J-03-72
DROIT COMMUNAUTAIRE – ACTE OHADA – VOIES D’EXÉCUTION – SAISIE REVENDICATION – REMISE DU BIEN À UN SÉQUESTRE – CONDITION – AUTORISATION DE JUSTICE – INOBSERVATION – IRRÉGULARITÉ DE LA SAISIE – RESTITUTION DU BIEN (OUI).
Doit être ordonnée la restitution du bien objet d’une saisie revendication, lorsque la remise du bien à un séquestre n’a pas été soumise à autorisation de justice, comme l’exige l’article 233 de l’Acte Uniforme relatif aux voies d’exécution, la saisie ayant été irrégulière.
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN, Arrêt N° 413 du 28 mars 2000, Affaire : Nouvelle SACAR c/ P. A , Le Juris Ohada, n° 4/2002, p. 62, note anonyme).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après;
Par acte d’huissier en date des 6 et 7 octobre 1999, la Nouvelle Société Africaine de Construction et de Carrelage dite N.S., a relevé appel de l’ordonnance de référé n° 4506 rendue le 22 septembre 1999 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, laquelle saisie par P. d’une demande de restitution d’une machine Caterpillar 528 Winch n° SN 96 C 142, a statué ainsi qu’il suit :
– Recevons P.A. en son action;
– Rétractons l’ordonnance n° 3861 du 18 août 1999 de Madame le Président du Tribunal d’Abidjan;
– Ordonnons la restitution de la machine Caterpillar de type 528 w/CAT WINCH n° 96 C 142;
L’appelante expose qu’elle a acheté la machine Caterpillar en cause, en avril 1999; l’engin devait être mis en location à San-Pedro et a été dans l’attente du départ, à la station Mobil de Daloa; à sa grande surprise, elle a constaté que la machine a été emportée par F.; celui-ci a justifié son comportement par la nécessité d’obtenir le remboursement de sommes qui lui seraient dues par Z., fils du représentant légal de la N.S., au titre de la location d’une fourchette; même si par extraordinaire, poursuit l’appelante, Z. était débiteur de F., il appartenait à ce dernier de saisir, selon les procédures légales, les biens composant le patrimoine de son débiteur; or il s’est emparé de la machine en cause, en l’absence de ladite décision de justice, alors qu’elle appartient à un tiers; la N.S. considère qu’il s’agit là d’une voie de fait; en outre, F. a fait procéder à la vente de l’engin par un commissaire-priseur; c’est ainsi qu’il s’est retrouvé entre les mains de P., en application des dispositions des articles 142 et 277 portant organisation de recouvrement et des voies d’exécution du Traité OHADA; elle a sollicité et obtenu l’autorisation de pratiquer saisie revendication entre les mains de F., en l’occurrence dans la cour de son père; pour éviter toute utilisation frauduleuse ou détérioration, la machine a été remise à un commissaire-priseeur;
La N.S. fait grief au premier Juge d’avoir retardé l’ordonnance autorisant la saisie et ordonne la restitution de la machine, alors qu’il était incompétent pour connaître du litige; elle relève à cet égard que F., n’ayant aucun droit sur l’objet en cause, ne peut pas transférer de droit à P.; au demeurant, elle a saisi le Tribunal de Première Instance d’Abidjan en nullité de la vente opérée par le commissaire priseur, et pour entendre dire qu’elle est propriétaire de la machine Caterpillar; en ordonnant la rétractation de l’ordonnance autorisant la saisie, l’appelante estime que le juge des référés a pris position sur la propriété et portant préjudice au principal;
Par ailleurs, l’appelante soutient qu’aucun texte n’interdit le déplacement de l’objet saisi; en l’espèce, le déplacement n’a causé aucun préjudice à P.A., puisque le bien a été remis à un tiers pour en assurer la conservation; au regard de tout ce qui précède, la N.S. « sollicite l’infirmation de l’ordonnance querellée »;
P. s’oppose à cette demande; il rappelle que F. a loué une fourchette CELSA à Z. pour le compte des sociétés N.S. et Antilopes appartenant à S. et au deuxième nommé; par ordonnance de la juridiction présidentielle du Tribunal de Daloa en date du 15 juin 1999, Z a été condamné à payer le loyer de ce bail à F.; la décision étant passée en force de chose jugée irrecevable, ce dernier a fait procéder à la saisie vente de l’engin Caterpillar; la vente, à laquelle les Z. ont été conviés, a eu lieu le 17 juillet 1999; la machine lui a été adjugée à hauteur de la somme de 16 millions de francs; les débiteurs, qui ont assisté passivement à la vente, ont tout de même obtenu l’autorisation de faire une saisie revendication;
Sur les motifs de la demande d’infirmation de l’ordonnance querellée, l’intimé relève en premier lieu que le juge des référés est compétent et que la saisie est irrégulière; il soutient à cet égard que la saisie revendication, comme toute mesure d’exécution, suscite des incidents justiciables de la juridiction de référé, comme cela est prévu pour les articles 228 et 229 de l’Acte Uniforme du Traité OHADA portant organisation des voies d’exécution; c’est ce même acte, en son article 213 alinéa 1er, qui exige que le détenteur de la chose saisie en soit le gardien; l’article 233 soumet l’enlèvement à une autorisation de justice, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce; en second lieu, sur les autres motifs de mainlevée, P. relève des faux dans le procès-verbal de saisie revendication, en l’occurrence la mention de son nom comme destinataire, alors qu’il a été reçu par A.; par ailleurs, la déclaration de cette dernière sur le second original et la copie à elle remise différé; cet acte n’est en fait qu’une sommation de restituer avec interpellation;
L’intimé déclare aussi que les exigences de la exigences de la saisie revendication n’ont pas été respectées; il s’agit en l’occurrence de celles prévues par les articles 230 alinéa 2, 231 paragraphes 4, 5, 6 et 10, 232 de l’Acte Uniforme précité; les mesures en cause sont la déclaration au sujet d’une saisie antérieure sur le même bien, les mentions en caractères apparents du droit de contester la saisie et d’en demander la mainlevée, la désignation de la juridiction chargée des contestations, la reproduction des textes pénaux relatifs au détournement d’objets saisis et d’autres dispositions de l’Acte Uniforme, et la dénonciation de la saisie au tiers détenteur et au débiteur; le procès-verbal de saisie revendication ne comportant pas ces mentions, il est nul; sur ces points, il sollicite donc la confirmation de l’ordonnance querellée;
Sur la demande d’astreinte, P. sollicite la réformation de la décision, la saisie selon lui a constitué un prétexte pour enlever indûment la machine, nul ne sait ou elle se trouve; il perd chaque jour de l’argent; seule l’astreinte évaluée à 225.000 FCFA correspondant au loyer journalier généré par l’engin, pourra contraindre la N.S. à restituer l’objet en cause;
SUR CE
SUR L’APPEL PRINCIPAL
Il s’induit de l’article 233 de l’Acte Uniforme portant organisation des voies d’exécution du Traité OHADA, qu’en matière de saisie revendication, la remise du bien à un tiers, en l’occurrence un séquestre, est soumise à autorisation de justice; en l’espèce, il est acquis aux débats que la saisie revendication en cause a été suivie d’enlèvement sans autorisation de justice; ainsi, la saisie est irrégulière; c’est donc à bon droit que le premier Juge a ordonné la restitution de la machine Caterpillar en cause; il y a lieu en conséquence de confirmer l’ordonnance querellée concernant ce chef de demande;
SUR L’APPEL INCIDENT
P. n’ayant pu rapporter la preuve de la résistance de la N.S., il n’y a pas lieu d’assortir la décision d’une astreinte.
SUR LES DÉPENS
La N.S. succombe; il convient de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare la société N.S. recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé n° 4506 rendue le 22 septembre 1999 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan et P.A. en son appel incident;
AU FOND
– Les déclare en leur appel mal fondés et les rejette comme tels;
– Confirme l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions et ce, par substitution de motif;
Président : Mme Fatou DIAKITE.
Note
La Cour d’Appel rappelle les conditions dans lesquelles doit être procédée la saisie revendication d’un bien.
Elle rappelle en effet, qu’en application de l’article 233 de l’Acte Uniforme portant organisation des voies d’exécution, la remise du bien à un tiers, en matière de saisie revendication, est soumise à autorisation de justice. A défaut, la saisie est irrégulière, et la restitution du bien objet de la saisie doit être ordonnée.