J-03-74
DROIT COMMERCIAL GÉNÉRAL – BAIL À USAGE D’HABITATION – APPLICATION DE L’ACTE UNIFORME OHADA (NON) – APPLICATION DE LA LOI IVOIRIENNE DU 18 DÉCEMBRE 1977.
BAIL À USAGE D’HABITATION – LOCATAIRE – DROIT AU MAINTIEN DANS LES LIEUX – PROPRIÉTAIRE REPRENANT SUR LOCAL POUR USAGE PERSONNEL – DROIT AU MAINTIEN OPPOSABLE AU PROPRIÉTAIRE (NON).
L’Acte Uniforme portant droit commercial général ne s’applique pas au bail à usage d’habitation, qui est régi par la loi 77-995 du 18 décembre 1977.
Le droit au maintien dans les lieux loués n’est pas opposable au propriétaire qui désire reprendre son local pour son usage personnel, notamment lorsque le locataire ne rapporte pas la preuve que l’argument du bailleur est dénué de tout fondement.
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 374 du 17 mars 2000, D. c/ S., Le Juris Ohada, n° 4/2002, octobre – décembre 2002, p. 73).
LA COUR,
Ouï le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l’exposé des faits, de la procédure, des prétentions des parties et motifs ci-après;
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté du 19 juin 1999 comportant ajournement au 02 juillet 1999, Mr D. a relevé appel du jugement n° 144/CIV 4 rendu le 1er mars 1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui, en la cause, a statué comme suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
– Rejette l’exception de nullité de l’exploit de congé soulevé par D.;
– Déclare recevable l’action de SILUE Mamadou;
AU FOND
– Le dit bien fondé;
– Valide le congé par lui servi par exploit en date du 04 novembre 1997;
– Ordonne l’expulsion de D. de l’appartement n° 116 sis à Adjamé Fraternité 2 SICOGI 3ème étage, tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef;
– Déclare recevable mais mal fondée la demande reconventionnelle de D.;
– L’en déboute;
– Dit que le présent jugement est exécutoire par provision;
– Condamne D. aux dépens;
Il résulte des énonciations dudit jugement que, par exploit daté du 27 février 1998, S. a assigné D. devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan pour s’entendre :
– Valider le congé par lui servi à D. par exploit d’huissier de justice daté du 04 novembre 1997;
– Ordonner l’expulsion de celui-ci de l’appartement n° 116 sis à Adjamé Fraternité 2 Sicogi 3ème étage, tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef et ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir;
Au soutien de son action, il expliquait qu’il a donné congé au défendeur par exploit du 04 novembre 1997, au motif qu’il entendait reprendre son appartement pour son usage personnel;
Ledit motif étant légitime, il sollicitait qu’il soit fait droit à son action;
En réplique, D. soulevait in limine litis la nullité de l’exploit de congé, au motif que celui-ci a omis d’indiquer les dispositions de l’article 110 du Traité OHADA (sic), et n’a pas fait mention de ce que le locataire dispose d’un délai d’un mois pour contester le congé, et enfin, n’a pas fait référence à la loi du 18 décembre 1977 relative aux baux à usage d’habitation;
Sur le fond, il faisait valoir que le motif allégué par le bailleur n’est pas suffisant pour justifier la validation du congé;
Le demandeur ajoutait, pour sa part, que le motif du congé par lui donné est d’autant plus légitime que la marine marchande, son employeur, l’avait informé de ce que son bail sera résilié et il était harcelé par le propriétaire du local qu’il occupe;
Par ailleurs, il précisait que D. a causé de nombreux dommages à son appartement;
Dans ses dernières conclusions, D. faisait observer que les arguments avancés par Mr S. n’étaient pas fondés et participaient d’une stratégie pour l’évincer des lieux loués, et qu’en outre, toutes les pièces produites par le bailleur pour justifier son action sont fausses;
Estimant que l’action engagée par le bailleur était une procédure abusive et vexatoire, il sollicitait, reconventionnellement, la condamnation de celui-ci au paiement de la somme de 1.500.000 F à titre de dommages et intérêts;
Pour statuer comme il l’a fait, le Tribunal a noté sur la forme que le Traité OHADA (sic) n’avait pas à s’appliquer s’agissant d’un bail à usage d’habitation, qui est régi par la loi du 18 décembre 1977, et que ladite loi n’exige pas du propriétaire qu’il mentionne dans l’exploit de congé un délai pour contester ledit congé, mais qu’il impartisse un délai de 03 mois au locataire pour quitter les lieux, s’il désire le reprendre pour son usage personnel;
Il a, en conséquence, rejeté l’exception de nullité soulevée par le locataire et a déclaré l’action de S. recevable;
Sur le fond, le premier Juge a fait droit à la demande d’expulsion de S., au motif qu’à la date du 06 septembre 1997, le propriétaire n’entendait plus renouveler le contrat de bail, de sorte qu’un congé n’était plus nécessaire;
Que le propriétaire l’ayant tout de même donné, il y avait lieu de le valider;
Il a, par ailleurs, ordonné l’exécution provisoire de sa décision au motif qu’il y avait urgence eu égard au fait que le demandeur avait été invité à quitter son logement de fonction;
Le Tribunal a débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle de paiement de 1.500.000 F au motif que la procédure initiée par S. n’était pas abusive et vexatoire, mais au contraire justifiée;
Au soutien de son appel, D. sollicite l’infirmation du jugement entrepris, au motif que l’argument tenant au fait que S. entendait reprendre son local pour l’habiter lui-même n’est pas fondé, car celui-ci occupe une maison de fonction à lui attribuée par le Ministère de la Marine, et continue d’encaisser les loyers du local litigieux; que par ailleurs, les pièces produites par l’intimé pour établir qu’il lui a été demandé de quitter la maison qu’il habite sont fausses et ne peuvent justifier son expulsion;
S. assigné à Mairie n’a pas comparu ni déposé d’écriture en cause d’appel;
Il y a donc lieu de statuer par défaut à son égard.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel relevé par D. du jugement N° 144/CIV 4 rendu le 1er mars 1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
AU FOND
– L’y dit mal fondé;
– L’en déboute;
– Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
– Condamne le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
– Condamne D. aux dépens.
Président : M. KANGA PENOND Yao Mathurin.
Observations de Joseph ISSA –SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
La décision du premier juge était parfaitement fondée; le bail à usage d’habitation ne peut être régi par l’Acte uniforme sur le droit commercial général (et non le Traité Ohada comme cela est évoqué dans le corps du présent arrêt).
Que la cour d’appel confirme cette décision, on ne peut qu’y acquiescer mais on doit s’étonner qu’elle ne donne aucune motivation de sa décision de confirmation.