J-03-75
HYPOTHÈQUE – HYPOTHEQUE CONSERVATOIRE OU HYPOTHEQUE JUDICIAIRE – COMPÉTENCE TERRITORIALE DE LA JURIDICTION SAISIE – COMPETENCE DE LA JURIDICTION DU LIEU DE SITUATION DE L’IMMEUBLE – SAISINE D’UNE JURIDICTION AUTRE – EXCEPTION D’INCOMPETENCE NON SOULEVEE IN LIMINE LITIS – CONVENTION TACITE DE COMPETENCE TERRITORIALE – ARTICLES 12 ET 18 DU CODE IVOIRIEN DE PROCEDURE CIVILE.
Monsieur HOURANI Ramezel est propriétaire d’un immeuble situé à Yamoussoukro.
Par une ordonnance n° 3422/92 du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, la Société KIMOT a été autorisée à prendre une inscription conservatoire d’hypothèque sur ledit immeuble, ce qui a été fait le 09 septembre 1992. Par la suite, la Société KIMOT a assigné Monsieur HOURANI Ramez devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, aux fins d’ordonner l’inscription définitive de l’hypothèque.
Ledit Tribunal, par un jugement du 22 mars 1993, a fait droit à la demande de la Société KIMOT.
C’est cette décision qui fait l’objet d’un appel de la part des ayants-droit de HOURANI Ramez, décédé entre-temps.
A l’appui de leur appel, les ayants-droit soulèvent surtout l’incompétence du Tribunal d’Abidjan pour trancher le litige et ce, en application des articles 12 et 18 du code de procédure civile.
En effet, soutiennent-ils, l’immeuble litigieux est situé à Yamoussoukro; dès lors, toute procédure relative audit immeuble doit être intentée dans le ressort du Tribunal de cet immeuble, c’est-à-dire, en l’espèce, la section du Tribunal de Toumodi.
Le Tribunal de Première Instance d’Abidjan pouvait-il valablement connaître du litige relatif à un immeuble situé à Yamoussoukro, donc en dehors de son ressort territorial ?
Pour répondre à la question posée, les juges de la Cour d’Appel rappellent les dispositions de l’article 18 du code de procédure, selon lesquelles : « il peut être dérogé aux règles de compétence territoriale par convention expresse ou tacite; la convention est réputée tacite dès lors que l’incompétence du Tribunal n’a pas été soulevée avant toute défense au fond ».
En appliquant lesdites dispositions au cas d’espèce : « ils relèvent cependant qu’en l’espèce, la preuve n’est pas rapportée que l’incompétence a été soulevée avant toute défense au fond par feu Ramez HOURANI », et en tirent la conclusion : « dès lors, ce dernier a entendu passer outre cette incompétence; par conséquent, les ayants-droit de celui-ci ne peuvent plus soulever cette incompétence ».
Par voie de conséquence, il échet de débouter les ayants-droit de leur appel.
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN, Chambre Civile et Commerciale, Arrêt N° 492 du 14 avril 2000, Actualités Juridiques n° 32, p. 15).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l’exposé de la procédure, des faits, prétentions des parties et des motifs ci-après;
EXPOSÉ DE LA PROCÉDURE, DES FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Considérant que par exploit d’huissier en date du 30 novembre 1999, les ayants-droit de feu Ramezel HOURANI ont relevé appel du jugement civil N° 179/CIV/4 B rendu par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan en date du 22 mars 1993, dont le dispositif est ainsi libellé :
« - Déclare la société KIMOT NV recevable et bien fondée en sa demande;
– Ordonne l’inscription définitive de l’hypothèque prise à titre conservatoire sur le titre foncier N° 1675 livre foncier N’ZI COMOE appartenant à Ramezel HOURANI, pour sûreté et avoir paiement de la somme de 101.704.566 F;
– Dit que le Conservateur de la propriété foncière sera tenu d’en procéder au vu de la grosse du présent jugement;
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire;
– Condamne Ramezel HOURANI aux entiers dépens »;
Considérant qu’au soutien de leur appel, les ayants-droit de feu Ramezel HOURANI ont exposé que Monsieur HOURANI Ramez est propriétaire d’un immeuble situé à Yamoussoukro, titre foncier N° 1675 du livre foncier de N’ZI COMOE; que par ordonnance n° 3422/92 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan en date du 18 août 1992, la Société KIMOT a été autorisée à prendre une inscription conservatoire d’hypothèque sur ledit immeuble;
Que cette inscription a été prise le 9 septembre 1992;
Que la société KIMOT a assigné Monsieur HOURANI Ramezel devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, aux fins d’ordonner l’inscription définitive de l’hypothèque;
Que, par un jugement civil du 22 mars 1999, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan a fait droit à la demande de la société KIMOT; que c’est cette décision dont appel est relevé;
Qu’après le rappel des faits et de la procédure, les appelants soutiennent que leur appel est recevable;
Qu’en effet, le jugement querellé a été signifié en l’étude de Maître Abou SOUMAHORO, alors que celui-ci n’a jamais été le Conseil de Monsieur HOURANI;
Qu’à la lecture du jugement, il est constant que le Conseil de Monsieur HOURANI Ramez est Maître KOUSSEMON, Avocat à la Cour, et non Maître Abou SOUMAHORO;
Qu’en outre, le jugement a été signifié le 7 janvier 1998, alors que Monsieur HOURANI Ramez est décédé au Liban à Beyrouth le 9 octobre 1994, soit 4 ans avant ladite signification;
Que la notification n’ayant pas été faite aux ayants-droit de feu HOURANI, le délai pour faire appel n’a pu courir à leur encontre;
Que dès lors, leur appel doit être déclaré recevable;
Que, s’agissant du bien-fondé de l’appel, les appelants soutiennent que la juridiction saisie est incompétente pour trancher ce litige, en application des dispositions de l’article 12 et 18 du code de procédure civile;
Qu’en effet, l’immeuble objet du litige est situé à Yamoussoukro et a fait l’objet du titre foncier N° 1675 du livre foncier de N’ZI COMO;
Que dès lors, toute procédure relative à cet immeuble doit être intentée dans le ressort du Tribunal de celui-ci;
Qu’ainsi, le tribunal compétent en l’espèce est la section du Tribunal de Toumodi, dans le ressort duquel est situé l’immeuble litigieux; que, de ce qui précède, la Cour infirmera purement et simplement le jugement n° 179 pour avoir été rendu par une juridiction incompétente;
Considérant que la société KIMOT NV, intimée, n’a pas déposé d’écriture, ni personne pour elle;
Considérant que le Ministère Public a requis à l’irrecevabilité de l’appel;
DES MOTIFS
Considérant que la société KIMOT NV a été régulièrement citée; qu’il échet donc de statuer contradictoirement;
EN LA FORME
Considérant que par arrêt n° 1258 du 31/12/1999, l’appel des ayants-droit de feu Ramezel HOURANI a été déclaré recevable;
SUR LE BIEN-FONDÉ DE L’APPEL
Considérant, cependant, qu’il ressort des dispositions de l’article 18 du code de procédure civile, « qu’il peut être dérogé aux régles de compétence territoriale par convention expresse ou tacite;
La convention est réputée tacite dès lors que l’incompétence du Tribunal n’a pas été soulevée avant toute défense au fond;
Considérant qu’en l’espèce, la preuve n’est pas rapportée que l’incompétence a été soulevée avant toute défense au fond par feu Ramezel HOURANI;
Que dès lors, ce dernier a entendu passer outre cette incompétence; que par conséquent, les ayants-droit de celui-ci ne peuvent plus soulever cette incompétence;
Qu’il échet de débouter les ayants-droit de leur appel;
SUR LES DÉPENS
Considérant que les ayants-droit de feu Ramezel HOURANI succombent; qu’il y a lieu de les condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Vu l’arrêt N° 1258 du 31/12/1999;
– Déclare recevable l’appel des ayants-droit de feu Ramezel HOURANI;
AU FOND
– Les y dit mal fondés;
– Les en déboute;
– Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions;
– Condamne les ayants-droit de feu Ramezel HOURANI aux dépens.