J-03-68
Procédure – Exploit d’huissier – Contenu – Indication du domicile du représentant d’une société et précisions relatives au siège social – Mentions prescrites à peine de nullité (non) – Absence d’indication – Nullité – Condition – Preuve d’un préjudice – ARTICLE 25 AUSCGIE.
Recouvrement de créance – Injonction de payer – Opposition – Délais – Observation (oui) – ARTICLE 10 AUPSRVE – ARTICLE 11 AUPSRVE.
Recouvrement de créance – Injonction de payer – Opposition – Obligation à la charge de l’opposant – Mention des notifications faites aux parties sur la copie de l’exploit laissée au greffe de la juridiction (non) – Signifier le recours et servir assignation (oui) – ARTICLE 11 AUPSRVE.
L’indication du domicile du représentant d’une société et les précisions relatives à son siège social dans les exploits dressés par les huissiers de justice ne sont pas des mentions prescrites à peine de nullité. Dès lors, l’absence de ces mentions ne peut être sanctionnée par la nullité qu’à condition que le requérant rapporte la preuve que ladite absence lui a causé un préjudice quelconque.
Est faite dans les délais prescrits par les articles 10 et 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’opposition formée le 29 décembre 1999 contre une ordonnance d’injonction de payer rendue le 06 décembre 1999 et signifiée le 15 décembre 1999, soit 14 jours après la signification et dont avenir a été servi le 11 janvier pour fixer la date de comparution au 24 janvier 2000, soit 26 jours après l’opposition.
La seule obligation à la charge de l’opposant étant de signifier son recours et de servir assignation dans le même acte, l’article 11 de l’Acte uniforme susvisé n’impose pas que les notifications faites aux parties figurent obligatoirement sur la copie de l’exploit délaissé au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer.
Article 25 AUSCGIE
Article 10 AUPSRVE
Article 11 AUPSRVE
(Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA), arrêt n° 11/2002 du 28 mars 2002, Société M. c/ DDCI, Le Juris-Ohada, n° 4/2002, octobre –novembre –décembre 2002, p. 38, note anonyme).
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 21 mars 2002, où étaient présents :
– Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M’BOSSO Premier Vice-Président
Antoine Joachim OLIVEIRA Second Vice-Président
Doumsinrinmbaye BAHDJE Juge
Maïnassara MAIDAGI Juge-rapporteur
Boubacar DICKO Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA Greffier en chef;
Sur le pourvoi formé par Maître Michel DAGO-DJIRIGA, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la société M., société à responsabilité limitée au capital de 10.000.000 F CFA dont le siège social se trouve à Vridi, Rue de la Pointe aux Fumeurs, zone industrielle, 15 BP 899 Abidjan 15, poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Henri Jean MASSON, de nationalité française, domicilié à la Riviera Golf, 15 BP 899 Abidjan 15, ladite société ayant élu domicile en l’étude de son Conseil sise à Abidjan, Avenue Jean-Paul II, Immeuble CCIA, 3ème étage, porte 13, B.P. 1162 Abidjan 04;
En cassation de l’Arrêt n° 101 du 19 janvier 2001 de la 3ème Chambre Civile et Commerciale de la Cour d’Appel d’Abidjan, dont le dispositif est le suivant :
« EN LA FORME :
– Déclare la société D. et D. de COTE D’IVOIRE dite DDCI recevable en son appel relevé du jugement civil n° 561/Civ2-B2 rendu le 26 juin 2000 par le Tribunal d’Abidjan;
AU FOND :
– L’y dit bien fondé;
– Infirme en toutes ses dispositions ledit jugement;
Statuant à nouveau;
– Rétracte l’ordonnance d’injonction de payer n° 7424/99 du 6 décembre 1999;
– Condamne la société M. aux dépens »;
La requérant invoque à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur Maïnassara MAIDAGI, Juge à la Cour;
Ouï Maître DAGO-DJIRIGA, pour la partie demanderesse et Maître ZAGO, pour la partie défenderesse, en leurs observations, la procédure orale ayant été autorisée;
Vu les dispositions des articles 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Vu l’article 246 alinéa 1-2° du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative;
Vu l’article 25 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique;
Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir fait une mauvaise application de l’alinéa 1-2° de l’article 246 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative et de l’article 25 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique en ce que la Cour d’Appel a retenu « que l’absence de l’indication du domicile du représentant légal de la société D. et D. de COTE D’IVOIRE et de l’imprécision du siège social de ladite société est suffisamment suppléée par l’élection de domicile faite par la société DDCI en l’étude de son Conseil, de sorte que le moyen tiré de la violation des dispositions des articles 246 alinéas 2 et 25 du Traité OHADA (sic) relatif aux recouvrements de créance, n’apparaît pas fondé et doit être comme tel » (sic), alors que dans l’acte du représentant légal de la société, ledit acte mentionnant simplement que le siège social est à Abidjan Vridi, Zone Industrielle, 01 BP 3552 Abidjan 01; que ladite société agit aux poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur A., Président Directeur Général, de nationalité française, demeurant en cette qualité au siège de ladite société; et que selon le requérant, « il est de doctrine et de jurisprudence moderne que le domicile d’un représentant légal, tel dans le cas d’espèce, doit être différent de celui du siège de la société »;
Mais attendu qu’aux termes de l’alinéa 1-2° de l’article 246 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative susvisé, « les exploits dressés par les huissiers de justice contiennent notamment :
– le nom du requérant, ses prénoms, profession, nationalité et domicile réel ou élu, et le cas échéant, les nom, prénoms, profession et domicile de son représentant légal ou statutaire; si le requérant est une personne physique, la date et le lieu de sa naissance »;
Qu’aux termes de l’article 25 de l’Acte uniforme susvisé, « le siège social ne peut pas être constitué uniquement par une domiciliation à une boîte postale.
Il doit être localisé par une adresse ou une indication géographique suffisamment précise »;
Attendu qu’il ne résulte d’aucune des dispositions citées ci-dessus que l’indication du domicile du représentant d’une société et les précisions relatives à son siège social dans les exploits dressés par les huissiers de justice soient des mentions prescrites à peine de nullité; que l’absence de ces mentions ne peut, dès lors, être sanctionnée par la nullité qu’à la condition que le requérant rapporte la preuve que ladite absence lui ait causé un quelconque préjudice; que la requérante n’ayant pas rapporté la preuve de l’existence d’un quelconque préjudice subi par elle, il y a lieu de déclarer le moyen tiré de la violation des articles 246 alinéa 1-2° et 25 sus-indiqués, non fondé et de le rejeter;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Vu les articles 10 et 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Attendu qu’il est encore fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 10 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en déclarant recevable l’opposition formée par la société D. et D. de COTE D’IVOIRE, alors que ladite opposition a été formée hors délai;
Mais attendu qu’aux termes du premier alinéa de l’article 10 de l’Acte uniforme susvisé, « l’opposition [à une décision d’injonction de payer] doit être formée dans les quinze jours qui suivent la signification de la décision portant injonction de payer. Le délai est augmenté, éventuellement, des délais de distance » et du dernier alinéa de l’article 11 du même Acte uniforme, « l’opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même acte que celui de l’opposition :
– de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente, à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition »;
Attendu que, dans le cas d’espèce, l’opposition a été formée le 29 décembre 1999 contre une ordonnance d’injonction de payer rendue le 06 décembre 1999 et signifiée le 15 décembre 1999, soit quatorze (14) jours après la signification; que, tenant compte du fait que la date du 15 janvier 2000 fixée pour la comparution devant la juridiction compétente n’était pas utile, l’opposant avait servi avenir le 11 janvier 2000 pour fixer la date de comparution au 24 janvier 2000, soit vingt-six (26) jours après l’opposition formée le 29 décembre 1999, et donc dans le délai de trente (30) jours prescrit par le dernier alinéa de l’article 11 susvisé; que l’opposition ayant, dès lors, été faite dans les délais conformément aux dispositions des articles 10 et 11 susvisés, il y a lieu de retenir que le moyen n’est pas davantage fondé en sa seconde branche;
Sur le second moyen
Vu l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir « péché par la violation des formes légales prescrites à peine de nullité ou de déchéance » par l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en décidant « que la notification au greffe faite dans l’original de l’exploit d’opposition, comme en l’espèce, est en conformité avec le texte précité, de sorte que le moyen manquant de pertinence sera rejeté également »;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, « l’opposant est tenu, à peine de déchéance et dans le même acte que celui de l’opposition :
– de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer;
– de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition »;
Que ledit article n’impose donc pas que les notifications faites aux parties figurent obligatoirement sur la copie de l’exploit délaissée au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer et vice-versa, la seule obligation à la charge de l’opposant étant de signifier son recours et de servir assignation dans le même acte; que par conséquent, en décidant que l’exploit de notification délaissé à la société, M. est en conformité avec l’article 11 susmentionné, la Cour d’Appel n’a en rien violé ledit article; qu’il s’ensuit que le pourvoi doit également être rejeté sur ce point.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
– Rejette le pourvoi;
– Condamne la société M. aux dépens.
Président : M. Seydou BA.
Note anonyme.
Quelle est la sanction des omissions de l’indication du domicile du représentant d’une société et des précisions relatives à son siège social, dans un exploit d’huissier ?
A quelles conditions l’omission de ces mentions dans un exploit d’huissier peut-elle être sanctionnée par la nullité ?
Quelle est l’obligation mise à la charge de l’opposant en matière d’injonction de payer ?
Tels sont les problèmes soumis à la CCJA.
1/ Faits et moyens
La société M. s’est pourvue en cassation contre l’arrêt de la Cour d’Appel d’Abidjan qui a rétracté l’ordonnance d’injonction de payer condamnant la société D. à lui payer une somme d’argent, arguant de la violation, d’une part, de l’article 246.1-2 du code de procédure civile et, d’autre part, des articles 10, 11 et 25 de l’Acte uniforme relatif au recouvrement de créance.
En effet, la requérante reproche à la Cour d’Appel, d’une part, de n’avoir pas annulé l’exploit d’huissier qui ne contenait ni l’indication du domicile du représentant légal de la société D., ni les précisions relatives à son siège social et, d’autre part, d’avoir déclaré recevable l’opposition qui a été formée hors délai et, enfin, de n’avoir pas sanctionné le fait que la notification au greffe n’a pas été faite dans l’original de l’exploit d’opposition par l’opposant.
En rejetant le pourvoi, la CCJA démontre que les différents moyens de la société M. ne sont pas fondés, qu’il s’agisse de la sanction de l’omission de mentions dans l’exploit d’huissier (2) ou des obligations mises à la charge de l’opposant en matière d’injonction de payer (3).
2/ La sanction de l’omission de mentions dans l’exploit d’huissier
Selon la requérante, la Cour d’Appel a fait une mauvaise interprétation de l’alinéa 1-2 de l’article 246 du Code ivoirien de procédure civile et de l’article 25 de l’Acte uniforme relatif au recouvrement de créance , pour avoir décidé que l’absence de l’indication du domicile du représentant légal de la société D. et de l’imprécision du siège social de ladite société dans l’exploit d’huissier est suffisamment suppléée par l’élection de domicile par la société D., en l’étude de son Conseil, alors que l’acte du représentant légal de la société D. ne mentionne simplement que le siège social est à Abidjan Vridi, Zone Industrielle…… Ce qui est contraire aux dispositions des articles suscités, d’autant que le domicile du représentant légal doit être différent de celui de la société. En ne sanctionnant pas la non indication de ces mentions, la Cour d’Appel a violé les articles précités.
Ainsi, pour la requérante, l’exploit d’huissier ne contenant pas ces mentions est nul. Ce qui pose le problème de la sanction de l’absence desdites mentions dans l’exploit d’huissier. Autrement dit, les mentions suscitées sont-elles prescrites à peine de nullité ?
Pour rejeter le moyen, la CCJA fait constater que les mentions en cause ne sont pas prescrites à peine de nullité. En tout cas, cela ne résulte d’aucune des dispositions en cause (telle est d’ailleurs la position de la jurisprudence ivoirienne, cf. Cour Suprême. Ch. Jud. Formation Civ. et Com. Arrêt N° 03 du 7 janvier 1999, CND/Rec. Arrêts C.S. Ch. Jud. Formation Civ. et Com. N°3/2000 P. 13).
Dès lors, ces mentions n’étant pas prescrites à peine de nullité, leur absence dans un exploit d’huissier ne peut être sanctionnée que si elle cause à la partie intéressée un préjudice. Ce qui suppose donc la preuve d’un quelconque préjudice. C'est-à-dire qu’en l’espèce, la requérante doit rapporter la preuve d’un préjudice subi. Il s’agirait donc d’une sorte de nullité relative. (C.S Ch. Jud., arrêt N° 100 du 09 avril 1998, CND/Rec Arrêts C.S Ch. Jud. Form civ et com. N° 2/2000 P.42).
A défaut de preuve, la nullité ne saurait être prononcée, en l’absence d’une telle sanction édictée par les textes régissant le contenu de l’exploit. (Pour la nullité, CS. Ch. Jud. Form. Civ. Arrêt N° 117 du 12 mai 1992. CNDJ / Rec. Arrêts C.S Ch. Form. Civ. et Com. 1999 N° 4 P.44. L’exploit de signification commandement ne contenait ni date et lieu de naissance, ni la nationalité et la profession des requérants. Parties requérantes non mentionnées, préjudice certain).
3/ Les obligations de l’opposant
La requérante reproche à la Cour d’Appel de n’avoir pas prononcé la déchéance de l’opposant prévue par l’article 11 de l’Acte uniforme relatif au recouvrement de créance, celui-ci n’ayant pas fait figurer les notifications faites aux parties obligatoirement sur la copie de l’exploit délaissée au greffe. Ce qui pose le problème des obligations mises à la charge de l’opposant.
Autrement dit, l’article 11 suscité fait-il obligation à l’opposant de faire figurer obligatoirement sur la copie de l’exploit délaissée au greffe, les notifications faites aux parties ?
Non, répond la CCJA, car la seule obligation de l’opposant est de signifier son recours et de servir assignation dans le même acte et rien d’autre (Anne-Marie H. Assi Esso et Ndiaw Diouf, Le recouvrement des créances, Ed. Bruylant, 2002, Collection droit uniforme africain, p.20.- Brou Kouakou Mathurin, La procédure d’injonction de payer en droit ivoirien : l’apport du droit Ohada, Revue de recherche juridique, Droit prospectif, Presses universitaires d’Aix-Marseille, p.1153). Il en résulte que l’article 11 n’impose pas que les notifications faites aux parties figurent obligatoirement sur la copie de l’exploit délaissée au greffe.
En décidant donc que l’exploit de notification délaissé à la société M. est conforme aux dispositions de l’article 11, la Cour d’Appel n’a pas violé ledit article.
C’est donc tout naturellement que la CCJA a encore rejeté le pourvoi. (Pour l’obligation de l’opposant, C.A. Abidjan, arrêt N° 655 du 16 mai 2001, Juris OHADA N° 2/2002 p.31, Ohadata J-02-98).