J-03-63
SAISIE IMMOBILIERE – TIERS DETENTEUR – PERSONNES CONCERNEES – CREANCIERS HYPOTHECAIRES OU BENEFICIANT D’UN PRIVILEGE SPECIAL SUR L’IMMEUBLE.
SAISIE IMMOBILIERE – SOMMATION DE PRENDRE CONNAISSANCE DU CAHIER DES CHARGES – SIGNIFICATION AU TIERS SAISI – SIGNIFICATION A PERSONNE OU A DOMICILE – OMISSION – IMPOSSIBILITE DE SE PREVALOIR D’UN GRIEF – NULLITE (NON).
SAISIE IMMOBILIERE – PROCEDURE – SOMMATION DE PRENDRE CONNAISSANCE DU CAHIER DES CHARGES – SIGNIFICATION AUX CREANCIERS – OMISSION – DEMANDE D’ANNULATION FORMULEE PAR LE DEBITEUR – ABSENCE DE JUSTIFICATION D’UN GRIEF (REJET).
Article 254 AUPSRVE
Article 255 AUPSRVE
Article 297 AUPSRVE
Les tiers détenteurs étant les créanciers hypothécaires ou bénéficiant d’un privilège spécial immobilier (sic), ne peuvent être considérés comme tels ni le représentant légal de la société propriétaire de l’immeuble, ni la société (l’hôtel) qui y est exploitée.
Même s’il est démontré que la sommation de prendre connaissance du cahier des charges a été signifiée de manière irrégulière, la nullité n’est pas encourue dés lorsque le saisi ne peut se prévaloir d’un grief.
Le débiteur saisi ne peut se prévaloir d’un grief lorsque la sommation de prendre connaissance du cahier des charges n’est pas signifiée aux créanciers inscrits.
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR (SENEGAL), jugement n° 895 du 2 mai 2000 CBAO c/ SCI JABULA).
LE TRIBUNAL
ATTENDU que, suivant dires reçus au greffe du Tribunal de céans le 25 avril 2000 et annexés au cahier des charges, la SCI JABULA a sollicité l’annulation de la procédure de vente par expropriation forcée entamée sur l’immeuble objet du titre foncier n° 2323/D.G;
EN LA FORME :
ATTENDU que les dires ont été déposés dans les forme et délai légaux, il échet de les déclarer recevables;
AU FOND :
ATTENDU que la SCI JABULA se fonde sur quatre moyens :
la nullité du commandement valant saisie – réelle,
la nullité du cahier des charges,
la nullité de la sommation de prendre connaissance du cahier des charges,
le défaut de justification de la créance;
Commandement en date du 09 mars 2000, la SCI JABULA a d’abord soutenu que ledit commandement contient une confusion sur le numéro du titre foncier désigné sous deux numéros différents, à savoir 2223/D et 2323/D.G.; Que selon lui l’article 254 de l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution (AU/ PSRCVE) exige que le commandement doit contenir, à peine de nullité, le numéro du Titre Foncier et l’indication de la situation précise des immeubles faisant l’objet de la poursuite pour éviter de telles confusions;
Que la SCI JABULA a ensuite relevé que le commandement n’a pas été signifié au débiteur mais au tiers détenteur de l’immeuble, à savoir l’hôtel TABARA; Que ledit commandement encourt la nullité pour n’avoir pas contenu les prescriptions de l’article 255 de l’AU/ PSRCVE aux termes duquel, il est signifié avec sommation de payer l’intégralité de la dette en principal et en intérêt, soit de laisser l’immeuble hypothéqué, soit enfin de subir la procédure d’expropriation;
Que la SCI JABULA a, en outre, soutenu que la CBAO, consciente des irrégularités qui entachent le commandement, a procédé à des rectifications manuscrites sur le commandement, ce qui lui cause un préjudice dans la mesure ou son immeuble risque d’être vendu sur la base d’un acte altéré où l’inscription à la conservation foncière a été faite est différent de la copie qui lui est servie;
Que la SCI JABULA a, enfin, fait valoir que le commandement ne contient pas la désignation complète de l’immeuble objet de la vente, que seul le cahier des charges fait une désignation plus précise; Qu’ainsi, en ne reprenant pas la désignation de l’immeuble telle que faite dans le commandement en rédigeant le cahier des charges comme exigé à l’article 267 7e de l’AUPSRCVE, la CBAO n’a pas respecté les dispositions de l’article 254 5e;
ATTENDU qu’il convient de , avec la CBAO, que l’état des droits réels versé au dossier au dossier laisse apparaître à la SCI JABULA, qu’il fait également mention de l’inscription le 23 mars 2000 d’un commandement valant saisie réelle du 09 mars 2000 à la requête de la CBAO sur ledit Titre Foncier;
Qu’il n’y a donc pu y avoir de confusion sur ledit immeuble dont la vente est poursuivie; Que pour ce qui est de la mention du numéro 2223/D.G il ne s’agit que d’une erreur matérielle;
Qu’il échet, dès lors, de rejeter ledit moyen inopérant
ATTENDU que pour ce qui est de la violation de l’article 255 de l’AUPSRCVE, la CBAO dans ses dires en réponse expose que l’huissier a bien précisé dans le commandement que la SCI JABULA était inconnue au lieu où il a été servi; qu’il échet de rejeter ce moyen;
Sur la nullité de la sommation de prendre connaissance du cahier des charges
ATTENDU que la SCI JABULA estime que la sommation de prendre connaissance du cahier des charges au motif que l’article 296 de l’AU/PSRVE dispose qu’à peine de nullité la sommation est signifiée au saisi à personne ou à domicile, où en l’espèce l’Hôtel TABARA est une société distincte de la SCI JABULA, que par ailleurs le comptable de la Société TABARA n’est pas le représentant légal de la SCI JABULA, que donc selon elle la CBAO devait servir la sommation à la mairie en ne trouvant pas la personne habilitée à la prendre, conformément au code de procédure civile;
Que la SCI JABULA a, en outre, relevé que la sommation n’a pas été signifiée aux créanciers inscrits et indiqués dans l’état des droits réels, estimant que même si le préjudice est causé à ceux-ci, elle peut demander la nullité de ladite sommation;
ATTENDU que la CBAO, quant à elle, fait observer que le siège social de la SCI JABULA n’est plus au 68, Avenue Lamine GUEYE où elle est inconnue, que les diverses correspondance échangées entre les parties établissent que le siège social de la SCI JABULA est transféré à l’Hôtel TABARA, son nouveau représentant légal n’étant que Ndongo DIOUF.
Que la sommation est servie au siège social, ce qui a permis à la SCI JABULA de prendre connaissance du cahier des charges et déposer des dires dans les délais;
Qu’elle estime également qu’au regard des articles 269 & 336 l’AUPSRCVE la sommation ne peut être servie à mairie;
Qu’elle souligne, enfin, que les hypothèques conventionnelles inscrites le 13 décembre 1953 à hauteur de 110.000 Frs, au profit de JULIE MARTA et de 185.000 au profit de jean LEGOUX, obéissant au décret du 15 mai 1992 dont l’article 59 prévoit que l’inscription conserve l’hypothèque pendant 15 ans, lesdites sûretés sont inopposables aux tiers après 47 ans, d’autant plus que les adresses des créanciers inscrits ne figurant nulle part, l’article 269 exigeant une notification au domicile élu;
ATTENDU qu’il n’est pas contesté que la SCI a son siège social à l’adresse indiquée sur les diverses correspondances signées par Ndongo DIOUF à la rue Raffenel x Faidherbe;
Que si le contraire était démontré, la SCI JABULA ne peut se prévaloir d’un grief puisque l’objet de la sommation est atteint, la SCI ayant pu insérer des dires au cahier des charges dans les délais requis;
Que pour ce qui est de la signification aux créanciers inscrits, la SCI JABULA ne justifie aucun grief à elle causée conformément à l’article 297 de l’AUPSRCVE;
SUR LA CREANCE
ATTENDU que la SCI JABULA soutient que la CBAO ne justifie pas sa prétendue créance, que la convention de créance bancaire; Que la grosse d’acte d’ouverture de crédit du 20 avril 1995 n’est pas conforme à l’article 62 du décret n° 79.1029 du 05 novembre 1995 (sic) fixant le statut des notaires puisqu’elle ne contient pas la mention de sa conformité avec l’original, le non respect d’une telle formalité substantielle entraînant la nullité, que la convention d’exigibilité étant un acte sous seing privé et Ndongo DIOUF illettré, la mention lu et approuvé devait porter, en toutes lettres, le montant de l’obligation de celui qui s’engage conformément à l’article 22 alinéa 2 du COCC;
Que la SCI estime que Ndongo DIOUF qui a signé la convention d’exigibilité en sa qualité d’Administrateur Directeur Général de la Société hôtelière TABARA, n’a pas pouvoir pour la représenter dans la mesure où l’acte d’ouverture de crédit du 20 avril 1995 laisse apparaître que El Hadji CANJURA JABULA et Abdoulaye JABULA sont les seuls membres de la SCI JABULA, le second étant le gérant statuaire, et que toute convention doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration;
ATTENDU que la vente est poursuivie en vertu de la grosse d’un acte d’ouverture de crédit en date du 20 avril 1995 par lequel la CBAO a ouvert à la SCI JABULA un crédit à court terme d’un montant de 265.760.000 Frs avec affectation hypothécaire de l’immeuble objet du Titre Foncier noté par la CBAO;
Que la SCI JABULA ne contestant pas sérieusement la créance qui lui est réclamée, il échet de rejeter ce dernier moyen;
ATTENDU qu’il n’est pas poursuivi l’exécution du jugement rendu à l’audience éventuelle, mais plutôt celle d’un acte d’ouverture de crédit signé entre les parties;
Qu’il y a lieu de dire que la mesure d’exécution provisoire sollicitée n’est pas opportune;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de criées et en premier ressort;
Reçoit les dires;
AU FOND
Les rejette;
Renvoie les parties à l’audience d’adjudication du 13 juin 2000.
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Observations :
Par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Facultés de Droit, Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA) de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar
Dans toute procédure de saisie immobilière il faut trois formalités : l’établissement, la signification et la publication d’un commandement valant saisie réelle. Mais si la saisie est pratiquée entre les mains d’une personne autre que le débiteur, il faut accomplir une formalité supplémentaire : c’est la signification avec sommation à tiers détenteur. Cette dernière formalité s’explique aisément : le tiers détenteur qui n’est pas personnellement tenu de la dette n’est tenu qu’en raison de la détention de l’immeuble; il faut, dans ces conditions, lui permettre d’exercer l’option que lui donne la loi entre payer la dette, délaisser l’immeuble et subir la procédure d’expropriation1.
Au vu de ce qui précède, il est important de se demander qui est tiers détenteur. A cette question, le tribunal régional hors classe de Dakar apporte, dans le jugement ci-dessus, une réponse assez inattendue. Selon le tribunal, le tiers détenteur de l’immeuble c’est le créancier hypothécaire ou bénéficiant d’un privilège spécial immobilier sur l’immeuble du débiteur. Il s’agit là d’une erreur, inhabituelle du reste, du tribunal. Le tiers détenteur c’est celui qui a acquis l’immeuble hypothéqué et contre qui la saisie est dirigée en raison du droit de suite attaché à cette sûreté réelle immobilière que constitue hypothèqué2.