J-03-61
1/ SAISIE IMMOBILIERE – CONDITIONS – FORMALITES PRESCRITES PAR LES ARTICLES 254 ET 270 – INOBSERVATION – SANCTION (NULLITE) – EXIGENCE D’UN GRIEF.
2/ SAISIE IMMOBILIERE PRATIQUEE CONTRE UNE CAUTION REELLE – CONDITIONS – SIGNIFICATION AVEC SOMMATION A TIERS DETENTEUR – OMISSION – GRIEF ETABLI (OUI) – NULLITE (OUI).
Article 254 AUPSRVE
Article 270 AUPSRVE
Article 297 AUPSRVE
1/ L’article 297 de l’AUPSRCRVE ayant prévu que les formalités prescrites par les articles 254 et 270 ne sont sanctionnées par la nullité que si l’irrégularité cause un grief à celui qui s’en prévaut, doit être rejeté le dire tendant à faire prononcer la nullité pour défaut de signification du commandement et défaut de mention des jours et heure de l’audience d’adjudication dés lors que le disant n’a pas apporté la preuve qu’il a subi un grief du fait de cette omission.
2/ Doit être annulée la procédure initiée contre une caution réelle qui n’a pas reçu signification du commandement valant saisie réelle, le grief étant établi dés lors qu’en l’absence de signification elle n’a pas été mise en mesure de payer pour éviter la vente.
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR (SENEGAL), jugement n° 503 du 7 mars 2000 SOSERCOM c/ Banque internationale du Sénégal (BIS)).
LE TRIBUNAL
ATTENDU que par dires reçus au greffe du Tribunal de céans le 24 février 2000 et annexés au cahier des charges de la société sénégalo-coréenne d’Electroménager dite « SOSERCOM » et Samba DIALLO dit Cheikh Baye Samba DIALLO sollicitent l’annulation de la procédure de vente par expropriation forcée engagée par la Banque Islamique du Sénégal dite BIS, sur le lot n° 147 à distraire du T.F n° 22.807/DG;
EN LA FORME;
ATTENDU que les dires déposés dans la formes et délai légaux doivent être déclarés recevables;
AU FOND
ATTENDU que les disants ont soulevé, d’une part, la nullité de la procédure et, d’autre part, celle de la garantie dont est poursuivie la réalisation;
1°) Sur la nullité de la garantie
ATTENDU que la SOSERCOM et Samba DIALLO dit Cheikh Baye Samba DIALLO estiment que la garantie est nulle aux motifs que la caution réelle ne justifie pas d’un droit réel sur l’immeuble en cause, ni d’un droit de propriété, encore moins un démembrement d’un droit de propriété, qu’ainsi il ne peut valablement avoir donné ledit immeuble en garantie,
ATTENDU que la BIS n’a pas fait valoir de moyens de défense;
ATTENDU qu’il ressort du cahier des charges dressé par la BIS que la vente est poursuivie sur l’immeuble sis à Dakar au lieu dit Nord, Liberté 6, formant le lot n°147, d’une superficie de 300 mètres carrés ainsi que les constructions qui y sont édifiées à distraire du titre foncier n° 22.207/D.G;
ATTENDU que Samba DIALLO dit Cheikh Baye Samba DIALLO ne peut être admis à soutenir qu’il ne dispose d’aucun droit réel sur l’immeuble pour l’avoir consenti en garantie à la BIS qui l’a accepté, le débat ne pouvant être focalisé sur le fait que l’immeuble dont il s’agit serait un immeuble immatriculé sur lequel un droit réel ne peut être prouvé que par les mentions du livre foncier et qui ne pouvait faire l’objet d’une garantie que sous forme d’hypothèque;
Qu’il échet donc de dire que ce moyen ne peut prospérer;
2°) Sur la nullité de la procédure
ATTENDU que sur le moyen tiré de la nullité de la procédure, la SOSECOM et Samba DIALLO dit Cheikh Baye Samba DIALLO font valoir, tout d’abord, que le commandement valant saisie réelle est nul aux motifs que la BIS poursuit la vente en vertu d’un acte notarié d’ouverture de crédit établi le 29 avril 1997 par lequel Samba DIALLO, caution réelle de la SOSERCOM, a effectué et donné en garantie à la BIS les peines et soins édifiés sur le lot 147, morcellement du Titre Foncier n° 22807/DG; qu’elle n’a toutefois pas signifié ledit commandement à la caution réelle pour l’installer dans la cause; que cela constitue une violation des dispositions des articles 254 alinéa 2 et 255 de l’AUPSRCVE en vertu desquelles le commandement doit être signifié au débiteur et, le cas échéant, au tiers détenteur de l’immeuble;
ATTENDU que les disants ont ensuite soutenu que le commandement ne peut produire aucun effet pour n’avoir pas été publié au livre foncier puisqu’il ne vaut saisie réelle qu’à compter de son inscription suivant l’alinéa 1er de l’article 262 et l’article 259 de l’AUPSRCVE;
ATTENDU que les disants ont enfin relevé que la procédure est nulle dans la mesure où la sommation de prendre communication du cahier des charges n’indique pas les jour et heure de l’audience d’adjudication, une telle formalité étant édictée à peine de nullité par l’article 270 de l’AUPSRCVE;
ATTENDU que la BIS n’a pas discuté ces arguments;
ATTENDU que l’article 297 de l’AU/ PSRVE prévoit que les formalités édictées par les articles 254 & 270 ne sont sanctionnées par la nullité que si l’irrégularité a pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque;
ATTENDU que Samba DIALLO dit Cheikh Baye Samba DIALLO n’a élevé aucun grief tiré de la non signification du commandement et l’absence de mention des jour et heure de l’audience d’adjudication;
ATTENDU que, cependant, l’article 254 de l’AUPSRCVE prévoit que le commandement doit être signifié au débiteur et, le cas échéant, au tiers détenteur de l’immeuble, à peine de nullité;
Que l’article 255 du même Acte Uniforme, dispose que le commandement est signifié à peine de nullité au tiers détenteur avec sommation, soit de payer l’intégralité de la dette en principal et intérêts, soit de délaisser l’immeuble hypothéqué, soit, enfin ,de subir la procédure d’expropriation;
ATTENDU qu’il convient de relever que la caution étant tenue d’exécuter l’obligation en cas de défaillance du débiteur principal ne doit pas être surprise par les conséquences de cette carence;
Que pouvant opposer au créancier toutes les exceptions que le débiteur principal pouvait opposer à ce dernier, c’est à bon droit que les disants estiment que le commandement doit lui être signifié puisqu’il doit être mis en demeure….de se libérer de la dette et d’éviter la réalisation de la garantie, la vente par expropriation forcée ne pouvant alors intervenir que si le débiteur et la caution ne se sont pas exécutés dans le délai qui leur est imparti;
ATTENDU qu’il n’est pas contesté que Samba DIALLO n’a pas reçu signification du commandement valant saisie réelle de son immeuble, que pour n’avoir pas été mis en mesure de payer pour éviter la vente, il a subi un grief, que la procédure encourt dès lors la nullité;
Qu’il échet, compte tenu de tout ce qui précède, d’annuler la procédure de vente entamée sur le lot n° 147 à distraire du Titre Foncier n° 22.807/ D.G.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de saisie – immobilière et en premier ressort :
EN LA FORME
Déclare les dires recevables;
AU FOND
Déclare nulle la procédure de vente par expropriation forcée entamée par la Banque Islamique du Sénégal sur le lot n° 147 distraite du Titre Foncier n° 22.807/ D.G.
Observations :
Par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Facultés de Droit, Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA) de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar
L’article 297 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées énumère un certain nombre de formalités et décide qu’elles ne sont sanctionnées par la nullité que si l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui s’en prévaut. C’est la consécration de la règle “pas de nullité sans grief” pour ce type de formalités.
Le Tribunal régional hors classe de Dakar a fait une application de cette règle dans le jugement ci-dessus. Dans une procédure de saisie immobilière, le créancier avait omis d’accomplir une des formalités prévues par l’article 254 c’est-à-dire, en l’espèce, la signification avec sommation à tiers détenteur (cette formalité est d’ailleurs reprise par l’article 255, mais ce texte ne fait pas partie de la liste dressée par l’article 297). Saisi d’un dire tendant à faire déclarer nulle la procédure, le Tribunal a donné gain de cause au disant au motif que la nullité est encourue dés lors que le tiers détenteur qui n’a pas reçu signification du commandement n’a pas été mis à même de payer pour éviter la vente et a, de ce fait, subi un grief. En statuant ainsi, le Tribunal, sans dire en quoi consiste le grief, fait résulter celui-ci de l’existence même de l’irrégularité. On a l’impression que pour le Tribunal « le grief résulte de plein droit et de façon quasi automatique du vice lui-même1 ». Cette option s’explique certainement par le fait que, pour le Tribunal, l’irrégularité est d’une gravité telle qu’elle engendre nécessairement le grief prévu par la loi2. En l’espèce, il ne s’agissait pas seulement de l’accomplissement irrégulier d’une formalité; il y avait carrément omission de la formalité. La gravité du vice ne peut cependant, à notre avis, dispenser le tribunal de l’appréciation in concreto que lui impose le texte compte tenu de la formule utilisée.
Ce texte veut que la juridiction saisie apprécie, cas par cas, le préjudice que cause l’irrégularité. Le tribunal devait donc s’assurer que le disant a apporté la preuve que le vice lui a causé un préjudice. Il peut arriver, en effet, que, malgré le vice, celui qui invoque la nullité ne puisse se prévaloir d’un préjudice parce qu’il a pu avoir, par d’autres moyens, les éléments d’information que l’accomplissement de la formalité était destiné à porter à sa connaissance.
A force de se passer de cette appréciation in concreto, on risque de confondre le préjudice avec l’irrégularité elle-même.