64 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dont le sixième point précise clairement que le procès verbal dressé par l’huissier ou l’agent d’exécution doit contenir, à peine de nullité, « la mention en caractères très apparents que les biens saisis sont indisponibles, qu’ils sont placés sous la garde du débiteur ou d’un tiers désigné d’accord parties ou, à défaut, par la juridiction statuant en matière d’urgence ».
(Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, Ordonnance de référé du 11 février 2003, Société Océan Afrique Occidentale contre Maitres BA et GUEYE).
TRIBUNAL RÉGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR
Ordonnance de référé N° 0220 du 11 février 2003
Affaire : Sté OCEAN AFRIQUE OCCIDENTALE (Me M. A. GUEYE & ASSOCIES)
c
Me Abdoulaye BA (Me Abdoulaye DIALLO), Me Mademba GUEYE (Me Ousmane SEYE)
LE TRIBUNAL,
Attendu que par acte en date du 07 février 2003 de Maître Bernard SAMBOU, Huissier de Justice à Dakar, la Société OCEAN AFRIQUE OCCIDENTALE a donné assignation à Maître Abdoulaye Bâ, Huissier de Justice, et Maître Mademba GUEYE, Commissaire Priseur, en restitution des biens saisis, conformément aux dispositions de l’article 249 du Code de Procédure Civile;
Attendu que dans ses plaidoiries orales, la demanderesse a sollicité à titre additionnel, que l’ordonnance de restitution se fasse sous astreinte de 500.000 F par jour de retard et soit exécutoire sur minute et avant enregistrement;
EN LA FORME
Attendu qu’in limine litis, les défendeurs, par l’organe de leurs conseils, ont plaidé l’irrecevabilité de l’action, aux motifs qu’en réalité, elle vise à obtenir l’annulation de la saisie;
Que le débiteur aurait dû être installé dans la procédure;
Que le juge du fond est déjà saisi; qu’il y a eu violation des dispositions des articles 143 et 144 de l’Acte Uniforme sur les Procédures simplifiées de Recouvrement et les Voies d’Exécution;
Attendu qu’en réponse, la demanderesse a rétorqué que les articles invoqués l’ont été à tort …, puisqu’elle ne conteste que la modification de la garde, qui l’a empêchée de jouir des biens dont elle reste encore propriétaire;
Attendu qu’il est constant, comme cela résulte de la requête et des pièces justificatives, que la demanderesse n’a sollicité que la restitution des bien dont elle avait initialement la garde, sans remettre en cause ni leur saisissabilité, encore moins la validité de ladite saisie;
Qu’ainsi, les dispositions des articles 143 et 144 n’ont pas vocation à s’appliquer en l’espèce, puisqu’elles règlent les contestations relatives à la saisissabilité (143) et à la validité (144);
Qu’il échet en conséquence de rejeter les exceptions soulevées, et de déclarer l’action recevable, celle-ci ayant été faite conformément aux formes et délais prévus par la loi;
AU FOND
Attendu que la demanderesse, dans sa requête, a soutenu que suivant procès-verbal en date des 19 décembre 2002 et 08 janvier 2003, Maître Abdoulaye BA, Huissier de Justice à Dakar, a procédé à la saisie gagerie de divers biens meubles lui appartenant;
Que cette saisie, qui n’est rien d’autre qu’une saisie conservatoire, a été pratiquée pour obtenir, est-il dit dans lesdits actes, sûreté et garantie du paiement de la somme de 2.973.600 FCFA à titre d’arriérés de loyers;
Qu’à ce jour, aucune procédure n’a été initiée en vue d’obtenir un titre exécutoire portant sa condamnation à payer ladite somme;
Que contre toute attente, l’Huissier exécutant s’est présenté à son siège, accompagné de Me Mademba GUEYE, pour procéder au recollement des objets saisis;
Que nonobstant son opposition, l’Huissier et le Commissaire Priseur ont réussi à enlever et à transférer lesdits objets chez ce dernier;
Que de tels agissements, faits en violation des règles d’exécution de l’AU/PSRVE, sont une voie de fait caractérisée;
Attendu qu’en réponse, les défendeurs ont fait remarquer que le changement de gardien est intervenu de manière amiable;
Que la preuve en est que la dame EVORA n’a émis aucune réserve quand la signification du changement lui a été faite;
Que Me BA a procédé à la saisie, conformément à l’article 55 de l’AU/PSRVE;
Que le Juge du fond est déjà saisi pour la validité;
Attendu qu’en vertu de l’article 64 de l’AU/PSRVE, sixièmement, le procès-verbal dressé par l’Huissier ou l’agent d’exécution doit contenir, à peine de nullité, « la mention en caractères très apparents, que les biens saisis sont indisponibles, qu’ils sont placés sous la garde du débiteur ou d’un tiers désigné d’accord parties, ou à défaut, par la juridiction statuant en matière d’urgence; qu’ils ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés, si ce n’est dans le cas prévu par l’article 97 ci-dessous, sous peine de sanctions pénales… »;
Attendu qu’il s’infère clairement de ce texte, que la garde des biens saisis est accordée par principe au débiteur;
Qu’il ne peut être dépouillé de ses biens qu’avec son accord exprès, ou à défaut, par le Juge;
Attendu qu’en l’espèce, le sieur BA n’a fourni aucune pièce attestant de l’accord préalable de la débitrice au changement de garde;
Que la signification d’une telle modification ne peut être assimilée à une acceptation, d’autant plus que deux jours après ledit acte, la demanderesse a initié une action pour contester la régularité de la modification de garde;
Attendu que le sieur BA n’a pas non plus saisi le Juge de l’urgence, pour obtenir une telle mesure;
Attendu qu’ainsi, c’est de manière unilatérale et sans autorisation préalable du Juge qu’il a pris une telle mesure, et cela, en violation flagrante des dispositions précitées;
Que cela est constitutif d’une voie de fait;
Qu’il échet en conséquence, d’ordonner la restitution des biens saisis à la débitrice, sous astreinte de 100.000 F par jour de retard;
Attendu qu’il y a extrême urgence pour la société, de retrouver la jouissance de ses biens, dont elle a été injustement privée, et de reprendre son activité qui a été perturbée par la modification de garde; qu’il échet d’ordonner l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort;
EN LA FORME
– Déclarons les exceptions d’irrecevabilité recevables;
– Les déclarons mal fondées;
– Déclarons l’action recevable;
AU FOND
Ordonnons la restitution des biens, objet de la saisie par Abdoulaye BA, Huissier de Justice, à la gardienne initialement désignée, Madame Emilia EVORA, sous astreinte de 100.000 FCFA par jour de retard;
– Ordonnons l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement;
– Mettons les dépens à la charge de Me Abdoulaye BA;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus;
Et avons signé avec le Greffier.