J-03-62
Voir Ohadata J-03-06 Ohadata J-03-321 Ohadata J-03-323
SAISIE IMMOBILIERE – PROCEDURE ENGAGEE POSTERIEUREMENT AU 10 JUILLET 1998 – LOI APPLICABLE APPLICATION DANS LE TEMPS DE L’ACTE UNIFORME SUR LES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE REVOUVREMENT DES CREANCES ET LES VOIES D’EXECUTION – ARTICLE 337 AUPSRVE.
L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution étant adopté le 10 avril 1998 et devant entrer en vigueur 90 jours après son adoption, son application est effective depuis le 10 juillet 1998 de sorte que toute procédure de saisie initiée après cette date ne peut l’être que sur le fondement de ses dispositions.
Article 337 AUPSRVE
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR (SENEGAL), jugement n° 1.704 du 28 septembre 1998 Abdoulaye Niang et Cheikh Ahmed Tidiane Niang c/ Banque Islamique du Sénégal).
LE TRIBUNAL
ATTENDU que par écrits reçus les 24 septembre et 19 octobre 1998 au greffe du Tribunal de céans, Cheikh Ahmed Tidiane NIANG et la Sarl Entreprise Générale de Bâtiment et d’Eclairage Public ont déposé des dires pour s’opposer à la vente prévue le 28 octobre 1998 de l’immeuble objet du T.F n° 27.750/ D.G. sur les poursuites de la Banque Islamique du Sénégal;
AU FOND
ATTENDU que les disants ont soutenu que la procédure est nulle pour nullité de l’hypothèque; Qu’en effet, selon eux, la procuration du 16 décembre 1996 en vertu de laquelle Cheikh Ahmed Tidiane NIANG a hypothéqué l’immeuble objet du T.F. n° 27.503/ D.G. lui a été donnée par Abdoulaye NIANG aux fins d’emprunter à son nom et pour son compte et d’hypothéquer l’immeuble en question pour garantir ce prêt; Qu’or, en l’espèce, Cheikh Ahmed Tidiane NIANG n’a pas emprunté au nom de la Sarl EGBEP; Qu’il en résulte, selon eux, que l’hypothèque est nulle au regard de l’article 909 alinéa 1 du COCC et avec toute la procédure subséquente, puisque s’agissant d’une caution hypothécaire, la vente ne peut se faire qu’en vertu de l’hypothèque conformément à l’article 848 du COCC;
ATTENDU que les disants ont également soutenu que la procédure est nulle parce que mal dirigée; Qu’en effet le prêt a été consenti en l’espèce à la Sarl EGBEP qui, selon eux, n’a pas une seule fois été visée dans la présente procédure; Qu’or, une telle procédure ne peut être régulière que pour autant qu’elle soit dirigée à l’encontre du ou des débiteurs conformément aux dispositions des articles 485 du CPC et 254 de l’AU OHADA; Qu’en tout état de cause, l’acte notarié ne concernant pas Cheikh A.T. NIANG es-nom, la B.I.C.I.S ne justifie pas d’un titre exécutoire de nature à fonder une vente à l’encontre de ce dernier; Qu’également en ce qui concerne Abdoulaye NIANG en sa qualité de caution hypothécaire, la vente ne peut être poursuivie à son encontre sans que le débiteur cautionné ne soit installé dans la procédure;
ATTENDU que les disants ont ajouté qu’au regard de l’article 337 de l’A.U. de l’OHADA sur les procédures simplifiées et les voies d’exécution qui est entré en vigueur le 1er juillet 1998, le commandement du 8 juillet 1998 devait être diligenté en vertu de ses dispositions; Que sous ce registre le commandement est nul selon eux, pour avoir violé les dispositions de l’article 267; Que la sommation de prendre connaissance du cahier des charges est nulle pour n’avoir pas respecté les dispositions des articles 269 & 270; Que la publicité est nulle pour avoir violé les dispositions des articles 276, 277 et 278;
ATTENDU que les disants ont également ajouté que le commandement valant saisie réelle est nul pour n’avoir pas respecté les dispositions du paragraphe I de l’article 485 du CPC puisque ledit commandement devait mentionner la date et na nature du titre;
Qu’il est également nul pour avoir violé les dispositions du paragraphe 7 de l’article 485 du CPC puisqu’il n’y est pas donné avertissement au saisi que la vente sera poursuivie faute de paiement dans les 15 jours;
Que les placards sont nuls pour avoir violé les dispositions de l’alinéa in fine de l’article 497 du CPC puisqu’ils ne comportent ni l’énonciation du titre, ni le domicile du poursuivant, ni celui du saisi, ni la consistance de l’immeuble, ni les abornements;
Que le P.V. d’apposition des placards est nul puisque l’apposition prévue à l’article 497 a été faite en l’espèce au tableau d’affichage de la mairie de Dakar; Qu’or, l’immeuble en question est situé aux Almadies et la mairie de Dakar n’est point le chef lieu de la circonscription administrative; Qu’en effet, selon les disants, par l’effet du décret n° 96.745 du 30 août 1996, la ville de Dakar a été subdivisée en communes d’arrondissement et l’arrondissement des Almadies couvrant les communes d’arrondissement de Ouakam, Ngor et Yoff, l’apposition devait se faire dans l’une de ces communes d’arrondissement;
ATTENDU que les disants ont par ailleurs sollicité le sursis à statuer jusqu’au dénouement de la procédure de réalisation du nantissement de la BIS au motif qu’en vue de la réalisation des travaux de construction de logements à Gibraltar 3, l’EGBEP a bénéficié du concours de la BIS qui dispose ainsi d’un privilège spécial; Que dans la mesure ou les HLM ont reconnu que les travaux ont été exécutés à concurrence de 80% soit pour une contre partie financière de 341.905.202 francs qui couvre largement la créance de la BIS qui doit réaliser d’abord son privilège;
ATTENDU que la BIS a, par dires en réponses reçus le 26 octobre 1998, soutenu d’abord que les dispositions de l’Acte Uniforme ne sont entrées en vigueur que le 13 juillet 1998 et ne sont donc applicables en l’espèce;
Qu’elle a ajouté que les poursuites ayant été faites en vertu d’un acte notarié, une simple référence à cet acte était suffisante;
Qu’elle a également soutenu que le commandement ne peut être déclaré nul en ce sens que le débiteur a reçu sommation d’avoir à payer dans les 15 jours pour tout délai la somme de 93.418.965 Frs et qu’il lui est précisé qu’à défaut de paiement, le commandement sera inscrit et vaudra saisie réelle; Qu’en tout état de cause, selon la BIS, une irrégularité de procédure n’est une cause de nullité que si elle nuit aux intérêts de celui qui l’invoque conformément aux dispositions de l’article 826 du CPC, Qu’elle a, en conséquence, sollicité le rejet des dires et a déclaré s’opposer au renvoi;
ATTENDU que le commandement valant saisie réelle servi à Cheikh Ahmed Tidiane NIANG, gérant de l’EGBEP et à Abdoulaye NIANG, a été visé le 20 juillet 1998;
ATTENDU que l’AU. de l’OHADA sur les PSRCVE a été adopté le 10 avril 1998 et est entré en vigueur 90 jours après son adoption conformément aux dispositions de l’article 9 du traité relatif à l’OHADA; Qu’ainsi, son application a été effective à la date du 10 juillet 1998 de sorte que toute procédure de cette nature initiée après cette date ne peut l’être que sur le fondement desdites dispositions compte tenu de celles de son article 337;
ATTENDU que le commandement précité n’a pas respecté les dispositions de l’A.U. de l’OHADA sur les PSRCVE; Qu’il échet de l’annuler pour cette raison sans qu’il soit nécessaire d’étudier les autres arguments invoqués;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en matière de criées et en dernier ressort;
Reçoit les dires déposés par Cheikh Ahmed Tidiane NIANG et la Sarl EGBEP;
Annule le commandement servi le 8 juillet 1998 par la BIS ainsi que toute la procédure subséquente.
Observations :
Par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Facultés de Droit, Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA) de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar
Si, aujourd’hui, le débat relatif au sens qu’il faut donner à l’article 337 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui est le siège des dispositions transitoires de cet Acte uniforme ne présente plus qu’un intérêt purement théorique et intellectuel (Voir sur cette question, Issa-Sayegh Joseph, La portée abrogatoire des Actes uniformes de l’OHADA sur le droit interne des Etats parties, RBD n° spécial 2001 p.51.), il n’en était pas ainsi au moment de l’entrée en vigueur de ce texte. Il n’était pas toujours facile, en effet, à partir du 10 juillet 1998, date d’entrée en vigueur de cet Acte uniforme, de savoir quelles étaient les procédures qui restaient régies par la loi ancienne et quelles étaient celles qui devaient relever de la nouvelle réglementation. Cela explique certainement les errements de certains plaideurs.
L’affaire qui a donné lieu au jugement rendu par le tribunal régional hors classe de Dakar le 28 octobre 1998 est une parfaite illustration de ces difficultés. Pourtant, cette affaire était relativement simple. Un créancier avait fait établir un commandement le 8 juillet 1998 afin de poursuivre la réalisation forcée d’un immeuble. Le commandement et les actes subséquents ont été établis conformément aux dispositions du Code sénégalais de procédure civile. Pour s’opposer à la vente, le débiteur a soulevé des dires tendant à faire juger que la procédure de saisie était nulle. Il invoquait, entre autres arguments, le fait que le commandement, établi le 8 juillet 1998, n’a pas été diligenté conformément aux dispositions de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution alors que ce texte est entré en vigueur le 1er juillet 1998. Il faut observer que le disant lui-même ne maîtrisait pas les données du problème. Non seulement, il situe la date d’entrée en vigueur au 1er juillet 1998 alors que la date réelle d’entrée en vigueur est le 10 juillet 1998 mais, en plus, il invoque tantôt l’inobservation de l’Acte uniforme, tantôt la violation des dispositions contenues dans la législation antérieure c’est-à-dire le Code de procédure civile.
La question soumise au tribunal était de savoir si l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution devait s’appliquer aux procédures de saisie qui se poursuivent après son entrée en vigueur, mais qui ont été engagées avant.
Pour répondre à cette question, le tribunal a suivi un raisonnement que l’on peut ainsi résumer : l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution est adopté le 10 avril 1998 et est entré en vigueur le 10 juillet de la même année; ainsi, toute procédure de saisie initiée après cette date doit être effectuée conformément à ses dispositions. Il s’ensuit que le commandement qui a été visé postérieurement à cette date et qui n’a pas respecté les règles prescrites par cet Acte uniforme doit être annulé.
Cette décision ne nous semble pas satisfaisante. Il ne fait, certes, aucun doute que si la procédure est initiée postérieurement à l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme, elle est régie par ce texte. Mais en l’espèce, c’est seulement le visa qui est intervenu postérieurement à l’Acte uniforme; or, le visa ne constitue pas le point de départ de la procédure. Celle-ci débute en effet par l’établissement d’un commandement qui est signifié au débiteur saisi, car il est incontestable que le commandement est un acte d’exécution. Comme le faisaient observer MM Vincent et Prévault1 « le commandement n’est plus considéré comme un acte préalable à la saisie; il en est partie intégrante ». En l’espèce il semble bien que l’établissement du commandement et la signification se situent avant l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme (il est question du 8 juillet); ils sont donc effectués en application de la législation ancienne. Dans ces conditions, la procédure devait se poursuivre conformément à cette législation jusqu’à son achèvement.