J-03-71
VOIES D’EXÉCUTION – SAISIE IMMOBILLIÈRE – AUDIENCE ÉVENTUELLE – JUGEMENT – APPEL – DÉLAI IMPARTI À LA COUR POUR STATUER – INOBSERVATION – SANCTION – ABSENCE DE SANCTION PRÉVUE –ARTICLE 247 AUPSRVE.
L’objectif étant de conférer à l’appel contre un jugement rendu à l’audience éventuelle d’une procédure de saisie immobilière, une certaine célérité, l’Acte Uniforme n’a pas prévu de sanction lorsque la Cour d’Appel saisie ne statue pas dans le délai de quinze jours à elle imparti.
Article 247 AUPSRVE
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 653 du 26 mai 2000, O.K.F c/ BICICI et autres, Le Juris-Ohada, n° 4/2002, octobre – décembre 2002, p. 62, note anonyme).
La cour,
Vu les pièces du dossier;
Vu les réquisitions écrites du Ministère Public;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Expose du litige
Le consortium bancaire comprenant la BICICI, la SGBCI, la SIB, la CCI et la BIDI, accordaient à dame B. divers crédits, dont les montants, intérêts et agios compris, atteignaient la somme de 2.038.250.000 F;
Lesdits crédits avaient été garantis par une inscription hypothécaire portant sur les immeubles objet des titres fonciers N° 5606, 2567 et 13214 de la circonscription foncière de Bingerville, appartenant à O. N.;
Par la suite, celui-ci décédait;
Aussi, en remboursement de sa créance, le consortium bancaire entreprenait-il une procédure de saisie immobilière desdits immeubles, à l’encontre de dame B. et des ayants-droit de feu O. N.;
A l’audience de contestation, les débiteurs saisis déposaient des dires et observations tendant à l’annulation de ladite procédure;
Néanmoins, vidant son délibéré, le Tribunal saisi rendait la décision dont le dispositif est le suivant :
« - Déclare le consortium bancaire bien fondé en sa demande;
– Confirme le commandement à fin de saisie réelle en date des 19 et 20 août 1999;
– Renvoie la cause et les parties à l’audience d’adjudication du 13 décembre 1999, par-devant Maître Marcelle Denise RICHMOND, Notaire à Abidjan;
– Réserve les dépens »;
Estimant que la décision ainsi rendue lui faisant grief, O.K. F., avant-droit de feu O. N., par acte d’huissier en date du 22 novembre 1999, relevait appel, du jugement ADD n° 524/99 en date su 08 novembre 1999 rendu par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, à l’effet de voir la Cour d’Appel de céans :
– L’infirmer;
Statuant à nouveau;
– Ordonnancer la nullité des commandements à fin de saisie réelle en date des 12 août et 19 août 1999;
– Annuler le cahier des charges produit;
– Lui donner acte de ce que la BIDI ne détenait aucun titre exécutoire, ni aucune inscription;
Subsidiairement;
– Dire que la créance du consortium des banques était contestée;
– Dire que le protocole d’accord du16 avril 1982 était inopposable aux sociétés ADK et CIBB BUYO;
– Lui donner acte de ce qu’il contestait la créance imputée à son auteur;
– Ordonner la mainlevée du commandement;
Au soutien de son acte d’appel, OKF reprochait au jugement querellé d’avoir violé les dispositions de l’article 247 de l’Acte Uniforme sur la procédure de vente immobilière, issu du Traité OHADA (sic), en ayant ordonné la vente des immeubles objet de litige, alors que le consortium bancaire ne disposait d’aucun titre exécutoire;
En effet, selon lui, d’une part, le protocole d’accord en date du 16 avril 1982 consacrant une reconnaissance de dette, n’avait aucun caractère exécutoire, pas plus que l’arrêt civil contradictoire n° 1362 rendu le 11 décembre 1987 qui lui, ne contenait aucune condamnation à un paiement de somme d’argent,
De l’autre, soutenait-il, la convention d’ouverture de compte courant ne constatait pas une créance liquide et, a fortiori, exigible, en sorte qu’en dépit de son caractère exécutoire, pas plus que l’arrêt civil contradictoire n° 1362 rendu le 11 décembre 1987 qui lui, ne contenait aucune condamnation à un paiement de somme d’argent;
De l’autre, soutenait-il la convention d’ouverture de compte courant ne constatait pas une créance liquide et a fortiori exigible, en sorte qu’en dépit de son caractère exécutoire, celle-ci ne satisfait pas aux exigences de l’article 247 précité;
Pour l’appelant, l’absence de liquidité de la créance cause de la saisie, résultait de la variation des quantum réclamés par le consortium bancaire, dans deux sommations de payer successives;
Par ailleurs, O.K. entendait relever que la BIDI, représentée par la SONARECI, ne disposait à son profit d’aucune inscription hypothécaire;
Ainsi, selon lui, le commandement en date du 19 Août 1999 initié au nom de ladite banque, était-il nul et de nul effet, à l’instar de tous les actes qui lui en étaient subséquents;
Poursuivant ses moyens d’appel, OK invoquait la violation par le consortium bancaire, de l’article 254 alinéa 5 dudit Acte Uniforme, en ce que le commandement aux fins de saisie réelle n’avait indiqué de manière précise, les lieux de situation des immeubles saisis;
En outre, remarquait-il, l’article 260 alinéa 3 n’avait pas également été respecté par les prétendus créanciers, dans la mesure où ceux-ci avaient fait procéder à plusieurs commandements à fin de saisie réelle sur les mêmes titres fonciers, alors qu’un seul commandement eût suffi;
Relativement à la procédure de vente proprement dite, OK estimait que l’article 267 alinéa 8 dudit Acte Uniforme n’avait pas été respecté par les créanciers poursuivants, qui n’avaient à aucun moment annexé au cahier des charges déposé, l’état des droits réels inscrit sur les immeubles concernés;
Ainsi, ledit cahier des charges était-il nul, de nullité absolue;
Subsidiairement, l’appelant contestait sur le fond, le principe même de la créance du consortium bancaire, d’autant qu’en l’espace de 7 années, pour un prêt de 1.200.000.000 F, celui-ci réclamait déjà la somme de 5.476.370.802 F;
Ainsi, son défunt père avait-il, de son vivant, remis en cause ladite créance qui, de ce fait, selon l’appelant, ne reposait sur aucun fondement;
C’est pourquoi, faisait-il valoir, une procédure en reddition de compte avait-elle, par ses soins, été entreprise devant la 7e Chambre Civile du Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
Ce faisant, O.K. estimait que la procédure de saisie réelle initiée à son encontre, ne pouvait aboutir avant même que la créance, cause de la saisie ne fut déterminée dans son quantum exact;
En réponse, le consortium bancaire, faisait remarquer que O.K. n’avait pas respecté les dispositions de l’article 301 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, en ajournant la cause au-delà du délai de 15 jours imparti dans le cadre de l’appel des audiences éventuelles;
En effet, alors que l’acte d’appel était daté du22 novembre 1999, l’ajournement quant à lui, avait été fixé au 17 décembre 1999;
Sur le fond, le consortium bancaire plaidait le bien-fondé et la régularité de la procédure de saisie immobilière qu’il avait entreprise;
Selon lui, contrairement aux prétentions de l’appelant, il avait bel et bien en sa possession, un titre exécutoire;
Ledit titre résultant de la convention notariée d’ouverture de compte courant et de crédit à moyen terme par lui consenti, et dont le remboursement était garanti par le cautionnement solidaire et hypothécaire de O.N.;
Pour l’intimé, le fait d’avoir réclamé différents montants dans des sommations de payer, ne pouvait en soi, remettre en cause la liquidité de sa créance;
En effet, il soutenait qu’il lui était loisible d’indiquer le montant qu’il entendait dans l’immédiat recouvrer correspondant à la créance (garantie) par l’hypothèque dont il était bénéficiaire;
Au demeurant, arguait le consortium bancaire, ladite convention notariée avait indiqué de manière précise, que les différents concours bancaires à recouvrer s’élevaient au total, à la somme de 2.038.250.000 F;
Ainsi, ladite créance dont le montant était libellé en argent, était-elle liquide;
De surcroît, poursuivait ledit consortium, sa créance était exigible, dans la mesure où la reconnaissance de dette signée par feu O.N. n’avait pas été respectée dans ses différentes échéances;
Il s’ensuivait que, dès la sommation de payer, portant sur le montant reconnu, en l’occurrence, la somme de 5.476.370.802 F en principal et intérêts, il s’estimait en droit de procéder à son recouvrement par toutes les voies de droit qui lui étaient ouvertes;
Ainsi, l’intimé considérait que les dispositions de l’article 247 de l’Acte Uniforme avaient-elles été respectées;
S’agissant spécifiquement de la demande en nullité de la procédure initiée par la BIDI, pour défaut d’inscription hypothécaire, le consortium bancaire observait que ladite banque avait été partie au protocole d’accord du 16 avril 1982;
En tout état de cause, le consortium sollicitait qu’il lui soit donné acte de ce que la BIDI renonçait en l’état à son instance, quitte à engager plus tard, toutes procédures idoines pour le recouvrement de sa créance;
Relativement à la demande en nullité du commandement à fin de saisie immobilière, pour violation de l’article 254 alinéa 5, l’intimé s’inscrivait en faux contre la prétention suivant laquelle, les immeubles objet de ladite saisie, n’avaient pas suffisamment été identifiés;
A ce propos, il invitait la Cour à se reporter aux mentions dudit commandement;
S’agissant du manquement à lui imputé, de l’article 260 alinéa 3 de l’Acte Uniforme, le consortium bancaire affirmait que les dispositions dudit article avaient été respectées, dans la mesure où le Conservateur avait bel et bien visé l’original du commandement à fin de saisie immobilière, et mentionné en marge de celui-ci, les précédents commandements;
Au reste, arguait l’intimé, le non-respect de l’article 260 alinéa 3 susvisé, au cas où cela serait acquis aux débats, n’était sanctionné par aucune nullité, pas même relative;
En tout état de cause, le consortium affirmait avoir notifié pour la présente cause, qu’un seul commandement à fin de saisie immobilière, à son débiteur;
En ce qui concernait la nullité du cahier des charges relevé par l’appelant, l’intimé déclarait avoir satisfait aux exigences légales, en ayant produit trois réquisitions foncières dûment régularisées par le Conservateur de la propriété foncière, sous le même numéro;
Enfin, sur le fond de la demande, le consortium bancaire estimait que O.K. ne pouvait à ce jour, prétendre que son défunt auteur avait toujours contesté le principe de la créance cause de la saisie, alors que celui-ci avait dans un protocole d’accord, reconnu sa dette de 5.476.370.000 F;
A aucun moment, l’appelant ne produisait les preuves des paiements, même partiels, de ladite dette;
Bien plus, poursuivait-il, en sa qualité de caution, feu O.N. avait renoncé au bénéfice de discussion, en sorte qu’à ce jour, son ayant-droit ne pouvait valablement remettre en cause la dette pour laquelle celui-là faisait l’objet de poursuite;
C’est pourquoi, le consortium bancaire concluait à la confirmation de la décision querellée;
Le Ministère Public, dans ses réquisitions écrites, s’en rapportait;
Sur ce,
Le consortium bancaire ayant régulièrement été intimé, il y a lieu de statuer contradictoirement;
EN LA FORME
Sur la recevabilité de l’appel interjeté par OK
O.K. a relevé appel, par acte d’huissier en date du 22 novembre 1999, d’un jugement qui ne lui a pas été signifié; ledit appel est donc recevable, pour avoir été entrepris dans les forme et délai légaux;
Sur le non-respect du délai de 15 jours imparti par l’article 301 de l’acte uniforme pour statuer sur les mérites dudit appel
Aux termes de l’article 301 alinéa 4 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, dans le cadre de l’appel d’un jugement rendu à l’audience éventuelle d’une procédure de saisie immobilière, la Cour doit statuer dans la quinzaine de l’acte d’appel;
Il est constant qu’au jour du prononcé de la présente décision, ledit délai est largement expiré;
En tout état de cause, la cour n’aurait pu respecter le délai de 15 jours à elle imparti, dans la mesure où l’appelant O.K. a ajourné son appel à une date plus éloignée;
Cependant, en dépit desdites prescriptions dont l’objectif est de conférer à ladite voie de recours une certaine célérité, la sanction à appliquer en cas d’omission n’a pas été prévue;
Ainsi, convient-il de rejeter le moyen soulevé par la BICICI comme mal fondé;
AU FOND
Sur la régularité de la procédure de saisie réelle entreprise par la BICICI
Il résulte des productions que, pour parvenir à la vente forcée des immeubles objet des titres fonciers N° 5605, 2567 et 13214 de la circonscription foncière de Bingerville, appartenant à feu O.N., la BICICI a fait servir un commandement de payer comportant toutes les mentions exigées par la loi, tant en ce qui concerne le visa du Conservateur et les mentions en annexe des précédents commandements, que la désignation précise des immeubles à saisir;
En outre, il apparaît que la créance de la BICICI repose, entre autres, sur une convention notariée d’ouverture de crédit en date du 04 mars 1975, revêtue de la formule exécutoire;
Ladite créance consacrée par ailleurs, par une reconnaissance de dette – non contestée – date du 16 avril 1982, signée de feu O.N. de son vivant, est liquide pour avoir été libérée en somme d’argent, en l’occurrence, celle de 2.038.250.000 F;
Le non-respect par feu O.N. des échéances convenues entre les parties pour l’extinction de ladite créance, l’a rendue, en outre, exigible;
Ainsi, les exceptions de nullité soulevées par O.K. pour violation des articles 247 alinéa 1, 254 alinéa 5, 257 de l’Acte Uniforme doivent-elles être rejetées comme non fondées;
Dès lors, c’est donc à bon droit que les premiers Juges ont déclaré régulière la procédure de saisie immobilière initiée par la BICICI et le consortium bancaire;
Sur l’exécution de la BIDI en tant que créancière poursuivante
Il est acquis aux débats que la BIDI, bien que créancière de la succession de feu O.N., ne dispose d’aucune garantie hypothécaire;
A ce sujet, le consortium bancaire a sollicité qu’il lui soit donné acte du désistement d’instance de la BIDI;
Sur la régularité de la procédure de vente proprement dite
A la lumière du cahier des charges produit par le consortium bancaire, il ressort qu’un état récapitulatif des sûretés réelles dont il est titulaire sur les biens immeubles appartenant à la succession de feu O.N. a été annexé; en cela, les dispositions de l’article 267 alinéa 8 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution ont été respectées; en conséquence, le moyen de nullité dudit cahier de charge pour non accomplissement de ladite formalité, tel que soulevé par O.K. ne saurait être retenu;
Aussi, convient-il de rejeter ledit moyen et déclarer régulière la procédure de vente proprement dite entreprise par le consortium bancaire;
Sur le sursis à statuer
Il figure au dossier une reconnaissance de dette de feu O.N. envers le consortium bancaire;
Ledit acte constitue le fondement de la créance du consortium bancaire; dans ces conditions, la seule affirmation de O.K. suivant laquelle, une action en reddition de compte serait en cours devant les juridictions du premier degré, ne saurait, en l’état et à défaut de justificatif, rendre opportune une mesure de sursis à statuer;
Dès lors, ledit moyen ne peut prospérer;
La procédure de saisie immobilière n’ayant pas connu son terme, il y a lieu d’en réserver les dépens.
Président : M. KHOUADIANI Kouadio Kouakou Bertin.
Note :
Hormis des questions de fond qui n’appellent pas d’observation particulière, l’arrêt publié ci-dessus, en la forme, interpelle le lecteur, en ce sens qu’il repose le problème de la sanction du non-respect du délai dans lequel une juridiction doit statuer. Comme par le passé, l’intérêt de la question réside dans le fait qu’aucune sanction n’est prévue en pareille hypothèse. Néanmoins, les parties n’hésitent pas à demander à la juridiction saisie de sanctionner la situation ainsi créée.
C’est le cas, en l’espèce, avec l’article 301 alinéa 4 de l’Acte Uniforme portant voies d’exécution, qui précise que la Cour d’Appel, dans le cadre d’un jugement rendu à l’audience éventuelle d’une procédure de saisie immobilière, doit statuer dans un délai de 15 jours à partir de l’acte d’appel. La Cour s’étant prononcée après l’expiration de ce délai, le demandeur au pourvoi demande de sanctionner le non respect du délai imparti.
Mais aucune sanction n’étant prévue, en pareille circonstance, la Cour d’Appel a rejeté le moyen, estimant par ailleurs que l’objectif, en ce qui concerne le délai pour statuer, est de conférer à l’appel une certaine célérité, quand on constate que la procédure de saisie immobilière elle-même est relativement longue, eu égard au formalisme qui l’entoure.
En tout état de cause, dans le sens d’une sanction, peut-on prévoir que la Cour d’Appel est dessaisie de l’affaire, que le jugement querellé est infirmé ou confirmé ? Autant de réflexions qu’on devra mener pour tenir compte des intérêts en présence.
Ce qui rend difficile la sanction en cas de non-respect du délai imparti à une juridiction pour statuer.
C’est ce qui expliquait la rareté ou l’absence de sanctions, en droit interne (cf. art 403. c. pr. civ.).