J-03-79
RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – Fondement contractuel de la créance – Exclusion des CREANCES ISSUES DE contrats de travail.
Article 1 AUPSRVE
Article 2 AUPSRVE
Article 4 AUPSRVE
L’Acte Uniforme sur le recouvrement des créances n’est pas applicable au paiement de sommes d’argent trouvant leur origine dans l’exécution d’un contrat de travail, lequel ressortit à la compétence du Tribunal du Travail.
[Cour d’Appel Abidjan, Arrêt N° 236 du 23 février 2001. SDA (Mes KANGA – OLAYE) c/ KOUASSI TIEMELE Marc et deux autres (Me COULIBALY Désiré), Actualités Juridiques n° 35 – 2003, p. 24].
LA COUR,
Ouï le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCÉDURES ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté du 08 mars 2000 comportant ajournement au 07 avril 2000, la scierie d’Agnibilekrou NOUHAD WAHAD, dite SDA, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur WAHAD NOUHAD RACHID, et ayant pour Conseil la SCPA KANGA-OLAYE et Associés, Avocats à la Cour, a relevé appel du jugement N° 07/2000 rendu le 03 février 2000 par le Tribunal de Première Instance d’Abengourou, qui en la cause, a statué ainsi qu’il suit :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Reçoit la scierie d’Agnibilekrou en son opposition;
– La dit mal fondée et l’en déboute;
– Confirme (sic) les ordonnances N° 479, 480 et 481 du 08 septembre 1999;
– Condamne la SDA aux dépens;
Il ressort des énonciations du jugement querellé, que par exploit daté du 03 novembre 1999, la Scierie d’Agnibilekrou a fait servir assignation pour une reprise d’instance à KOUASSI TIEMELE Marc, KOUAME Pierre Michel et TRAORE Bakary, en expliquant que le 24 décembre 1999, elle a formé opposition contre trois ordonnances la condamnant à payer diverses sommes d’argent aux susnommés, et que l’instance ayant été radiée le 21 octobre 1999; elle en sollicite la reprise;
Au soutien de son opposition, la SDA a fait valoir in limine litis que la juridiction présidentielle est incompétente à rendre les ordonnances querellées, dans la mesure où les créances réclamées trouvent leur origine dans l’exécution de contrat de travail;
Cette cause, selon la SDA est de la compétence du Tribunal social, en application de l’article 1er du code du travail;
Subsidiairement au fond, la SDA a allégué que les créances dont s’agit ne remplissent pas la condition de certitude requise par l’article 1er du Traité OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement de créance civiles commerciales;
Elle a expliqué que les procès-verbaux de règlement amiable ayant donné lieu aux ordonnances critiquées ont été établis avec son ex-chef du personnel licencié quelques mois auparavant;
Celui-ci n’avait donc plus qualité pour engager la scierie, cela, affirmait-elle, est d’autant plus vrai que lesdits procès-verbaux ne comportent pas le cachet de la SDA;
Les défendeurs ayant pour Conseil Maître COULIBALY NAMBEGUE, ont soulevé l’irrecevabilité de l’action de la SDA, aux motifs que la radiation ne constitue pas un motif légal de suspension d’une instance pouvant donner lieu à la reprise de ladite instance;
Ils ont par ailleurs, soulevé la déchéance de la SDA de son opposition, en ce que celle-ci n’a pas mentionné la date d’ajournement du 11 novembre 1999 dans son opposition du 24 septembre qu’elle veut voir revivre;
En tout état de cause, ont-ils souligné, le délai d’ajournement de 30 jours prescrit par la loi est largement dépassé;
Subsidiairement au fond, les défendeurs ont conclu au rejet de l’opposition;
Le premier Juge, pour déclarer recevable l’action en reprise d’instance, a estimé que la radiation est une mesure d’administration judiciaire qui a pour but, non pas d’éteindre l’instance, mais de la suspendre tout simplement;
Pour déclarer la juridiction présidentielle compétente en l’espèce, ledit premier Juge a également relevé que l’article 2-1 du Traité OHADA relatif aux procédures de recouvrement de créance, permet que la procédure d’injonction de payer soit introduite lorsque la créance à une cause contractuelle, et non seulement ce texte, ne fait aucune distinction selon l’origine de la créance dont le recouvrement peut être demandé, mais en plus, cette disposition émanant d’un traité, supérieur aux lois nationales l’emporte sur celles-ci
Au fond, le premier Juge, pour rejeter l’opposition de la SDA, a relevé que les procès-verbaux que celle-ci conteste ont été signés les 13 avril et 28 mai 1999, alors que le licenciement qu’elle invoque n’est intervenu qu’au mois d’août, soit postérieurement;
Au soutien de son appel, la SDA, par le canal de ses Conseils susnommés, explique que par diverses ordonnances d’injonction de payer, elle a été condamnée au paiement de 411.786 FCFA, 4.435.250 FCFA, 4.198.383 FCFA, respectivement au profit de KOUASSI Tiemele, TRAORE Bakary et KOUAME Pierre Michel;
Elle conclut in limine litis à l’incompétence de la juridiction présidentielle, en ce que les intimés étaient tous des salariés et que les procès-verbaux de règlement amiable produits au dossier sont les seules pièces ayant déterminé le Juge à prendre les ordonnances litigieuses, alors que l’article premier du code du travail prescrit que les relations entre employeurs et travailleurs, résultant du contrat de travail, sont régies par le code du travail;
Subsidiairement au fond, l’appelante estime que les créances dont le paiement est poursuivi ne sont pas certaines, dans la mesure où les procès-verbaux de règlement amiable qui les constatent ont été co-signés par un employé licencié plutôt, de sorte qu’il ne pouvait agir au nom et procéder pour le compte de la société;
Par ailleurs, l’appelante sollicite la mise hors de cause de Monsieur WAHAB NOUHAD, en ce que celui-ci, Président Directeur Général de la société anonyme, ne peut se voir condamné pour des actes accomplis durant l’exercice de ses fonctions;
Aux termes de conclusions additionnelles datées du 18 janvier 2001, l’appelante fait grief au premier Juge d’avoir omis de statuer sur les chefs de demande à lui soumis, à savoir :
– l’irrecevabilité des requêtes aux fins d’injonction de payer, en ce que celles-ci ne contiennent pas l’indication du domicile des requérants, ce, en violation de l’article 4 du Traité OHADA;
– la violation de l’article du Traité OHADA relatif aux procédures de recouvrement simplifié, en ce que les intimés lui ont signifié des copies non certifiées conformes des différentes ordonnances d’injonction de payer qui, pour certains, ne comportent aucun numéro de registre du greffe;
Les intimés ne concluent pas en cause d’appel.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel de la société SDA a été relevé conformément aux dispositions légales et doit être, en conséquence, déclaré recevable;
SUR L’INCOMPÉTENCE DU JUGE DES INJONCTIONS DE PAYER
La société SDA a soulevé l’incompétence du Juge de droit commun, au motif que les créances dont le paiement est réclamé, trouvent leur origine dans des contrats de travail, de sorte qu’en application des dispositions de l’article 1er du code du travail, ces clauses relèvent du code du travail;
Ce à quoi le premier Juge, pour se déclarer compétent, a rétorqué que selon l’article 2-1 du Traité OHADA relatif aux procédures de recouvrement simplifié, la procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque la créance a une cause contractuelle;
Il ajoute que « d’une part, ce texte ne fait aucune distinction quant à l’origine de la créance dont le recouvrement est demandé; d’autre part, que le Traité étant une règle supérieure à la loi, il l’emporte sur celle-ci »;
C’est véritablement à tort que le premier Juge en a ainsi décidé;
En effet, il n’est pas contesté que les créances dont le paiement est poursuivi trouvent leur origine dans l’exécution du contrat de travail liant les parties;
Or, le code de travail, qui est une règle spéciale dérogeant au droit commun, prescrit en son article 1er qui régit les relations entre employeurs et travailleurs résultant de contrats de travail conclus pour être exécutés sur le territoire de la République de Côte d’Ivoire;
Il ne fait aucun doute que le Traité OHADA, depuis la ratification par la République de Côte d’Ivoire, est entré dans le droit commun ivoirien;
Il s’ensuit que, contrairement aux prétentions du premier Juge, ce n’est pas le traité qui est applicable en l’espèce, mais plutôt le code du travail;
Il convient, en conséquence, d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de déclarer le Tribunal incompétent;
Les intimés qui succombent en cause d’appel, doivent être solidairement condamnés aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Déclare recevable et bien fondé l’appel de la scierie d’Agnibilekrou dite SDA, du jugement N° 07/2000 rendu le 03 février 2000 par le Tribunal de Première Instance d’Abengourou;
– Infirme ledit jugement;
STATUANT À NOUVEAU
– Déclare incompétente la juridiction de droit commun;
– Renvoie les parties à mieux se pourvoir par-devant le Tribunal du Travail compétent en l’espèce;
– Condamne les intimés aux dépens.
– Président : M. KANGA PENOND YAO Mathurin
– Conseillers : Mme TAMIMOU Honorine, M. KOUASSI BROU Bertin
– Greffier : Me YASSI Julienne.