J-03-55
PROCEDURES COLLECTIVES – ACTIONS EN PAIEMENT D’INDEMNITE CONTRE DES ASSUREURS EN LIQUIDATION – SINISTRES SURVENUS AVANT LA LIQUIDATION DES ASSUREURS – SUSPENSION DES POURSUITES INDIVIDUELLES (NON). ARTICLE 75 AUPCAP.
L’action tendant exclusivement à se faire délivrer un titre exécutoire pour un sinistre survenu antérieurement à la décision de retrait de l’agrément, ne fait pas partie des actions individuelles dont la poursuite est suspendue par les dispositions de l’article 75 de l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (motifs).
Article 75 AUPCAP
(Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, jugement du 15 janvier 2003 Mamadou Tafsir BARRY contre Madiop DIOP et autres).
TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR
Audience publique et ordinaire du 15 janvier 2003
Affaire : Mamadou Tafsirou Barry (Mes SY & LY)
c
Madiop DIOP / AS.S.
Abdoulaye DIOP / M.S.A.T.
[Mes B.B.B. (2)]
[Mes M.A. GUEYE (4)]
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les Avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Nul pour les défendeurs défaillants;
Le Ministère Public entendu, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant exploit en date des 14 et 15 juin 2000 de Maître Aloyse NDONG, Huissier de justice à Dakar, Mamadou Tafsirou BARRY a assigné Madiop DIOP, les Assurances Sécurité Sénégalaises dites A.S.S., Abdoulaye DIOP et les Mutuelles Sénégalaises d’Assurance des Transporteurs dites MSAT, devant la juridiction de céans, en déclaration des responsabilités et en paiement de la somme de 300.000 F à titre d’indemnité provisionnelle, sous le bénéfice de l’exécution provisoire;
Attendu que les Assurances Sécurité Sénégalaises et les Mutuelles Sénégalaises d’Assurances des Transporteurs ont régulièrement constitué conseil; qu’il échet de statuer contradictoirement à leur égard;
Attendu qu’en revanche, Madiop DIOP et Abdoulaye DIOP n’ont ni comparu, ni conclu, ni personne pour eux; qu’il échet de statuer par défaut à leur égard;
EN LA FORME
Attendu que suivant écritures en date du 11 novembre 2002, le liquidateur des MSAT a soulevé l’irrecevabilité de l’action dirigée contre lui, aux motifs que ladite compagnie est en liquidation; qu’en vertu des dispositions des articles 962 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, 75 de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif, la décision d’ouverture suspend et interdit toute poursuite individuelle tendant à faire connaître des droits et des créances; que les dispositions de l’article 325 alinéa 2 du Code CIMA prescrit également une suspension des poursuites à compter de la nomination d’un liquidateur;
Attendu que BARRY n’a pas conclu sur cette demande;
Attendu qu’il n’est pas contesté que les MSAT sont en liquidation;
Attendu qu’il est de principe que l’ouverture d’une procédure collective a notamment pour effet de suspendre les poursuites individuelles;
Attendu cependant, que la présente procédure initiée par la victime ne saurait s’analyser en une poursuite individuelle, au sens des dispositions visées par la défenderesse; que c’est une action qui tend exclusivement à se faire délivrer un titre exécutoire pour un sinistre survenu le 03 avril 1996, donc antérieurement à la décision de retrait de l’agrément des MSAT datée du 11 décembre 1997; que l’exception soulevée étant mal fondée tant en droit qu’en fait; qu’il échet en conséquence de la rejeter;
Attendu que l’action de Mamadou Tafsirou BARRY a été initiée dans les forme et délai légaux; qu’il échet de la déclarer recevable;
AU FOND :
1.- SUR LA RESPONSABILITÉ
Attendu que suivant écritures de ses Conseils, en date du 07 février 2002, Mamadou Tafsirou BARRY a sollicité qu’il plaise au Tribunal de déclarer Madiop DIOP et Abdoulaye DIOP solidairement responsables de l’accident dont il a été victime, sur le fondement de l’article 137 du Code des Obligations Civiles et Commerciales; qu’il a ajouté à cet effet, qu’il résulte du procès-verbal d’accident dressé par la Compagnie de la Gendarmerie Nationale de Fatick, que les voitures qui ont été à l’origine de l’accident, appartiennent indubitablement à Madiop DIOP et Abdoulaye DIOP; que lesdits véhicules ont été respectivement assurés par les ASS et les MSAT; qu’il y a lieu en conséquence, de les déclarer tenues à garantir les éventuels paiements de toutes sommes;
Attendu que suivant écritures de leurs Conseils en date du 18 juin 2002, les Assurances Sécurité Sénégalaises ont sollicité leur mise hors de cause de cette affaire, pour la bonne et simple raison que le Tribunal de céans, par décision en date du 1er février 2000, devenue définitive, l’a mise hors de cause relativement à l’accident objet de la présente procédure; qu’il y a lieu de tirer toutes les conséquences de ladite décision, en mettant hors de cause les Assurances Sécurité Sénégalaises;
Attendu qu’il y a lieu de relever que pour asseoir le bien-fondé de leurs prétentions, les Assurances Sécurité Sénégalaises ont produit un jugement en date du 1er février 2000, duquel il ressort clairement que la Juridiction de céans a mis hors de cause Madiop DIOP et les Assurances Sécurité Sénégalaises, relativement à l’accident survenu le 03 avril 1996; que cette décision étant devenue définitive, il échet d’en tirer toutes les conséquences de droit, en mettant hors de cause Madiop DIOP et les Assurances Sécurité Sénégalaises;
Attendu en revanche que l’implication de la voiture appartenant à Abdoulaye DIOP, dans l’accident du 03 avril 1996, ne fait pas l’ombre d’un doute; que le Tribunal de céans avait, par autre décision, retenu la responsabilité de Abdoulaye DIOP et déclaré les MSAT tenues à garantir le paiement de diverses sommes, à d’autres victimes de l’accident du 03 avril 1996; qu’il échet en conséquence de déclarer Abdoulaye DIOP entièrement responsable, et les MSAT tenues à garantir le paiement de toutes sommes;
2.- SUR LA DEMANDE D’EXPERTISE
Attendu que Mamadou Tafsir BARRY a sollicité la désignation d’un expert aux fins de déterminer l’étendue de ses blessures;
Attendu en l’espèce, que le taux de l’incapacité permanente partielle et l’incapacité temporaire totale, ainsi que les autres préjudices subséquents n’ont pas été fixés; qu’il échet de faire droit à cette demande et de désigner le Professeur Abdourahmane DIA de l’Hôpital Aristide Le Dantec, pour y procéder, lui impartir un délai d’un mois à compter de sa saisine pour accomplir sa mission;
3.- SUR L’INDEMNITÉ PROVISIONNELLE
Attendu que Mamadou Tafsirou BARRY a sollicité l’octroi de la somme de 300.000 F à titre d’indemnité provisionnelle;
Attendu que la victime a exposé des frais pour prendre soin de ses blessures; qu’il échet de lui allouer la somme de deux cent mille (200.000 F) à titre d’indemnité provisionnelle, de condamner Abdoulaye DIOP à lui payer ladite somme et de déclarer les MSAT tenues à garantir ledit paiement;
4.- SUR L’EXÉCUTION PROVISOIRE
Attendu que Mamadou Tafsirou BARRY a sollicité l’exécution provisoire de la présente décision;
Attendu que les décisions avant dire droit sont exécutoires par provisoire;
Qu’il échet en conséquence de faire droit à sa demande;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de Mamadou Tafsirou BARRY, des A.S.S. et des MSAT, et par défaut à l’égard de Madiop DIOP et Abdoulaye DIOP, en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit les exceptions soulevées par les MSAT;
– Les rejette comme mal fondées;
– Déclare l’action recevable;
AU FOND
Vu le jugement rendu par le Tribunal Régional de céans le 1er février 2000;
– Met hors de cause Madiop DIOP et les A.S.S.;
– Déclare Abdoulaye DIOP entièrement responsable de l’accident survenu le 03 avril 1996;
– Dit que les MSAT sont tenues à garantie;
AVANT DIRE DROIT
– Ordonne une expertise médicolégale sur la personne Mamadou Tafsirou BARRY, avec la mission habituelle;
– Désigne pour y procéder, le Professeur Abdourahmane DIOP qui, serment préalablement prêté, s’il n’en est dispensé par les parties, et en leur présence, ou elles dûment appelées par lui à la première réunion et par lettres recommandées avec accusés de réception, aura pour mission :
– d’examiner la victime Mamadou Tafsirou BARRY,
– de décrire les blessures qui lui ont été occasionnées par son accident du 03 avril 1996, leur traitement et leurs séquelles, d’évaluer la durée de l’incapacité temporaire totale, l’importance du pretium doloris et le quantum de l’incapacité permanente partielle, s’il en existe une, en précisant si cette incapacité sera dans l’avenir susceptible d’aggravation ou de diminution;
– Dit que de ses opérations, l’expert dressera rapport et le déposera au Greffe de céans, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la mission par lettre au Greffier;
– Dit qu’en cas de refus, déport ou empêchement de l’Expert commis, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance à pied de requête, présentée par la partie la plus diligente;
– Condamne Abdoulaye DIOP à payer à Mamadou Tafsirou BARRY la somme de 200.000 F (deux cent mille francs) à titre de provision;
– Dit que les MSAT seront tenues à garantie;
– Ordonne l’exécution provisoire en ce qui concerne l’expertise et la provision;
– Réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Cette décision ne peut être approuvée; pour rejeter la règle de la suspension des poursuites individuelles contre un débiteur déclaré en liquidation des biens, elle distingue selon que les actions sont fondées sur une créance née avant ou après la déclaration de cessation des paiements faisant échapper les premières à l’effet suspensif du jugement ouvrant la procédure collective.
C’est méconnaître le fondement de la règle de l’article 75 AUPC qui tend à réunir toutes les actions (en attaque ou en défense) des créanciers dans la masse (c’est à dire dont la créance est née avant le jugement déclaratif de cessation des paiements) entre les mains du syndic représentant (liquidation des biens) ou assistant (redressement judiciaire) le débiteur.