J-03-51
SAISIE IMMOBILIERE – PROCEDURE ENGAGEE POSTERIEUREMENT A L’ENTREE EN VIGUEUR DE L’ACTE UNIFORME SUR LES VOIES D’EXECUTION – APPLICATION DE LA LOI UNIFORME – ARTICLE
336 AUPSRVE – ARTICLE
337 AUPSRVE.
SAISIE IMMOBILIERE – JUGEMENT D’ADJUDICATIO INTERVENU AU MEPRIS DE LA VOIE D’APPEL – ANNULATION DU JUGEMENT D’ADJUDICATION –ARTICLE
313 AUPSRVE.
Les dispositions du code civil selon lesquelles le jugement d’adjudication devenu définitif est inattaquable sont abrogées par les dispositions des articles 336 et 337 de l’acte uniforme sur les voies d’exécution. L’exécution forcée ayant entraîné l’adjudication dont s’agit a été engagée postérieurement à l’entrée en vigueur; il s’ensuit que sont applicables les dispositions de l’article 313 de l’acte uniforme sur les voies d’exécution qui prévoient que la nullité du jugement d’adjudication peut être sollicitée pour les causes concomitantes ou postérieures à l’adjudication.
Compte tenu du caractère suspensif de l’appel, le renvoi à l’audience d’adjudication est suspendu jusqu’à l’issue de la procédure pendante devant la juridiction d’appel et le tribunal des criées n’était pas valablement saisi de la vente forcée concernant le titre foncier; donc la vente faite à cette occasion n’est pas régulière et, mieux, prive les héritiers du bénéfice des effets d’une voie de recours, ce qui est constitutif d’une violation du principe général du double degré de juridiction en procédure civile..
(Tribunal Régional Hors Classe, jugement du 24 septembre 2002, consorts Sada Souaré contre Akramé NEHME et consorts Batoul DIAB).
TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR
Ordonnance de référé du 24 septembre 2002
Affaire : Consorts Sada SOUARE - Adja Tiranke SOUARE & Autres (Mes Moriba KABA – Massata MBAYE)
c
1°/ Akram NEHME
2°/ Greffier en Chef TRHCD
3°/ Conservateur de la Propriété Foncière Dakar (Me Tounkara 1°)
Consorts Batoul DIAB El Hadj – Mohamed DIAB El Hadj & Autres
Appelés en cause (Me Adnan YAHYA).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier,
Ouï les avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère Public entendu, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant acte du 12 avril 2002, Sada SOUARE, Adja Tiranke SOUARE, Mohamed Lamine SOUARE, Aïssatou DABO et Aïssatou SOUARE ont assigné Akram NEHME, le Greffier en chef du Tribunal régional et le Conservateur de la Propriété Foncière de Dakar Gorée, en annulation du jugement d’adjudication du 09 avril 2002;
Attendu que par acte du 23.04.2002, les demandeurs ont appelé en cause Batoul DIAB El Hadj et Rabab DIAB El Hadj;
Attendu que suivant autre exploit du 23.04.2002, Fanta SOUARE, Dousso Sylla SOUARE, Sara KABA, Fatou DIAGNE, Aïssatou DABO, Mohamed Lamine SOUARE, Oumou SOUARE, Sada SOUARE, Doussou SOUARE, Assa SOUARE, et Adja Tiranke SOUARE ont assigné Akram NEHME, Adnan YAHYA, Ratoul DIAB El Hadj, Mohamed DIAB El Hadj, Rabab DIAB El Hadj et le Greffier en Chef du tribunal régional de Dakar en annulation du jugement d’adjudication du TF N° 3161/DG en date du 09 avril 2002;
Attendu que par conclusions du 25 juin 2002, Akram NEHME a sollicité le renvoi de la cause à la 3ème Chambre Civile et Commerciale, pour jonction avec une autre procédure qui serait pendante devant ladite chambre;
Attendu qu’à l’audience du 03 septembre 2002, le Tribunal a rabattu son délibéré et ordonné la jonction avec le N° 1111 du rôle général, pour y statuer par une seule et même décision;
Attendu que le Greffier en Chef du Tribunal régional et le Conservateur de la Propriété Foncière de Dakar Gorée n’ont ni comparu ni été représentés; il échet de statuer par défaut à leur égard;
EN LA FORME
SUR LE RENVOI À LA 3ÈME CHAMBRE :
Attendu que par conclusions du 25 juin 2002, Akram NEHME a soutenu que pour une bonne administration de la justice, la cause doit être renvoyée à la 3ème Chambre Civile et Commerciale, saisie par les mêmes demandeurs et pour le même objet; qu’il a estimé que, pour avoir connu de cette affaire en criées le 25/09/2001, la 2ème Chambre doit ordonner le renvoi à la 3ème; qu’il a ajouté que le fait que c’est un des membres de la 2ème Chambre qui avait présidé la formation qui a rendu le jugement d’adjudication attaqué, est également un obstacle pour la saisine de cette chambre;
Attendu que les demandeurs n’ont pas répondu sur ce point;
Attendu qu’il y a lieu de relever que Akram NEHME ne procède que par de simples affirmations; qu’aucune preuve de la saisine de la 3ème Chambre n’est rapportée; qu’au contraire, il ressort de l’assignation du 23.04.2002, que c’est bien la 2ème Chambre Civile et Commerciale qui est saisie à son audience du 30.04.2002; qu’il s’ensuit que la demande de renvoi à la 3ème Chambre n’est pas fondée; qu’il échet de la rejeter;
SUR L’EXCEPTION DE COMMUNICATION DE PIÈCES
Attendu que suivant écritures du 25 juin 2002, Akram NEHME a soulevé l’exception de communication de pièces, aux motifs qu’aucune pièce, mise à part l’arrêt de la Cour de Cassation du 16 avril 2002, ne lui a été communiquée; qu’il a conclu au rejet des autres documents non communiqués;
Attendu que les demandeurs n’ont pas conclu sur ce point;
Attendu cependant, qu’il résulte de la correspondance de Maître Massata MBAYE du 17 mai 2002, versée au dossier, que le dossier des demandeurs a été communiqué à Akram NEHME, qu’il s’en induit que l’exception soulevée n’est pas fondée, qu’il échet de la rejeter;
SUR L’EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ DE L’ACTION
Attendu que par conclusions du 25 juin 2002, Akram NEHME a soulevé l’exception d’irrecevabilité de l’action, aux motifs d’une part, que la décision dont l’annulation est sollicitée n’est pas produite et, d’autre part, que l’adjudication est devenue définitive au regard des dispositions de l’article 294 de l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution qu’il a, en effet, soutenu qu’une copie libre d’un jugement, non enregistrée, ne peut pas être produite en justice; qu’il a fait observer que la formalité de l’enregistrement est rendue obligatoire par les dispositions de l’article 733 du code général des impôts; qu’il a conclu à l’irrecevabilité de l’action des demandeurs;
Attendu, par ailleurs, que Batoul DIAB El Hadj, Mohamed DIAB El Hadj et Rabab DIAB El Hadj ont soulevé l’exception d’irrecevabilité de l’action, par conclusions du 11 juin 2002, aux motifs qu’au regard des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, le jugement d’adjudication devenu définitif est inattaquable;
Attendu que suivant note en cours de délibéré en date du 12 juillet 2002, les demandeurs ont fait observer que l’article 514 du code de procédure civile a été abrogé par l’article 336 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution; qu’il n’y a pas lieu à appliquer l’article 733 du code général des impôts, puisque la délivrance de la copie libre du jugement est fondée par une habilitation du greffe; que le défaut d’enregistrement n’empêche pas l’examen des motivations du jugement; qu’ils ont ajouté que les dispositions de l’article 294 ne sont pas contraires à celles de l’article 313 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution;
Attendu qu’il y a lieu de souligner que concernant les dispositions de l’article 514 du code de procédure, leur abrogation résulte des articles 336 et 337 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, d’autant plus que l’exécution forcée ayant entraîné l’adjudication dont s’agit a été engagée postérieurement à l’entrée en vigueur du texte précité;
Attendu que s’agissant du défaut d’enregistrement du jugement d’adjudication et du caractère définitif de celui-ci, il convient de relever que l’article 733 du code général des impôts ne sanctionne pas le défaut d’enregistrement du jugement par une interdiction faite aux parties de s’en prévaloir, surtout que ladite décision a été délivrée par les autorités compétentes;
Que par ailleurs, il ressort des dispositions de l’article 313 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, que la nullité du jugement d’adjudication peut être sollicitée pour les causes concomitantes ou postérieures à l’adjudication;
Qu’en l’espèce, les demandeurs ayant invoqué une cause postérieure à l’audience éventuelle, il s’ensuit que le caractère définitif de l’adjudication ne peut pas leur être opposé pour paralyser leur action;
Attendu qu’il ressort de ce qui précède que les exceptions soulevées par les défendeurs ne sont pas fondées, qu’il échet de les rejeter;
Attendu que l’action introduite dans les forme et délai requis, est recevable;
AU FOND
SUR L’ANNULATION DE L’ADJUDICATION :
Attendu que par conclusions du 17 mai 2002, les demandeurs ont soutenu que le jugement d’adjudication du 9 avril 2002 doit être annulé pour violation du principe du contradictoire établi par le défaut de communication de pièces et excès de pouvoirs du juge des criées, pour avoir vendu l’immeuble objet du titre foncier N° 3161/DG, nonobstant la procédure d’annulation de saisie et de distraction introduite par exploit du 27 février 2002 et l’appel interjeté contre le jugement rendu à l’audience éventuelle du 05 mars 2002;
Attendu qu’à l’appui de leurs prétentions, les demandeurs ont invoqué les dispositions des articles 272, 300 & 310 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, 126, 267 et 842 du code de procédure civile et 387 alinéa 2e du code des obligations civiles et commerciales;
Attendu que suivant écritures du 25 juin 2002, Akram NEHME a fait observer que le principe du contradictoire a été respecté, puisqu’il y eu un débat contradictoire à l’audience d’adjudication; qu’en outre, les pièces invoquées par les demandeurs ne sont pas précisées; qu’il a ajouté que le sursis à la vente ne peut pas être ordonné, puisque les saisis sont propriétaires de l’immeuble mis en vente; que l’article 310 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution n’est pas d’ordre public;
Qu’à l’audience d’adjudication, les demandeurs n’ont pas invoqué l’appel dont ils se prévalent; qu’en tout état de cause, l’appel était irrecevable au regard des dispositions prévoyant les cas d’ouverture de ladite voie de recours;
Attendu qu’il ressort des dispositions de l’article 300 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, que l’appel contre un jugement d’adjudication est exercé dans les conditions de droit commun;
Que les dispositions de droit commun, notamment l’article 267 du code de procédure civile, ont consacré le caractère suspensif de l’appel;
Attendu qu’il résulte de l’exploit en date du 21/03/2002 versé au dossier, que les héritiers Sékou SOUARE avaient relevé appel du jugement rendu à l’audience éventuelle du 05/03/2002;
Qu’ainsi, compte tenu du caractère suspensif de l’appel, le Tribunal des criées n’était pas saisi de la procédure concernant le TF 3161/DG; que le jugement de l’audience éventuelle du 05/03/2002, étant paralysé par le recours des saisis, le renvoi à l’audience d’adjudication est 05.03.2002 étant paralysé par le recours des saisis, le renvoi à l’audience d’adjudication est suspendu jusqu’à l’issue de la procédure pendante devant la juridiction d’appel; qu’il s’ensuit que la vente du TF 3161/DG à la barre des criées le 09 avril 2002 n’est pas régulière;
Attendu qu’en outre, en procédant à la vente de l’immeuble saisi, nonobstant l’appel interjeté contre le jugement de l’audience éventuelle, le Tribunal des criées a privé les héritiers SOUARE du bénéfice des effets d’une voie de recours; que ceci constitue une violation du principe général du double degré de juridiction en procédure civile;
Que les motifs sus-indiqués suffisent pour annuler le jugement d’adjudication du 09 avril 2002;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
– Rejette les exceptions soulevées;
– Reçoit l’action;
AU FOND
– Annule le jugement d’adjudication du TF N° 3161/DG du 09 avril 2002 et tous les actes postérieurs à l’audience éventuelle;
– Condamne les défendeurs aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.