J-03-59
1/ SAISIE IMMOBILIERE – DEMANDE DE RADIATION PAR LE CREANCIER POURSUIVANT – OPPOSITION FORMULEE PAR UN CREANCIER INSCRIT – CONTINUATION DES POURSUITES (OUI) – ARTICLE
280 AUPSRVE.
2/ SAISIE IMMOBILIERE – TITRE EXECUTOIRE – PROCES-VERBAL DE CONCILIATION – POURSUITE AU PENAL DU CREANCIER SAISISSANT POUR NON-RESPECT DU PROCES-VERBAL – APPLICATION DE LA REGLE “LE CRIMINEL TIENT LE CIVIL EN ETAT” (NON) – CONTINUATION DES POURSUITES (OUI).
1/ La demande de radiation du créancier poursuivant est sans effet sur la poursuite de la procédure de saisie immobilière, dés lors qu’un créancier inscrit a requis la vente à la barre du tribunal.
2/ Il n’y a pas lieu à ordonner le sursis à la vente lorsque le créancier saisissant est inculpé pour non-respect des termes du procès verbal de conciliation qui est à la base de la procédure de saisie, les conditions d’application de la règle “Le criminel tient le civil en état” n’étant pas réunies en raison de l’absence d’incidence de l’inculpation sur la procédure en cours.
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR, jugement n° 881 du 8 mai 2001, Souleymane Sow c/ Yéro Mbaye Konaté).
LE TRIBUNAL
Attendu que par écritures en date du 27/04/2001 reçues au greffe du tribunal de céans le 30/04/2001 le sieur Souleymane SOW a régulièrement consigné les dires au cahier des charges dressé par le sieur Yéro Mbaye KONATE aux fins d’obtenir le sursis à la vente du T.F n° 553/DG jusqu’à l’intervention d’une décision définitive sur l’action publique;
EN LA FORME
1°/ SUR la recevabilité des dires
ATTENDU que les dires ont été déposés conformément à l’article 299 de l’AU/PSRVE, qu’il échet de les déclarer recevables;
ATTENDU qu’en réponse, le conseil du poursuivant a demandé la radiation de la procédure;
2°/ SUR la demande de radiation
ATTENDU qu’en réponse, le conseil de la Société Nationale de Recouvrement (SNR) s’y est opposé en se prévalant de sa qualité de créancière inscrite qui est incontestable puisque la sommation de prendre communication du cahier des charges lui a été notifiée;
Qu’elle a sollicité en conséquence la vente sur la base de l’article 280 de l’AU/PSRCVE;
ATTENDU qu’en réplique, le sieur Souleymane SOW, par l’organe de son conseil a fait remarquer que la SNR n’a pas déposé de dires dans le sens de la continuation des poursuites;
ET que seuls les créanciers saisissants en vertu de l’article 265 du même acte pouvaient s’opposer à la radiation,
ATTENDU que l’article 280 de l’AU /PSRVE dispose « qu’au jour indiqué pour l’adjudication, il est procédé à la vente sur la réquisition, même verbale, de l’avocat poursuivant ou de tout créancier inscrit… »;
ATTENDU qu’il s’infère de ce texte que le créancier inscrit peut demander la vente à la barre même du Tribunal sans qu’il ait besoin, au préalable, de déposer des dires dans ce sens;
ATTENDU qu’en l’espèce, la SNR, en tant que créancière inscrite puisque venant aux droits et obligations de l’Union Sénégalaise de Banque (USB) qui bénéficiait d’une hypothèque conventionnelle inscrite le 06 mai 1980 tel que cela résulte de l’état des droits réels en date du 27 mars 2001, avait parfaitement le droit de s’opposer à la radiation et de demander la vente conformément à l’article 280 précité;
ATTENDU qu’en l’espèce, l’article 260 du même Acte, invoqué à tort, n’a pas vocation à s’appliquer puisqu’il suppose une pluralité de créanciers saisissants ayant inscrit leur commandement au livre foncier, ce qui n’est pas le cas dans la présente procédure,
Qu’il échet en conséquence de rejeter la demande de radiation;
AU FOND
ATTENDU que le sieur SOW a soutenu que pour non respect des termes du procès-verbal de conciliation du 04/01/2000, dont l’exécution est poursuivie, le sieur Yéro Mbaye KONATE a fait l’objet d’une inculpation du chef d’abus de confiance par le juge d’instruction du cinquième cabinet;
Que ladite inculpation, qui a toutes les chances d’aboutir à une condamnation, commande qu’il soit ordonné le sursis à la vente poursuivie et ce, en vertu du principe selon lequel « le criminel tient le civil en état »;
Qu’il sollicite le sursis à la vente jusqu’à ce q’il ait été statué sur l’action publique;
ATTENDU qu’en réponse, le conseil du sieur KONATE a déclaré qu’il renonçait à ses dires en réponse;
ATTENDU qu’il est constant, au regard du cahier des charges, que le sieur Yéro Mbaye KONATE exécute la vente (forcée) en vertu d’un titre exécutoire devenu définitif puisque le procès-verbal de conciliation consacrant sa créance a été homologué par le tribunal de céans;
Qu’en l’espèce la règle « le criminel tient le civil en état » ne s’applique pas puisque l’inculpation du sieur KONATE n’a pas d’incidence sur la procédure en cours;
Qu’il échet en conséquence de rejeter le moyen soulevé et d’ordonner la vente;
Le Ministère Public a déclaré s’en rapporter à justice
SUR quoi, le président a déclaré que les formalités prescrites par la loi ont été observées;
Puis le Tribunal est passé à l’adjudication du titre foncier;
Sur l’ordre de Monsieur le président, Maître Fatma Haris DIOP Huissier de justice à Dakar a donné lecture du cahier des charges et annoncé le montant des frais taxés à la somme de 131.130 francs suivant ordonnance de Monsieur le juge taxateur en date du 19 avril 2001;
Pendant la durée des feux prévus par la loi, il a été enchéri par Maître Mamadou GUEYE, Avocat à la Cour a sollicité qu’il plaise au Tribunal, l’adjudication au profit de la SCP Hassan HACHEM & FILS, pour la somme de 206.000.000 francs, sous réserve de la déclaration de command;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement en matière de saisie immobilière et en dernier ressort;
Déclare recevables les dires de SOULEYMANE SOW;
Rejette les dires;
Vu l’extinction des feux voulus par la loi;
Adjuge à Maître Mamadou NDOYE, Avocat à la Cour ayant déclaré agir pour le compte de la SCP HASSAN HACHEM & FILS, l’immeuble objet du titre foncier n° 553/DG pour la somme de 206.000.000 francs sous réserve de la déclaration de command;
Ordonne sur la signification du présent jugement à tous détenteurs ou possesseur de laisser ledit immeuble au profit de l’adjudicataire sous peine d’y être contraints par toutes les voies de droit et par voie d’expulsion.
Observations :
Par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Facultés de Droit, Directeur du Centre de Recherche, d’Etudes et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA) de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar
L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution donne au créancier poursuivant un rôle important dans la conduite de la procédure de saisie immobilière. Ne dit-on pas qu’au jour indiqué pour l’adjudication il n’y est procédé qu’à la demande du poursuivant ?
Ce rôle conféré au poursuivant ne doit cependant pas faire perdre de vue la place qu’occupent les autres créanciers, notamment les créanciers inscrits. L’article 280 AU/PSRCVE prévoit, par exemple, que faute pour le créancier poursuivant de requérir l’adjudication, il peut y être procédé sur la demande de l’un des créanciers inscrits. Le tribunal régional hors classe de Dakar a justement rappelé, dans le jugement ci-dessus, qu’à un certain moment, le créancier poursuivant ne conduit plus de manière unilatérale la procédure. Il a décidé, en effet, que la demande de radiation ne peut empêcher la poursuite de la procédure dés lors qu’un créancier inscrit a requis la vente à la barre du tribunal.