J-03-76
PROCÉDURES COLLECTIVES D'APUREMENT DU PASSIF – CONCORDAT PRÉVENTIF – HOMOLOGATION – FORCE OBLIGATOIRE À L'ÉGARD DES CRÉANCIERS ANTÉRIEURS AU RÈGLEMENT PRÉVENTIF – CONDITIONS – DÉLAIS ET REMISES CONSENTIS PAR LE CRÉANCIER – RÉUNION DES CONDITIONS (NON) – RÉSERVATION DES DROITS ET ACTIONS DU CRÉANCIER (NON).
Les dispositions du concordat n'ont pour le créancier antérieur à la décision, aucune force obligatoire, dès lors qu'il n'a consenti ni délai, ni remise. En conséquence, il est libre de procéder comme il avisera, dans l'exécution de son titre.
C'est donc à tort que le jugement entrepris, lui déclarant les conditions concordataires obligatoires, a réservé ses droits et actions.
(Cour d'appel d'Abidjan, arrêt n° 1054 du 1er décembre 2000, M. c/ GOMPCI, Juris Ohada, n° 1/2003, janvier – mars 2003, p. 36, note anonyme).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Vu le Ministère Public entendu;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
PROCEDURE, FAITS, PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant acte en date du 06 janvier 2000 de Maître Koffi KOUAME, Huissier de Justice à Abidjan, Monsieur M. a relevé appel du jugement du 22 décembre 1999 portant règlement préventif de la société GOMPCI, qui a réservé, pour mémoire, ses créances et celles de A. de 75.521.310 F et 30.798.634 F, et ce, dans l'attente de l'aboutissement des procédures pendantes devant la Cour Suprême et la Cour d'Appel, Chambre Sociale;
Il résulte des écritures, des productions des parties et énonciations de la décision critiquée, que le Tribunal, en homologuant le concordat, a réservé pour mémoire les créances de Monsieur M., dans l'attente de l'aboutissement des procédures pendantes devant la Cour d'Appel et la Cour Suprême. Estimant qu'il bénéficie d'une condamnation exécutoire sous réserve d’une décision accordant des dé1ais de grâce et faisant au GOMPCI, obligation de payer 5.000.000 F par mois, Monsieur M. fait grief à la décision entreprise de s'être ainsi prononcée, alors et surtout que n’ayant ni consenti de délai, ni même été consulté par le GOMPCI, 1adécision d'homologation ne peut lui être opposable, le texte du Traité OHADA en la matière ne permettant seulement au Tribunal de prendre acte des accords intervenus entre le demandeur et ses créanciers sur le montant des créances réduites ou pas et les délais accordés ou non;
Aussi, demande-t-il voir dire que c’est à tort que le Tribunal a réservé l'exécution de la condamnation dont il est bénéficiaire, et qu’il convient, statuant à nouveau, après infirmation, retenir que la décision entreprise est sans influence sur ses droits;
Pour sa défense, le GOMPCI indique que le Tribunal a réservé, à juste titre, les créances de Monsieur M., pour qu'elles puissent être produites entre les mains du syndic dès qu'elles auront été constatées par des décisions judiciaires passées en force de chose jugée irrévocable;
La condamnation invoquée par Monsieur M. résultant d'un arrêt d'appel frappé de pourvoi encore pendant devant la Cour Suprême, soutient GOMPCI, la créance dont il se prévaut n'étant donc pas encore constatée par une décision définitive., elle ne peut permettre de consentir de délai, encore moins de remise;
Relativement à l'inopposabilité invoquée par M., le GOMPGI fait valoir que le fait pour Monsieur M. de n'avoir pas consenti de délai, ne l'affranchit pas des effets du jugement d'homologation rendant le concordat obligatoire pour tous les créanciers antérieurs à la décision de règlement préventif, et même pour les créanciers ayant refusé tout délai et toute remise;
Aussi, sollicite-t-il la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions;
En réplique, Monsieur M. indique que le concordat étant un ensemble de conventions individuelles passées entre le débiteur et les créanciers qui le veulent bien, à des conditions variant tant en ce qui concerne les remises que les délais, et ce, d'un créancier à l'autre;
Par le jugement d'homologation, le Tribunal ne pouvant rendre ces dispositions individuelles obligatoires que pour ceux qui les ont consenties, et dans les termes où ils les ont consenties; Ainsi, soutient-il, le concordat est sans effet à l'égard des créanciers qui n'ont accordé ni remise, ni délai, lesquels gardent la totalité et la plénitude de leur droit d’exécution;
Le pourvoi n'étant pas suspensif, M. estime que le titre dont il est bénéficiaire est parfaitement exécutoire;
Ce à quoi GOMPCI répond que le concordat judiciaire s'impose aux créanciers opposants et à ceux qui n'ont consenti ni remise ni délai, de sorte que celui homologué par le Tribunal constitue un concordat d'atermoiement, les délais consentis par les autres créanciers s'imposent à M.;
En ses conclusions du 20 avril 2000, M. fait noter que les conditions concordataires ne peuvent être rendues obligatoires à l’égard des créanciers, que dans la mesure où ils les ont acceptées, le Tribunal n'ayant que la seule possibilité d'imposer un délai de deux ans à ceux qui n'acceptent ni réduction ni délai;
En réponse, le GOMPCI indique que le Traité OHADA n’ayant pas supprimé la distinction entre concordat amiable et concordat judiciaire, les principes régissant le concordat judiciaire, par suite d'une homologation par le Tribunal, subsistent nécessairement, de sorte qu'il convient de lui adjuger l’entier bénéfice de l'ensemble de ses écritures;
DES MOTIFS
Il importe de relever qu’aux termes des dispositions de l’article 18 du Traité OHADA sur les procédures collectives d'apurement du passif, l'homologation du concordat préventif ne rend celui-ci obligatoire pour tous les créanciers antérieurs à la décision de règlement
Préventif, qu'en cas de délais ou de remises qu’ils ont consenties au débiteur;
En l’espèce, Monsieur M. n'ayant consenti ni délai, ni remise, c’est à tort que le jugement entrepris, lui déclarant les conditions concordataires obligatoires, a réservé ses droits et actions;
Aussi, convient-il d’infirmer la décision entreprise, et statuant à nouveau, dire que les dispositions du concordat n'ont pour lui aucune force obligatoire, et qu'il est libre de procéder ainsi qu'il avisera, dans l'exécution de son titre;
DES DEPENS.
Le GOM PCI succombant, il échet de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare M. recevable en son appel.
AU FOND
– L'y dit bien fondé;
– Infirme le jugement du Tribunal d’Abidjan du 22 décembre 1999 statuant sur le règlement préventif de la société GOMPCI, en ce qu'il a réservé sa créance dans l'attente de l’aboutissement de procédures pendantes devant les juridictions d'appel et de cassation;
Statuant à nouveau :
– Dit que c’est à tort que la décision de règlement préventif a réservé les droits de Monsieur M., dans l'attente d'obtenir un titre exécutoire;
– Dit que les dispositions du concordat n’ont pour lui aucune force obligatoire;
– Dit qu’il est libre de procéder comme il avisera dans l'exécution de son titre.
Président : M. KHOUADIANI Kouadio Kouakou Bertin.
Note
A quelles conditions le concordat préventif s’impose-t-il au créancier antérieur ?
Aux termes de l'article 18 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, le concordat préventif homologué s’impose à tous les créanciers (créanciers chirographaires ou munis de sûretés) antérieurs dans les conditions de délais et de remises consenties par eux au débiteur.
Il n’en serait autrement que dans l’hypothèse où le délai n’excédant pas deux ans, la juridiction l’a rendu opposable même aux créanciers qui ont refusé tout délai ou toute remise (voir article 15-2 dudit Acte).
C'est pourquoi la Cour d'appel a infirmé le jugement du Tribunal, qui implicitement, avait rendu obligatoire le concordat à l'égard du créancier, qui n'avait consenti ni délai ni remise.
Ainsi, les conditions d’opposabilité ne sont pas réunies, surtout que le concordat n’a pas été étendu aux autres créanciers (voir Filiga Michel SAWADOGO, commentaire de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives et d’apurement du passif, in OHADA, Traité et Actes Uniformes commentés et annotés, Juriscope. Ed. 2002 p. 840).